Prescription
La prescription d’une action en justice peut être, dans certains cas, suspendue ou interrompue.
Suspension contre interruption de prescription : quelle différence ?
La suspension arrête temporairement le cours de la prescription sans effacer le délai déjà couru (C. civ. art. 2230)
L’interruption efface le délai de prescription acquis et fait courir un nouveau délai de même durée que l’ancien (art. 2231).
Les causes de report du point de départ de la prescription
Articles 2233 à 2237
La prescription ne court pas :
- A l’égard d’une créance qui dépend d’une condition, jusqu’à ce que la condition arrive ;
- A l’égard d’une action en garantie, jusqu’à ce que l’éviction ait lieu ;
- A l’égard d’une créance à terme, jusqu’à ce que ce terme soit arrivé.
- Contre les mineurs non émancipés et les majeurs en tutelle
- Entre époux, ainsi qu’entre partenaires liés par un pacte civil de solidarité.
- Contre l’héritier acceptant à concurrence de l’actif net, à l’égard des créances qu’il a contre la succession.
Les causes d’interruption de la prescription
- La reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription. 2240
- La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion, et ce jusqu’à l’extinction de l’instance (sorte d’effet suspensif durant l’instance). 2241
Les causes de suspension de la prescription
La prescription est suspendue :
- lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès. Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée. (2239)
- en cas de médiation ou conciliation ou conclusion d’une convention de procédure participative
Prescription et désignation d’un expert judiciaire, quelle incidence ?
La prescription est notamment suspendue lorsque le juge fait droit à une mesure d’instruction présentée avant tout procès (art. 2239).
Mais elle est interrompue par « une demande en justice, même en référé » (art. 2241). Par exemple la désignation du tiers prévu à l’article par l’article 1843-4. ((Cass. com. 10-7-2024 no 22-24.794)
Qui en bénéficie ?
L’interruption puis la suspension de la prescription entraînées par le prononcé d’une mesure d’instruction ne profitent qu’à la partie qui a demandé cette mesure (Cass. 3e civ. 19-3-2020 no 19-13.459 FS-PBRI : RJDA 7/20 no 405). La partie en défense doit s’associer à la demande en formulant également des prétentions (par exemple liées à l’évaluation de l’indemnité d’éviction). De simples protestations ou réserves ne suffisent pas.
La forclusion
Quand s’applique la forclusion (et non la prescription) ?
La forclusion est un mécanisme nettement plus sévère que la prescription pour le demandeur. Elle obéit à un régime propre, caractérisé par une rigidité particulière.
1. Principe : absence de suspension
Un délai de forclusion n’est jamais susceptible de suspension, sauf texte spécial.
En particulier, les opérations d’expertise n’ont aucun effet suspensif sur le délai de forclusion.
Les délais de forclusion ne sont pas, par principe, soumis aux règles de la prescription extinctive, sauf disposition légale contraire (C. civ., art. 2220).
Il en résulte que :
- La suspension prévue à l’article 2239 du code civil, lorsque le juge ordonne une mesure d’instruction avant tout procès, n’est pas applicable à la forclusion, faute de texte l’y étendant (Cass. 3e civ., 3 juin 2015, n° 14-15.796 ; Cass. 3e civ., 10 nov. 2016, n° 15-24.289).
2. Une seule cause d’interruption
Le délai de forclusion ne peut être interrompu que dans un seul cas :
👉 par une demande en justice, y compris en référé, et seulement jusqu’à l’extinction de l’instance (C. civ., art. 2241 et 2242).
Cette interruption cesse, notamment, à la date de l’ordonnance désignant l’expert, ce qui met fin à l’instance ouverte par la demande de mesure d’instruction (Cass. 3e civ., 5 janv. 2017, n° 15-12.605 ; Cass. 3e civ., 12 nov. 2020, n° 19-21.325).
À compter de cette date, un nouveau délai recommence intégralement à courir (C. civ., art. 2231).
3. Différence essentielle avec la prescription
Contrairement à la forclusion :
- La prescription peut être suspendue, notamment par une mesure d’expertise (C. civ., art. 2239),
- La suspension arrête simplement le temps, sans effacer le délai déjà écoulé (C. civ., art. 2230),
- Le délai repart uniquement à compter du dépôt du rapport d’expertise.
Ce mécanisme est strictement inapplicable à la forclusion.
4. Conséquence pratique majeure
L’acquéreur qui sollicite une expertise judiciaire avant tout procès doit impérativement agir au fond dès la désignation de l’expert, sans attendre le dépôt du rapport, sous peine de forclusion irréversible.
Auteurs de référence
Voici les auteurs de référence à consulter pour toute question pointue en prescription civile :
- Marc MIGNOT
- Cédric Hélaine
- Romain Boffa
