Les voies de recours ouvertes contre les décisions du juge de l’exécution obéissent à un régime procédural spécifique, marqué par un formalisme rigoureux, des délais abrégés et une articulation étroite avec les impératifs de célérité de l’exécution forcée.
La notification de la décision du JEX par le greffe ou le créancier
Particularité essentielle des décisions du juge de l’exécution, le Code des procédures civiles d’exécution confie en principe au greffe le soin de procéder à leur notification, laquelle fait directement courir les délais de recours. Cette solution déroge au droit commun de la procédure civile, dans lequel le point de départ des délais dépend en règle générale de la signification du jugement par la partie qui a obtenu gain de cause.
Aux côtés de cette notification par le greffe, qui constitue le mode normal d’information des parties, subsistent toutefois deux mécanismes complémentaires : la signification par acte de commissaire de justice, toujours possible et parfois nécessaire, ainsi que — innovation expressément consacrée par les textes — la renonciation expresse à notification (C. pr. exéc., art. R. 121-15).
Notification par le greffe
Forme
Placée en tête de l’article R. 121-15 du Code des procédures civiles d’exécution, la notification par le greffe constitue la règle. Elle s’inscrit dans la logique d’une procédure volontairement simplifiée devant le juge de l’exécution, juridiction caractérisée par l’absence de représentation obligatoire.
La décision est notifiée par le greffe par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Cette notification fait courir le délai de recours, de sorte qu’une signification ultérieure par commissaire de justice est sans incidence sur le point de départ du délai d’appel (Cass. 2e civ., 13 janvier 2022, n° 20-12.914 ; CA Pau, 1er avril 2021, n° 20/01515 ; CA Chambéry, 10 février 2022, n° 21/01146).
Le jour même, une copie de la décision doit être adressée par lettre simple.
Contenu
L’article R. 121-15, alinéa 1er, du Code des procédures civiles d’exécution distingue clairement le rôle respectif des deux envois.
La lettre recommandée constitue l’acte de notification du jugement au sens de l’article 680 du Code de procédure civile. À ce titre, elle doit comporter en annexe la copie intégrale de la décision et mentionner de manière très apparente le délai d’appel ainsi que les modalités d’exercice du recours. Elle doit également préciser que l’auteur d’un recours abusif ou dilatoire s’expose à une amende civile et à l’allocation de dommages et intérêts. À défaut de ces mentions, la notification est irrégulière (Cass. 2e civ., 9 avril 2015, n° 14-18.772 ; Cass. 2e civ., 13 novembre 2014, n° 13-24.547).
La lettre simple prévue par le texte a pour seul objet l’envoi matériel d’une copie de la décision. Si l’on peut regretter que le texte n’impose pas que les mentions prévues à l’article 680 du Code de procédure civile y figurent également, une telle exigence s’imposerait pourtant en pratique, afin de garantir une information complète et effective des parties.
Destinataires
La lettre recommandée de notification doit être adressée aux parties elles-mêmes (C. pr. exéc., art. R. 121-15). La procédure devant le juge de l’exécution n’étant pas soumise à représentation obligatoire (C. pr. exéc., art. R. 121-6), les dispositions de l’article 678 du Code de procédure civile sont inapplicables : aucune notification préalable aux avocats constitués n’est requise (Cass. 2e civ., 18 février 1987).
La notification n’est valablement accomplie que si la lettre est remise à personne, dans les conditions du droit commun.
La lettre simple contenant copie de la décision doit, en outre, être adressée au commissaire de justice chargé de l’exécution à l’origine du litige (C. pr. exéc., art. R. 121-15, al. 1er, in fine), lequel a un intérêt direct à connaître le sort réservé aux poursuites engagées.
Retour au greffe de la lettre de notification
Lorsque la lettre recommandée n’a pu être remise à son destinataire et revient au greffe, le greffier en informe les parties, lesquelles doivent alors procéder par voie de signification (C. pr. exéc., art. R. 121-15, al. 2).
Dans cette hypothèse, la notification n’est juridiquement accomplie qu’à compter de la signification, laquelle doit être réalisée à l’initiative de la partie la plus diligente (Cass. 2e civ., 22 juin 1983 ; Cass. soc., 7 mai 1987 ; Cass. soc., 29 mai 1990 ; Cass. soc., 7 juillet 1993).
À défaut de signification, le délai d’appel ne court pas, peu important que l’absence de notification soit imputable à une carence du greffe (Cass. com., 12 janvier 2010, n° 08-21.032 ; Cass. soc., 11 octobre 1984).
Sont notamment assimilés à une absence de remise les cas dans lesquels l’avis de réception n’a pas été signé par le destinataire dans les conditions prévues par le Code de procédure civile. Cela inclut l’hypothèse dans laquelle le destinataire, absent lors du passage du préposé, s’abstient de retirer le recommandé au bureau de poste : la lettre retournée pour non-réclamation est dépourvue de tout effet tant qu’aucune signification n’a été diligentée, même si une lettre simple a été envoyée parallèlement, faute de certitude sur l’information effective de l’intéressé (Cass. 2e civ., 8 janvier 1997 ; Cass. com., 5 novembre 2003 ; CA Nancy, 12 mai 2022, n° 22/00731).
