Le droit pénal de la consommation s’articule autour d’un ensemble d’incriminations destinées à encadrer les pratiques commerciales et à prévenir les abus. Le consommateur demeure en effet une figure structurellement vulnérable : il n’est pas excessif de le comparer à un enfant, émerveillé par la profusion de produits qui s’offrent à lui, étourdi par la variété des offres, séduit par leur mise en scène et parfois anesthésié par le désir immédiat d’acquérir tout ce qui lui est proposé. Conscient de cette fragilité, le législateur a progressivement multiplié les mécanismes de protection, en posant des règles strictes d’information, de contractualisation et de loyauté.
La législation a ainsi déployé un arsenal destiné à limiter les pratiques les plus agressives, à réprimer les comportements frauduleux et à sanctionner les atteintes aux règles fondamentales du commerce. Certaines infractions concernent des situations courantes — ventes sans commande préalable, démarchage hors établissement, défauts d’information — tandis que d’autres visent des secteurs plus techniques, comme les ventes au public, les opérations immobilières ou le maniement irrégulier de fonds.
Le présent article a pour objet d’exposer les principales infractions qui structurent le droit pénal de la consommation, d’en présenter les éléments constitutifs, les sanctions encourues et les difficultés d’articulation entre répression pénale et sanctions administratives. Il s’agit ainsi de donner une vision claire et ordonnée d’un domaine où la protection du consommateur constitue la ligne directrice de l’ensemble du dispositif.
Les pratiques commerciales déloyales
Une pratique commerciale est déloyale lorsqu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère, ou est susceptible d’altérer, de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service.
Conformément à la directive du 11 mai 2005, le code de la consommation classe les pratiques commerciales déloyales en deux catégories :
- les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L. 121-2 à L. 121-5
- et les pratiques commerciales agressives définies aux articles L. 121-7 et L. 121-8.
L’information du consommateur
L’obligation d’informer
l’article R. 131-1 du code de la consommation qui punit d’une amende de police de la cinquième classe – soit 1 500 euros et 3 000 en cas de récidive – « le fait, par un professionnel vendeur ou prestataire de services, de ne pas remettre à toute personne intéressée qui en fait la demande, un exemplaire des conventions qu’il propose habituellement ». Ce texte sanctionne l’obligation posée par l’article L. 114-1 du code de la consommation.
Une information juridique
Depuis la dépénalisation du défaut d’information sur les prix et conditions particulières de vente, le droit pénal ne se manifeste plus que par l’article R. 131-1 du code de la consommation qui punit d’une amende de police de la cinquième classe – soit 1 500 euros et 3 000 en cas de récidive – « le fait, par un professionnel vendeur ou prestataire de services, de ne pas remettre à toute personne intéressée qui en fait la demande, un exemplaire des conventions qu’il propose habituellement ». Ce texte sanctionne l’obligation posée par l’article L. 114-1 du code de la consommation.
Une information substantielle
Les articles L. 412-1 et R. 451-1 du code de la consommation. – Le texte essentiel en la matière est l’article L. 412-1 du code de la consommation qui confie au pouvoir réglementaire notamment (3o) « les modes de présentation ou les inscriptions de toute nature sur les marchandises elles-mêmes, les emballages, les factures, les documents commerciaux ou les documents de promotion, en ce qui concerne notamment : le mode de production, la nature, les qualités substantielles, la composition y compris pour les denrées alimentaires, la composition nutritionnelle, la teneur en principes utiles, l’espèce, l’origine, l’identité, la quantité, l’aptitude à l’emploi, les modes d’emploi ainsi que les marques spéciales facultatives ou obligatoires apposées sur les marchandises françaises exportées à l’étranger ». Le texte poursuit avec une énumération à laquelle il suffit de renvoyer. Une observation générale s’impose sur toutes ces questions : la réglementation générale annoncée n’a pas pour unique fonction l’information du consommateur, mais s’emploie également à éviter la mauvaise information que l’on retrouvera plus loin (V. infra, nos 168 s.). Parmi les multiples dispositions réglementaires qui composent l’impressionnant corpus du droit positif, il suffit de mentionner les articles R. 412-2 et suivants du code de la consommation sur les modes de présentation et inscriptions.
