Le délai de prescription de l’action en contestation de la rupture du contrat de travail court à compter de la date de réception par le salarié de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception notifiant la rupture. Le jour pendant lequel se produit un évènement d’où court un délai de prescription ne compte pas dans le calcul de ce délai. La prescription est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli. (Cass. soc., 21 mai 2025, n° 24-10.009)
S’agissant du délai d’un an pour contester la rupture du contrat de travail, la Cour de cassation consacre la thèse de la réception. Le délai court le lendemain de la réception de la lettre de licenciement adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception (LRAR) et expire le dernier jour du 12e mois.
Dans un arrêt très clair, la Cour de cassation a tranché : le délai court à compter de la réception par le salarié de la lettre de licenciement envoyée en recommandé avec accusé de réception (LRAR), et non à compter de son envoi.
Tableau récapitulatif : délai pour contester un licenciement
| Événement | Date prise en compte pour le délai de contestation |
|---|---|
| Envoi de la LRAR de licenciement | ❌ NON |
| Réception de la LRAR par le salarié | ✅ OUI |
| Non-récupération du recommandé | ⚠️ Présentation peut suffire selon circonstances |
| Licenciement verbal | ⚠️ Autres règles, point de départ incertain |
Une question de jours, une affaire de justice
Depuis la réforme Macron de 2017, le salarié ne dispose plus que d’un an pour contester son licenciement, contre deux auparavant. Ce raccourcissement rend cruciale la question du dies a quo (point de départ du délai).
S’il est acquis que la notification du licenciement par LRAR est la modalité usuelle (C. trav., art. L. 1232-6), fallait-il retenir la date d’expédition ou celle de réception ? La réponse était jusqu’ici floue. Elle est désormais nette : c’est la réception par le salarié qui compte.
La Cour de cassation s’appuie sur l’article 668 du Code de procédure civile, qui distingue entre l’expéditeur et le destinataire :
« La date de la notification par voie postale est, à l’égard de celui qui y procède, celle de l’expédition, et à l’égard de celui à qui elle est faite, la date de réception. »
Autrement dit : le salarié ne doit pas supporter les aléas de la distribution postale dont il n’est pas maître. C’est à partir du moment où il reçoit effectivement la lettre, souvent contre signature, que commence à courir le délai pour agir.
Le sort du salarié négligent : présentation ou réception ?
La décision n’exclut pas des cas particuliers. Si le salarié refuse le recommandé, ou ne va pas le chercher, la question se pose différemment. Peut-on alors retenir la date de présentation ?
La Cour semble ouvrir la porte à cette solution. En effet, le recours explicite à l’article 668 CPC laisse entendre que l’intention de réception peut suffire. Ce serait une protection contre les comportements dilatoires du salarié, à condition, toutefois, que l’adresse soit correcte (Cass. soc., 24 mai 2018, n° 17-16.362).
Cette solution n’est pas inédite : en matière de surendettement ou d’injonction de payer, la présentation vaut notification. La même logique pourrait s’appliquer ici, surtout si le salarié a volontairement refusé le pli.
Une question de cohérence procédurale
La cohérence judiciaire est préservée : le délai d’appel d’un jugement commence lui aussi à la date de notification au destinataire (J. Héron, Le Bars, Salhi).
Côté employeur, la conservation de l’accusé de réception est donc cruciale : il permet de dater précisément le point de départ du délai et de démontrer la régularité de la procédure (Cass. soc., 21 mai 2025, n° 23-12.622).
Attention à ne pas confondre date de rupture et date de prescription
La réception de la lettre détermine le délai de prescription, mais la date de rupture du contrat reste celle de l’émission de la lettre par l’employeur. Cette distinction a un impact sur l’ancienneté, l’indemnité de licenciement, ou encore le préavis (Cass. soc., 11 mai 2005, n° 03-40.650).
Par ailleurs, la notification par LRAR n’est pas une condition de validité du licenciement, mais une modalité prévue à l’article L. 1236-2 du Code du travail. La jurisprudence admet d’autres moyens : remise en main propre, Chronopost, exploit de commissaire de justice, etc. (Cass. soc., 6 mai 2009, n° 08-40.395).
Une computation stricte du délai
Autre précision utile : le jour de réception ne compte pas dans le délai (art. 2228 et 2229 C. civ.). Le délai commence le lendemain. En l’espèce, la lettre est reçue le 10 août 2019, l’action est intentée le 10 août 2020 : le recours était donc parfaitement recevable. Un détail de calendrier… qui aura pris 5 ans à être reconnu.
En conclusion : une jurisprudence salutaire mais un risque à anticiper
Cet arrêt met fin à une incertitude persistante et protège utilement les droits du salarié. Mais il rappelle aussi une vérité simple : saisir le juge au dernier moment est toujours risqué.
Car si l’on peut aujourd’hui s’appuyer sur cette jurisprudence, encore faut-il éviter d’offrir à l’employeur une brèche contentieuse sur la computation du délai. Un simple jour de décalage peut coûter plusieurs années de procédure.
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