Erreur de TVA sur facture : qui est responsable ?

Une erreur sur le taux de TVA appliqué à une facture peut sembler anodine, mais elle peut rapidement se transformer en litige fiscal ou commercial. Qu’il s’agisse d’un taux réduit appliqué à tort ou d’une omission d’autoliquidation, la responsabilité repose en principe sur celui qui émet la facture.

La Cour de cassation l’a récemment rappelé dans un arrêt du 6 juillet 2023 (n° 22-13.141) : l’artisan qui se trompe sur le taux de TVA applicable ne peut pas réclamer à son client la différence ultérieurement, sauf circonstances exceptionnelles.

Le principe : la TVA engage la responsabilité de celui qui la facture

Le Code général des impôts (articles 283 et 289) impose à tout professionnel d’appliquer le bon taux de TVA et d’en indiquer le montant sur la facture.

Celui qui émet la facture est seul responsable de la taxe qu’il facture. S’il se trompe, il ne peut pas en transférer la charge sur son client, sauf si un accord particulier le prévoit.
De son côté, le client ne peut déduire la TVA que si elle a été légalement facturée. En cas d’erreur, la déduction est remise en cause et l’administration peut réclamer le trop-perçu.

L’erreur de taux de TVA : illustration jurisprudentielle

L’affaire jugée le 6 juillet 2023

Un artisan avait réalisé des travaux de reconstruction sur une maison d’habitation endommagée par un incendie. Estimant ces travaux éligibles au taux réduit, il les avait facturés à 5,5 % de TVA.
Il s’aperçoit ensuite que ces travaux relevaient du taux normal de 19,6 %, et réclame à son client la différence.

La cour d’appel lui donne raison, considérant que la TVA à 19,6 % devait s’appliquer. Le client forme alors un pourvoi en cassation, faisant valoir qu’en cas d’erreur de taux, le professionnel doit supporter la différence, en tant que collecteur de l’impôt et professionnel averti.

La position de la Cour de cassation

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel :

« Le professionnel ne peut réclamer un complément de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) dans le cas où il facture cette taxe à un taux réduit erroné, sauf si les parties sont convenues d’une telle rectification ou si l’attestation remise par le maître de l’ouvrage pour garantir les conditions d’application du taux réduit était inexacte de son fait. » (Cass. civ. 3, 6 juillet 2023, n° 22-13.141, inédit)

Autrement dit, le taux mentionné sur la facture demeure applicable, sauf :

  • accord exprès entre les parties pour rectifier la TVA, ou
  • attestation client erronée à l’origine du taux réduit.

En l’espèce, ni l’un ni l’autre n’étaient établis. Le taux de 5,5 % indiqué sur le devis et la facture est donc resté applicable, même s’il était inférieur au taux légal.

La conséquence pratique

Sauf exception, le professionnel qui applique un taux de TVA trop faible ne peut pas en réclamer la différence après coup.
La Cour rappelle ainsi une règle ancienne : la responsabilité du collecteur est personnelle, et il ne peut se décharger de son erreur sur le client.

L’erreur inverse : TVA facturée à tort ou à un taux trop élevé

À l’inverse, lorsqu’une entreprise facture de la TVA alors qu’elle n’y était pas tenue (par exemple, dans une opération exonérée ou soumise à autoliquidation), la taxe devient indûment facturée.

Dans ce cas :

  • le fournisseur doit émettre une facture rectificative et rembourser la TVA au client ;
  • le client ne peut pas déduire la TVA facturée à tort ;
  • la correction doit être déclarée à l’administration pour éviter tout redressement.

L’administration fiscale ne partage jamais la responsabilité de l’erreur : c’est toujours celui qui a facturé la taxe qui doit la régulariser.

Répartition des responsabilités

SituationResponsableConséquence principale
Taux de TVA trop faibleFournisseur / prestataireIl supporte la différence et ne peut réclamer de complément au client.
TVA facturée à tort ou à un taux trop élevéFournisseurIl doit rembourser le client et rectifier sa déclaration.
Attestation client erronéeClientSa responsabilité peut être engagée par le professionnel.
Autoliquidation omiseLes deuxRégularisation conjointe nécessaire.

Régulariser une erreur de TVA

La correction d’une erreur de TVA suppose :

  • l’émission d’une facture rectificative ou d’un avoir, selon le cas ;
  • la régularisation de la déclaration de TVA (TVA collectée ou déductible) ;
  • la coordination entre client et fournisseur pour éviter la double imposition ;
  • le respect du délai de prescription fiscale (en principe trois ans).

Dans la pratique, il est conseillé de conserver une trace écrite de toute rectification et d’en informer le client, afin d’éviter toute contestation ultérieure.

Conclusion

L’arrêt du 6 juillet 2023 vient rappeler un principe fondamental du droit fiscal : celui qui facture la TVA en assume la responsabilité, même lorsqu’il s’est trompé.

L’artisan ou le professionnel ne peut réclamer un complément à son client qu’en présence d’un accord de rectification ou d’une attestation erronée émanant de ce dernier.

Cette jurisprudence impose une vigilance accrue lors de la facturation, en particulier dans les secteurs où les taux réduits sont nombreux (bâtiment, restauration, services à la personne).

En cas d’erreur constatée ou de désaccord sur le taux applicable, il est recommandé de solliciter l’avis d’un avocat fiscaliste afin d’évaluer les risques et de sécuriser la régularisation vis-à-vis de l’administration.

1 réflexion sur “Erreur de TVA sur facture : qui est responsable ?”

  1. Bonjour.
    Dans le cas d’une rectification de TVA suite contrôle fiscale sur la TVA faisant suite au déclaration de travaux effectué par le client qui a souhaité transformer un sous-sol en habitable.
    De fait la maison se voit ayant plus de 10% d’agrandissement ce qui fait que les travaux ne peuvent pas se faire en TVA à taux réduit et donc un taux de TVA à 20% à la place de celui facturé à 10%.
    Conclusion le contrôleur fiscale demande un paiement à l’entrepreneur de la TVA manquante et de faire au client une facture rectificative de TVA.
    Cependant le client refuse de payer.

    On parle de 24 000€ que le client doit à l’entreprise.
    L’entreprise ne peut pas payer au fisc ce redressement sans recevoir le paiement du client.

    L’entreprise est en cour de liquidation judicaire à cause de ça.

    Que risque le client ?
    Devra-t-il rendre des comptes au fisc à son tour par la suite ? je précise que le client est aussi une SARL et non un particulier).

    Merci.

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