L’article L. 441-2 du code de commerce. – Aux termes du premier alinéa du I de ce texte, « toute publicité à l’égard du consommateur ou visible de l’extérieur du lieu de vente, mentionnant une réduction de prix ou un prix promotionnel sur les produits alimentaires périssables doit préciser la nature et l’origine des produits offerts et la période pendant laquelle est maintenue l’offre proposée par l’annonceur. La mention relative à l’origine est inscrite en caractères d’une taille égale à celle de la mention du prix ». Toute infraction à ces dispositions est punie d’une amende de 15 000 euros (C. com., art. L. 441-2 , I, al. 3).
Une information compréhensible
Une information en français. – Le consommateur français doit être évidemment informé dans sa langue nationale et cet impératif est poursuivi par la loi no 94-665 du 4 août 1994 « relative à l’emploi de la langue française » et son décret d’application no 95-240 du 3 mars 1995. L’article 2 de la loi rend obligatoire l’emploi de la langue française « dans la désignation, l’offre, la présentation, le mode d’emploi ou d’utilisation, la description de l’étendue et des conditions de garantie d’un bien, d’un produit ou d’un service, ainsi que dans les factures et quittances ». et il en va de même pour « toute publicité écrite, parlée ou audiovisuelle ». Le texte prend soin d’exclure de cette obligation de recours au français la dénomination des produits typiques et spécialités d’appellation étrangère connus du plus large public (par exemple le brandy ou le whisky). Le même article 2 précise enfin que la législation sur les marques ne fait pas obstacle à l’obligation de recourir au français pour les mentions et messages enregistrés avec la marque. Par ailleurs, l’article 4 indique que dans tous les cas où les mentions, annonces et inscriptions visées précédemment sont complétées d’une ou plusieurs traductions, la présentation en français doit être aussi lisible, audible et intelligible que la présentation en langues étrangères. La méconnaissance de toutes ces prescriptions est sanctionnée par l’article 1 du décret d’application d’une amende contraventionnelle de la quatrième classe, soit 750 euros, quintuplée pour les personnes morales (art. 4). Est ainsi en infraction une société qui distribue un progiciel de gestion intégré édité par une société allemande, dont la notice d’utilisation est rédigée en anglais (Crim. 3 nov. 2004, no 03-85.642 , Bull. crim. no 266).
L’obligation de ne pas mal informer
Ce n’est pas tout d’informer le consommateur, encore faut-il le faire correctement ou faut-il ne pas lui nuire.
Avant le contrat : les pratiques commerciales trompeuses
Pratiques commerciales trompeuses. – Aux termes des articles L. 121-1 et L. 121-2, 2o du code de la consommation, une pratique commerciale est trompeuse notamment si elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur le prix ou le mode de calcul du prix et les conditions de paiement du bien ou du service, et si elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.
L’article L.121-2, du code de la consommation regroupe trois types de pratiques commerciales trompeuses dont le dénominateur commun est d’avoir pour cibles non seulement des consommateurs mais aussi des professionnels (art. L. 121-5),
Premier groupe de pratiques commerciales trompeuses.
la directive no 2005/29/CE du 11 mai 2005 donne cette définition : « toute action, omission, conduite, démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la part d’un professionnel, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture du produit aux consommateurs » (art. 2 d).
Deuxième groupe de pratiques commerciales trompeuses.
Aux termes de l’article L. 121-3, du code de la consommation, « une pratique commerciale [ne visant cette fois que les consommateurs] est également trompeuse si, compte tenu des limites propres du moyen de communication utilisé et des circonstances qui l’entourent, elle omet, dissimule ou fournit de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information substantielle ou lorsqu’elle n’indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte.
Troisième groupe de pratiques commerciales trompeuses.
Créé par la loi no 2008-776 du 4 août 2008 « de modernisation de l’économie », l’article L. 121-1-1 du code de la consommation, devenu à présent l’article L. 121-4, est un texte fleuve, qui énonce que « sont réputées trompeuses au sens des articles L. 121-2 et L. 121-3 » diverses pratiques commerciales – concernant aussi bien les consommateurs que les professionnels (art. L. 121-5) – réparties en vingt-deux rubriques.
Lors du contrat : le délit de tromperie
Tromper son cocontractant est d’abord une faute civile, source de responsabilité contractuelle. Mais tromper son cocontractant est un comportement tellement grave qu’il revêt aussi en de nombreuses occurrences une coloration pénale. L’honnêteté dans les transactions est une vertu si précieuse qu’elle doit être assurée, préservée par un arsenal toujours plus sophistiqué.
