Le contrat de dépôt est un acte par lequel une personne, le dépositaire, reçoit la chose d’autrui, le déposant, à charge de la garder et de la restituer en nature. Ce contrat ne peut avoir pour objet que des choses mobilières. Ainsi, ni les personnes, ni les immeubles ne peuvent faire l’objet d’un contrat de dépôt.
Il existe plusieurs types de dépôt :
- Le dépôt proprement dit (C. civ., art. 1916 ) qu’on appelle également le dépôt volontaire avec des conditions de preuve strictes défavorables au déposant (celui qui dépose)
- Les dépôts spéciaux
- Le dépôt nécessaire (C. civ., art. 1949 à 1951 ) avec un régime très proche du dépôt volontaire ( C. civ., art. 1951 ) sauf en ce qui concerne les règles de preuve qui sont assouplies pour faciliter l’indemnisation du déposant ( C. civ., art. 1950 ).
- Le dépôt hôtelier, qui n’est pas un vrai dépôt puisqu’il ne correspond à la définition de ce contrat donnée par l’ article 1915 du Code civil, mais constitue davantage un système original dérogatoire de responsabilité pesant sur les hôteliers en cas de vols ou de dommages causés aux effets de leurs client
- Le dépôt hospitalier
En cours de rédaction
La responsabilité du dépositaire en cas de détérioration : un régime probatoire redoutable
L’une des particularités majeures du contrat de dépôt tient à son régime probatoire.
Dès lors qu’un bien confié au dépositaire est perdu, détérioré ou ne peut être restitué dans l’état où il a été reçu, la question essentielle est toujours la même : qui doit prouver quoi ?
Le droit commun du dépôt offre une réponse constante, ferme et protectrice du déposant :
il appartient toujours au dépositaire de démontrer qu’il n’a commis aucune faute.
Ce principe irrigue la jurisprudence depuis des décennies et a encore été rappelé avec force par la Cour de cassation dans un arrêt du 15 octobre 2025 (Cass. com., 15 oct. 2025, n° 23-22.176).
Une obligation de moyens… mais un renversement de fait de la charge de la preuve
Le dépositaire est classiquement soumis à une obligation de moyens : il doit conserver la chose confiée avec « le même soin qu’il met à conserver les siennes » (C. civ., art. 1927), diligence d’autant plus exigeante lorsqu’il est rémunéré (art. 1928).
Mais cette obligation de moyens devient, en pratique, une obligation dont il doit prouver la parfaite exécution.
Ainsi, en cas de dommage, ce n’est pas au déposant d’établir la faute :
c’est au dépositaire d’établir son absence de faute.
La moindre incertitude lui est défavorable.
Ce mécanisme est constant :
- Il a été affirmé pour la perte d’un véhicule confié à un garagiste (Cass. 1re civ., 30 mars 2005, n° 03-20.410).
- Réaffirmé dans un dépôt d’effets personnels (Cass. 1re civ., 5 févr. 2014, n° 12-23.467).
- Et confirmé pour la perte d’un cheval mis en pension (Cass. com., 15 oct. 2025, n° 23-22.176).
Le principe est donc stable : en cas de détérioration, la charge de la preuve pèse intégralement sur le dépositaire.
Illustration : le décès d’une jument confiée en pension
L’arrêt du 15 octobre 2025 offre une illustration particulièrement pédagogique de cette règle.
Un propriétaire confie sa jument en pension. L’animal décède.
Le déposant soutient que la jument a pu ingérer des glands dans un pré bordé de chênes. Le dépositaire rétorque avoir pris des mesures pour empêcher l’accès aux arbres, et les expertises vétérinaires restent incertaines sur la cause du décès.
La cour d’appel déboute le propriétaire au motif qu’aucune faute du dépositaire n’est « démontrée avec certitude ».
La Cour de cassation censure :
- En cas de détérioration ou de perte, le dépositaire doit prouver qu’il est totalement étranger au dommage.
- Le doute ne profite jamais au dépositaire.
- Inverser cette logique revient à renverser illégalement la charge de la preuve.
Autrement dit : peu importe que la cause précise du dommage ne soit pas identifiée ; il suffit que le dépositaire ne parvienne pas à exclure toute faute de sa part pour que sa responsabilité soit engagée.
La seule véritable cause d’exonération : la force majeure
Le dépositaire peut certes s’exonérer, mais uniquement s’il établit l’un des deux éléments suivants :
- Qu’il a apporté à la chose déposée les mêmes soins qu’à ses biens personnels.
- Que la perte ou la détérioration est due à une force majeure.
La force majeure est strictement appréciée :
- admise pour un incendie provenant de l’extérieur et impossible à empêcher (Cass. 1re civ., 6 janv. 2011, n° 09-69.545),
- refusée en cas de vol avec violence lorsque le dépositaire n’avait pas pris toutes les précautions nécessaires (Cass. 1re civ., 6 juin 2018, n° 16-26.783).
Dans les faits, cette voie d’exonération demeure étroite.
Le dépositaire doit démontrer un cumul de diligence, de prévoyance et d’impossibilité absolue.
La liberté contractuelle : possibilité d’inverser la charge de la preuve
Même si le droit commun place clairement la charge de la preuve sur le dépositaire, les parties peuvent décider d’un autre régime.
La jurisprudence admet parfaitement une clause qui met à la charge du déposant la preuve du manquement du dépositaire.
La Cour l’a reconnu à propos d’un contrat de pension de cheval moyennant rémunération (Cass. 1re civ., 30 oct. 2007, n° 06-19.390).
Dans les secteurs professionnels (gardiennage, centres équestres, entrepôts, stationnement), cette clause est fréquente et peut être déterminante dans la prévention des litiges.
En synthèse : un régime protecteur du déposant
Le dépôt est présenté comme un contrat de conservation simple.
En réalité, son régime probatoire est particulièrement exigeant pour le dépositaire :
- La moindre détérioration présume une faute.
- La charge de la preuve repose intégralement sur lui.
- Le doute profite toujours au déposant.
- Seules deux issues d’exonération sont possibles : la démonstration de sa diligence absolue ou la preuve d’une véritable force majeure.
Ce déséquilibre n’a rien d’accidentel : il est la traduction de l’idée fondamentale que celui qui accepte de garder la chose d’autrui s’engage à en assumer tous les risques, sauf à démontrer qu’il ne pouvait rien faire d’autre.
Le dépôt hotelier
La responsabilité de l’hôtelier n’est pas soumise à la preuve d’une faute, qui n’est prise en compte que lors de la fixation de l’indemnisation. En outre, la preuve est libre en matière commerciale. (Civ. 1re, 23 sept. 2020, F-P+B, n° 19-11.443)