Il est interdit pour toute personne, partie ou non au contrat, de tromper ou tenter de tromper le contractant, par quelque moyen ou procédé que ce soit, même par l’intermédiaire d’un tiers :
1° Soit sur la nature, l’espèce, l’origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles de toutes marchandises ;
2° Soit sur la quantité des choses livrées ou sur leur identité par la livraison d’une marchandise autre que la chose déterminée qui a fait l’objet du contrat ;
3° Soit sur l’aptitude à l’emploi, les risques inhérents à l’utilisation du produit, les contrôles effectués, les modes d’emploi ou les précautions à prendre.
Les dispositions du présent article sont également applicables aux prestations de services.
La satisfaction du consommateur
Les refus abusifs du contrat
La grande discrimination
Les articles 225-1, 225-1-1 et 225-2 du code pénal qui incriminent toute discrimination, c’est-à-dire d’abord toute distinction opérée entre les personnes physiques et les personnes morales en raison de certains éléments – où figurent en tête l’origine et le sexe –
La petite discrimination
L’article L. 121-11 du code de la consommation – également reproduit par l’article L. 442-1 du code de commerce qui vise toujours l’article L. 122-1 de l’ancien code de la consommation – « interdit de refuser à un consommateur la vente d’un produit ou la prestation d’un service » et cette prohibition est sanctionnée par l’article R. 132-1 du code de la consommation d’une amende de police de la cinquième classe, doublée en cas de récidive. L’article L. 121-11 réserve l’hypothèse du « motif légitime ».
Les contrats abusifs
L’abus toujours présumé
Les illusions
Le mythe de la multiplication sans fin. La vente « à la boule de neige », encore appelée vente à la chaîne ou vente pyramidale, est prohibée par l’article L. 121-15, 1o, du code de la consommation qui la définit comme « consistant en particulier – ce qui n’exclut donc pas les prestations de services expressément visées par l’intitulé de la section contenant l’article considéré – à offrir des marchandises au public en lui faisant espérer l’obtention de ces marchandises à titre gratuit ou contre remise d’une somme inférieure à leur valeur réelle et en subordonnant les ventes au placement de bons ou de tickets à des tiers ou à la collecte d’adhésions ou inscriptions ». Le processus est dangereux car la loi des progressions mathématiques enseigne que tôt ou tard le blocage intervient : il n’est plus possible de trouver de nouveaux clients. Il y a dans la vente à la boule de neige une véritable escroquerie puisque l’on fait miroiter à la dupe des espérances chimériques et c’était initialement que la jurisprudence sanctionnait sous une telle qualification cette pratique
. L’article L. 121-15, 2o, du code de la consommation incrimine par ailleurs un comportement qui peut favoriser les ventes à la boule de neige et qui est du même ordre, qualifié plus spécifiquement de ventes pyramidales. Il s’agit du « fait de proposer à une personne de collecter des adhésions ou de s’inscrire sur une liste en exigeant d’elle le versement d’une contrepartie quelconque et en lui faisant espérer des gains financiers résultant d’une progression du nombre des personnes rencontrées ou inscrites plutôt que de la vente ou de la fourniture de la consommation de biens ou services »
Les loteries
La fascination pour les loteries est une vieille infirmité humaine. Afin d’éviter une exploitation sans vergogne de la faiblesse et de la naïveté, la loi du 21 mai 1836 « portant prohibition des loteries » est intervenue.
L’article L. 322-1 du code de la sécurité intérieure pose le principe de l’interdiction des loteries de toute espèce. La définition des loteries interdites est donnée par l’article L. 322-2 du code de la sécurité intérieure : ce sont « les ventes d’immeubles, de meubles ou de marchandises effectuées par la voie du sort, ou auxquelles ont été réunies des primes ou autres bénéfices dus, même partiellement, au hasard et généralement toutes opérations offertes au public, sous quelque dénomination que ce soit, pour faire naître l’espérance d’un gain qui serait acquis par la voie du sort ». Toute méconnaissance de cette interdiction est punie d’un emprisonnement de trois ans et d’une amende de 90 000 euros (CSI, art. L. 324-6 , al. 1). La circonstance aggravante de bande organisée élève ces peines à sept ans et 200 000 euros (même texte).
Les pressions
Les ventes ou prestations de services subordonnées
Ventes liées ou jumelées. – L’article L. 121-11, alinéa 2, du code de la consommation — repris également à l’article L. 442-1 du code de commerce sous son ancienne numérotation — interdit de « subordonner la vente d’un produit à l’achat d’une quantité imposée ou à l’achat concomitant d’un autre produit ou d’un autre service, ainsi que de subordonner la prestation d’un service à celle d’un autre service ou à l’achat d’un produit », dès lors que cette subordination constitue une pratique commerciale déloyale au sens de l’article L. 121-1.
La violation de cette interdiction constitue une contravention de cinquième classe, dont le montant est doublé en cas de récidive (C. consom., art. R. 132-2).
La description de l’infraction révèle son caractère intentionnel : l’auteur doit avoir eu la volonté de conditionner une vente ou une prestation à une autre opération.
La répression des ventes subordonnées — encore appelées ventes liées ou ventes jumelées — répond à un objectif clair : garantir la liberté de choix du consommateur et prévenir toute atteinte à son autonomie décisionnelle. L’allusion directe à la notion de pratique commerciale déloyale le confirme, une telle pratique étant définie comme altérant ou étant susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique d’un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (C. consom., art. L. 121-1, al. 2).
Les ventes soumises à déclaration préalable
Liquidations. – L’article L. 310-1, alinéa 1, du code de commerce définit les liquidations comme des « ventes accompagnées ou précédées de publicité et annoncées comme tendant à une réduction de prix, à l’écoulement accéléré de la totalité ou d’une partie des marchandises d’un établissement commercial à la suite d’une décision ; quelle qu’en soit la cause, de cessation, de suspension saisonnière ou de changement d’activité, ou de modification substantielle des conditions d’exploitation ».
Ventes au déballage. – L’article L. 310-2, I, alinéa 1, du code de commerce définit les ventes au déballage comme des « ventes et rachats de marchandises effectués dans des locaux ou sur des emplacements non destinés à la vente au public ou au rachat de ces marchandises ainsi qu’à partir de véhicules spécialement aménagés à cet effet ».
Les ventes en soldes (Ventes rituelles)
Les soldes correspondent, en droit positif, aux ventes qui répondent cumulativement à deux conditions définies par l’article L. 310-3, I, alinéa 1, du code de commerce.
D’une part, elles doivent être précédées ou accompagnées d’une publicité et être expressément présentées comme visant, par une réduction de prix, l’écoulement accéléré de marchandises en stock.
D’autre part, elles ne peuvent être pratiquées qu’au cours de périodes déterminées pour l’année civile. Ces périodes sont au nombre de deux, d’une durée de six semaines chacune, leurs dates et heures étant fixées par décret (art. D. 310-15-2 C. com.).
Ce même décret peut attribuer des dates distinctes pour certains départements afin de tenir compte de fortes variations saisonnières de vente ou d’opérations commerciales propres aux zones frontalières. Cette faculté concerne les soldes « classiques » ainsi que les ventes autres que celles régies par l’article L. 121-16, devenu L. 221-1 du code de la consommation, relatif aux contrats à distance (art. L. 310-3, I, 1° in fine).
Les ventes aux enchères
Aperçu d’une législation complexe. – Le régime juridique des ventes aux enchères publiques se distingue nettement selon la nature des biens concernés. Les ventes de comestibles et d’objets de faible valeur réalisées à cri public demeurent libres (C. com., art. L. 320-1, al. 2).
En revanche, les ventes aux enchères publiques portant sur des meubles ou effets mobiliers corporels sont strictement encadrées (C. com., art. L. 320-1, al. 1).
L’article L. 320-2, alinéa 1, du code de commerce en donne une définition précise : il s’agit des ventes dans lesquelles intervient un tiers, agissant comme mandataire du propriétaire ou de son représentant, chargé de proposer le bien et de l’adjuger au mieux-disant à l’issue d’un procédé de mise en concurrence ouvert au public et transparent.
L’enchérisseur qui remporte l’adjudication acquiert le bien pour son propre compte et doit en régler le prix.
Les contrats hors établissement
Définitions légales. – Le démarchage constitue l’archétype de la pratique agressive : le professionnel se rend au domicile du consommateur pour le solliciter, parfois l’importuner. Le législateur a donc instauré un ensemble dense de règles protectrices.
Les contrats à distance présentent, eux, un risque différent mais réel : la possibilité de commander par internet, par téléphone ou par correspondance place le consommateur dans une situation de vulnérabilité, la facilité du processus conduisant parfois à des achats impulsifs ensuite regrettés.
Le droit applicable est issu de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 « relative à la consommation », transposant des normes européennes. Il impose désormais de distinguer deux catégories : les contrats à distance et les contrats hors établissement (C. consom., art. L. 221-1).
Le contrat à distance est défini comme « tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur dans le cadre d’un système organisé de vente ou de prestation de services à distance, sans la présence simultanée du professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance jusqu’à la conclusion du contrat » (C. consom., art. L. 221-1, I, 1°).
Dans ce domaine, le droit pénal est largement absent : les manquements aux règles protectrices sont essentiellement sanctionnés par des amendes administratives – 3 000 euros pour les personnes physiques et 15 000 euros pour les personnes morales (C. consom., art. L. 242-10 à L. 242-13).
Le contrat hors établissement, qui recouvre notamment le démarchage, est défini comme « tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur » :
a) dans un lieu qui n’est pas celui où le professionnel exerce son activité de manière permanente ou habituelle, en présence physique simultanée des parties, y compris si le consommateur a été sollicité ou a formulé une offre ;
b) ou dans le lieu habituel d’activité du professionnel ou par une technique de communication à distance, immédiatement après que le consommateur a été sollicité personnellement et individuellement dans un lieu différent où les parties étaient physiquement présentes ;
c) ou au cours d’une excursion organisée par le professionnel dans le but ou avec pour effet de promouvoir ou de vendre des biens ou services (C. consom., art. L. 221-1, I, 2°).
Certaines opérations sont exclues du dispositif (C. consom., art. L. 221-2).
Ici encore, l’arsenal administratif (notamment pour le respect de l’information précontractuelle et du droit de rétractation) coexiste avec des incriminations pénales.
Incriminations. – L’article L. 242-5 du code de la consommation punit de deux ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende (avec peines complémentaires et montant spécifique pour les personnes morales, C. consom., art. L. 242-8) le fait de ne pas remettre au consommateur un exemplaire du contrat dans les conditions de l’article L. 221-9 ou de remettre un contrat non conforme.
L’article L. 221-9 impose en effet au professionnel de fournir un exemplaire daté du contrat hors établissement, sur support papier signé ou sur un autre support durable avec l’accord du consommateur, comportant toutes les informations prévues par l’article L. 221-5 (caractéristiques essentielles du bien ou service, prix, coordonnées du professionnel, droit de rétractation, etc.).
Le contrat doit également mentionner, le cas échéant, l’accord exprès du consommateur pour la fourniture d’un contenu numérique indépendant d’un support matériel avant l’expiration du délai de rétractation, ainsi que le renoncement à ce droit.
Il doit enfin être accompagné du formulaire type de rétractation prévu au 2° de l’article L. 221-5.
Ce premier délit sanctionne donc un défaut d’information au regard des exigences des articles L. 221-5 et L. 221-9. Or les manquements à l’information précontractuelle sont aussi sanctionnés par la répression administrative (art. L. 242-10), ce qui crée un chevauchement peu cohérent entre sanctions administratives et sanctions pénales. En pratique, la répression pénale, plus sévère, a vocation à primer.
L’article L. 242-6 punit également de deux ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende l’absence de remise du formulaire de rétractation détachable prévu à l’article L. 221-9 ou la remise d’un formulaire non conforme aux exigences de l’article L. 221-5, 2°. Là encore, la répression administrative couvre les mêmes manquements, créant un nouveau télescopage.
Enfin, l’article L. 242-7 sanctionne de deux ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende le fait d’exiger ou d’obtenir une contrepartie, un engagement ou d’exécuter des prestations avant l’expiration du délai de sept jours suivant la conclusion du contrat hors établissement, en violation de l’article L. 221-10. Le champ d’application de cette infraction est limité par les exceptions prévues par l’article L. 221-10.
Tous ces délits sont en principe intentionnels, mais l’élément moral sera généralement déduit de la seule violation des obligations légales, le professionnel étant réputé connaître les règles applicables.
Les ventes et prestations de services sans commande préalable
Désordre pénal. – Aux termes de l’article L. 121-12, alinéa 1, du code de la consommation, « il est interdit d’exiger le paiement immédiat ou différé de biens ou de services fournis par un professionnel ou, s’agissant de biens, d’exiger leur renvoi ou leur conservation, sans que ceux-ci aient fait l’objet d’une commande préalable du consommateur ». Et l’article L. 132-17 punit la violation de cette interdiction d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 300 000 euros, dont le montant peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du délit, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel calculé sur les trois derniers chiffres annuels connus à la date des faits. S’y ajoute la peine complémentaire, d’une durée maximale de cinq ans, de l’interdiction d’exercer une activité commerciale (C. cosonsom., art. L. 132-18, al. 1). Les personnes morales encourent une amende quintuplée et les peines édictées par l’article 131-39, 2o à 9o, du code pénal (C. konsom., art. L. 132-18, al. 2). Le professionnel doit en outre restituer les sommes qu’il aurait indument perçues sans engagement exprès et préalable du consommateur, ces sommes étant productives d’intérêts au taux légal (C. konsom., art. L. 132-16, al. 2). Avant 2011 le code de la consommation se contentait de poser le principe de l’interdiction de toute vente forcée et la sanction de cette prohibition figurait dans l’article R. 635-2 du code pénal, texte existant toujours et ainsi rédigé : « le fait d’adresser à une personne, sans demande préalable de celle-ci, un objet quelconque accompagné d’une correspondance indiquant que cet objet peut être accepté contre versement d’un prix fixé ou renvoyé à son expéditeur, même si ce renvoi peut être fait sans frais pour le destinataire, est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe ». Il est évident que l’article R. 635-2 du code pénal est devenu caduc. Postérieure, plus grave et plus large – puisque concernant aussi les prestations de services –, l’incrimination portée par l’article L. 121-12 du code de la consommation a seule vocation à régir la question. Preuve en est la non-reprise par le nouveau code de la consommation de l’article R. 122-1 de l’ancien qui reproduisait l’article R. 635-2 du code pénal. Enfin, deux observations doivent être faites, l’une sur l’élément matériel de l’infraction, l’autre sur son élément moral. Sous le régime ancien, la question s’était posée de savoir si l’incrimination jouait lorsque le fabricant provoquait par une publicité la demande d’échantillons gratuits destinés à procurer l’amaigrissement et envoyait peu après ceux-ci les produits. Comme la demande préalable ne portait que sur les échantillons, l’infraction était réalisée (Crim. 25 oct. 1972, no 71-93.603 , Bull. crim. no 313 ; JCP 1973. II. 17 308, note H. Guérin), solution toujours d’actualité. Quant à l’élément moral, il s’agit d’un dol général, dont la preuve est facilitée par la qualité de professionnel de l’agent.
Quelques agissements dans l’immobilier
Agents immobiliers. – La loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, qui régit les opérations relatives aux immeubles et aux fonds de commerce, comporte plusieurs dispositions pénales — certaines ayant été évoquées plus haut — dont seules celles liées au maniement des fonds sont présentées ici, en raison des risques d’abus graves au détriment des consommateurs.
L’article 16 de la loi distingue trois délits, tous punis de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.
Le premier délit (art. 16, 1°, a) sanctionne le maniement de fonds en violation de l’article 3 de la loi, c’est-à-dire « le fait de recevoir ou de détenir, à quelque titre et de quelque manière que ce soit, (…) des sommes d’argent, biens, effets ou valeurs quelconques » dans le cadre des opérations définies par l’article 1er. Ces opérations couvrent notamment : l’achat, la vente, la recherche, l’échange, la location ou sous-location de biens immobiliers bâtis ou non bâtis ; la location-gérance de fonds de commerce ; la cession de parts ou actions de sociétés immobilières ou d’habitat participatif donnant vocation à un local en jouissance ou en propriété ; la gestion immobilière ; la vente de listes ou fichiers relatifs à ces opérations (hors publications de presse) ; les fonctions de syndic de copropriété.
L’élément essentiel réside dans la réception ou la détention de fonds sans respecter l’article 3, notamment en l’absence de carte professionnelle. Cette carte constitue une garantie indispensable, puisqu’elle suppose une aptitude professionnelle, une garantie financière, une assurance de responsabilité civile et l’absence d’interdictions.
Le deuxième délit (art. 16, 1°, b) vise le maniement de fonds sans tenir les registres ou sans délivrer les reçus prévus par le décret n° 72-578 du 20 juillet 1972 (art. 51 s.). La chambre criminelle a jugé que ces obligations s’appliquent à tous les versements reçus, y compris ceux correspondant à la rémunération de l’agent (Crim. 11 févr. 1986, n° 85-90.464, Bull. crim. n° 53).
Le troisième délit (art. 16, 2°) sanctionne « le fait d’exiger ou d’accepter des sommes d’argent, biens, effets ou valeurs quelconques » au mépris de l’article 6, qui impose la conclusion d’un contrat écrit comportant des mentions obligatoires. Aucun versement ne peut être exigé ou accepté avant cet écrit constatant l’engagement des parties.
Le texte ne détaille pas l’élément moral. Compte tenu de l’ancienneté de la loi, une simple négligence pourrait suffire, mais il est raisonnable d’estimer que le dol caractérise en pratique ces comportements : il est difficile de prétendre ignorer volontairement des obligations aussi élémentaires que la détention d’une carte professionnelle ou la délivrance des documents requis.
Promoteurs, constructeurs et vendeurs. – L’article L. 221-1 du code de la construction et de l’habitation (reprenant l’art. 1831-1 du code civil) définit le promoteur immobilier comme la personne qui, dans le cadre d’un mandat d’intérêt commun, s’engage envers le maître d’ouvrage à faire réaliser un programme de construction et à accomplir, elle-même ou par mandataires, les opérations nécessaires (juridiques, financières, administratives).
L’article L. 241-1 du même code punit de deux ans d’emprisonnement et de 9 000 euros d’amende toute personne acceptant ou exigeant un versement en violation des textes applicables, dont l’article L. 222-5 : celui-ci interdit au promoteur d’exiger ou d’accepter tout versement avant la signature du contrat et avant l’exigibilité de la créance. La Cour de cassation a étendu cette répression au contrat préalable limité aux études préliminaires (Crim. 31 mars 1981, n° 79-92.618, D. 1983. 39, note Magnin).
L’article L. 231-4 interdit au constructeur d’une maison individuelle tout versement avant la signature du contrat et avant l’exigibilité de la créance. En cas de condamnation, l’article L. 241-3 prévoit l’interdiction de participer à la gestion de sociétés de construction ou de promotion, et de conclure des contrats de promotion ou de construction de maison individuelle.
Pour les vendeurs d’immeubles à construire ou à rénover, l’article L. 263-1 instaure une interdiction analogue : aucune somme ne peut être exigée ou reçue en violation des articles L. 261-12, L. 261-15 et L. 262-8, qui encadrent respectivement la VEFA, le contrat préliminaire et la vente d’immeubles à rénover.
Une protection spécifique existe également pour l’acquéreur immobilier (CCH, art. L. 271-1 et L. 271-2). Pour les actes sous seing privé portant sur la construction ou l’acquisition d’un immeuble d’habitation, l’acquéreur non professionnel bénéficie d’un droit de rétractation de dix jours à compter du lendemain de la présentation de la notification. Surtout, aucun versement ne peut être reçu avant l’expiration de ce délai sauf exceptions légales. Le non-respect de cette règle est puni de 30 000 euros d’amende (CCH, art. L. 271-2, dernier al.).
Toutes ces infractions exigent un dol général, aisément établi compte tenu du caractère professionnel des personnes visées. Enfin, leur complexité peut justifier la compétence concurrente de la juridiction interrégionale spécialisée en matière économique et financière (C. pr. pén., art. 704, 4°).
L’abus potentiel
L’abus de faiblesse ou d’ignorance dans le démarchage
Le démarchage gangstérisme. – L’article L. 121-8, alinéa 1, du code de la consommation incrimine un comportement grave consistant dans le fait « d’abuser de la faiblesse ou de l’ignorance d’une personne pour lui faire souscrire, par le moyen de visites à domicile, des engagements au comptant ou à crédit sous quelque forme que ce soit, lorsque les circonstances montrent que cette personne n’était pas en mesure d’apprécier la portée des engagements qu’elle prenait ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour la convaincre à y souscrire, ou font apparaître qu’elle a été soumise à une contrainte ». N’étant pas prévue, la tentative du délit est impunissable. L’intérêt de cette incrimination est de sanctionner des abus caractérisés : l’infirmité du consentement de la victime, notamment embrumé par l’âge, la maladie, la drogue ou annihilé par une situation de détresse, est mise à profit de manière éhontée par le démarcheur pour arriver à ses fins.
Les pratiques commerciales agressives
Une pratique commerciale est agressive lorsque, du fait de sollicitations répétées et insistantes ou de l’usage d’une contrainte physique ou morale, et compte tenu des circonstances qui l’entourent, elle altère ou est de nature à altérer de manière significative la liberté de choix d’un consommateur, qu’elle vicie ou est de nature à vicier son consentement, ou qu’elle entrave l’exercice de ses droits contractuels.
L’article L. 132-11 du code de la consommation punit toute pratique commerciale agressive visée par les articles L. 121-6 et L. 121-7 d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 300 000 euros, dont le montant peut être porté de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits.
Les détournements de fonds dans la construction
Abus de confiance. Dans le cadre du contrat de construction et dans celui de promotion immobilière, l’article L. 241-2 du code de la construction et de l’habitation punit des peines prévues pour l’abus de confiance – soit trois ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende et diverses peines complémentaires (C. pén., art. 314-1 et 314-10 ) – « toute personne qui, ayant reçu ou accepté un ou plusieurs versements, dépôts, souscriptions d’effets de commerce à l’occasion d’un contrat de société ou de promotion immobilière […], aura détourné tout ou partie de ces sommes ». Élément matériel du délit, le détournement transparaît dans l’impossibilité de faire face aux frais ou dans l’absence de restitution lorsque les travaux n’ont pas été entrepris (Crim. 31 mars 1981, no 79-92.618 , RDI 1981. 550, obs. G. Roujou de Boubée). Le dol est aisément déductible des circonstances. Pour les ventes d’immeubles à construire ou à rénover on retrouve logiquement une incrimination similaire, portée par l’article L. 263-2 du même code. La chambre criminelle a jugé que le détournement nécessaire à la caractérisation de l’infraction consiste dans le fait même d’employer des fonds reçus à une autre fin que celle convenue entre les parties, celles-ci ayant conclu en l’occurrence un contrat de vente en l’état futur d’achèvement (Crim. 3 janv. 1985, no 83-94.530 , Bull. crim. no 5 ; D. 1986. IR 46, obs. F. Magnin). Dans ce type d’opération les sommes versées sont des acomptes sur le prix et donc appartiennent au vendeur, si bien qu’ici l’incrimination s’éloigne quelque peu du schéma de base de l’abus de confiance qui ne joue qu’en cas de remise des fonds à titre précaire.
Les falsifications
ux termes de l’article L. 413-1 du code de la consommation, issu de la grande loi du 1er août 1905, « il est interdit : 1o de falsifier des produits servant à l’alimentation humaine ou animale, des boissons et des produits agricoles ou naturels destinés à être vendus ». L’objet de la falsification, qui est sa condition préalable, doit présenter deux types de fonctions, l’une organique, l’autre économique. Du point de vue organique, la liste donnée par le texte montre que l’objet possède des propriétés alimentaires. Du point de vue économique, l’objet est destiné à la vente, c’est-à-dire que la falsification qui l’atteint annonce une tromperie, faute de quoi son auteur échappe à la répression (Crim. 25 juin 1908, Bull. crim. no 264). L’élément matériel du délit est la falsification, concept signifiant une altération des qualités essentielles de la marchandise ou, pour reprendre la formule de la jurisprudence (Crim. 15 déc. 1993, no 92-86.688 , Bull. crim. no 392. – Crim. 23 janv. 2001, no 00-82.000 , Bull. crim. no 19 ; Dr. pénal 2001. Comm. 77, obs. J.-H. Robert), le recours à une manipulation ou à un traitement illicite ou non conforme à la réglementation en vigueur, de nature à en altérer la constitution physique.
Deux textes dans le code de la consommation incriminent des comportements antérieurs à la falsification : l’article L. 413-1, 413-2
Le législateur a parachevé son œuvre répressive en sanctionnant des agissements immédiatement postérieurs à l’opération de falsification. Ainsi l’article L.413-1, 2o,
Obsolescence programmée. – La loi no 2015-992 du 17 août 2015 « relative à la transition énergétique pour la croissance verte » (sic) a inséré dans le code de la consommation l’article L. 213-4-1 – devenu avec la seconde codification L. 441-2 – qui crée une nouvelle incrimination, l’obsolescence programmée, destinée, entre autres mesures, à lutter contre le gaspillage. Cette obsolescence programmée « se définit par le recours à des techniques par lesquelles un metteur sur le marché vise à réduire délibérément la durée de vie d’un produit pour en augmenter le taux de remplacement » (I). Il s’agit là en définitive d’une variété de tromperie, voire de falsification – initialement la durée de vie du produit devait être intégrée dans la liste des éléments sur lesquels porte le délit de tromperie, ce qui était inutile car il s’agit d’une qualité substantielle – destinée à abréger le fonctionnement d’un « produit », terme vague qui désigne des produits manufacturés, notamment ordinateurs, machines à laver, télévisions, automobiles.