Il en va de même lorsque la lettre recommandée est signée par un tiers et non par le destinataire (Cass. 1re civ., 5 octobre 1999, n° 96-17.794 ; Cass. 2e civ., 16 décembre 2003, n° 02-30.778), ou lorsqu’elle revient avec la mention « n’habite pas à cette adresse » (Cass. 2e civ., 6 juillet 2000, n° 98-42.956).
Lorsque le pli revient avec la mention « refusé », la signification demeure également exigée : la Cour de cassation juge que le mécanisme imposant la signification doit jouer quel que soit le motif du retour de la lettre recommandée (Cass. soc., 7 novembre 2007, n° 06-41.883 ; Cass. soc., 23 septembre 2009, n° 08-42.203).
Enfin, en application de l’article 670-1 du Code de procédure civile, à défaut de retour de l’avis de réception signé, le greffe doit aviser la partie intéressée de procéder par voie de signification. En cas d’omission de cet avis, la partie ne peut se borner à l’alléguer : il lui appartient de rapporter la preuve de la notification ou de la signification du jugement et, plus généralement, de justifier du point de départ du délai de recours (Cass. 2e civ., 21 décembre 2006 ; Cass. 2e civ., 4 juin 2009, n° 08-16.837).
Signification ordinaire par le vainqueur
Si le Code des procédures civiles d’exécution pose en principe que la notification de la décision du juge de l’exécution s’effectue à la diligence du greffe (C. pr. exéc., art. R. 121-15), il rappelle également que les parties peuvent toujours faire procéder à la signification de la décision par acte de commissaire de justice. Cette faculté n’a rien d’innovant : elle procède du droit commun de la notification des jugements (CPC, art. 651, al. 3) et a été constamment admise par la jurisprudence (Cass. 3e civ., 13 juillet 2011, n° 10-20.478).
La Cour de cassation souligne de longue date que la signification par exploit de commissaire de justice offre « de meilleures garanties pour toutes les parties », tant en termes de sécurité juridique que de certitude quant à l’information effective du destinataire (Cass. soc., 8 novembre 1978).
La signification obéit au régime de droit commun des actes de commissaire de justice (CPC, art. 648), ainsi qu’aux règles spécifiques applicables à la notification des jugements. Elle doit notamment comporter l’ensemble des mentions informatives prévues à l’article 680 du Code de procédure civile, relatives aux délais et modalités des voies de recours.
La procédure devant le juge de l’exécution n’étant pas soumise à représentation obligatoire, la signification à la partie n’a pas à être précédée d’une notification au représentant qu’elle aurait éventuellement constitué. Les dispositions de l’article 678 du Code de procédure civile sont donc inapplicables.
Le problème de la double notification
Il convient toutefois d’être particulièrement attentif à l’hypothèse d’une double notification. Lorsqu’un jugement est notifié à deux reprises, seule la première notification régulière fait courir les délais de recours, peu important qu’une notification ultérieure soit intervenue par une autre voie (Cass. 2e civ., 5 février 2009, n° 07-13.589).
Date de la notification par le greffe ou de la signification de la décision par les parties (CPC exéc., art. R. 121-20, al. 1er) à moins que les parties n’aient fait connaître au greffe qu’elles renonçaient à la notification de la décision (CPC exéc., art. R. 121-15, dern. al.).
En cas de notifications successives, la seconde notification ne fait pas courir un nouveau délai, à double condition :
– que la première ait été délivrée régulièrement (Cass. 2e civ., 5 févr. 2009, n° 07-13.589 : JurisData n° 2009-046836. – Cass. 2e civ., 13 janv. 2022, n° 20-12.914).
– et qu’elle ne précise qu’elle se substitue à la première notification irrégulière (Cass. 2e civ., 17 sept. 2020, n° 19-17.360, F-P+B+I : JurisData n° 2020-014424).
Renonciation à notification
L’article R. 121-15, alinéa 4, du Code des procédures civiles d’exécution permet à chacune des parties de renoncer expressément à la notification de la décision par le greffe. Cette renonciation est portée à la connaissance du greffe, sans qu’un formalisme particulier ne soit imposé par le texte.
Même si aucune disposition ne l’exige, il est opportun, dans un souci de loyauté procédurale et de maîtrise des coûts, que cette renonciation soit également portée à la connaissance de la partie adverse. À défaut, celle-ci pourrait prendre l’initiative de faire signifier la décision, générant des frais qui seraient inutilement exposés et intégrés aux dépens.
La renonciation à la notification ne vaut pas renonciation à l’exercice d’un recours. Elle peut toutefois emporter des conséquences procédurales immédiates et particulièrement sensibles, notamment lorsqu’elle concerne une décision de mainlevée.
Dans une telle hypothèse, l’effet d’indisponibilité attaché à la mesure d’exécution prend fin dès le prononcé de la décision, sans attendre sa notification ou sa signification. La renonciation à notification peut ainsi accélérer de manière décisive les effets juridiques du jugement rendu par le juge de l’exécution.
L’appel de la décision du JEX
Ouverture de la voie d’appel : de quelle décision peut-on faire appel ?
Selon l’article R. 121-19 du Code des procédures civiles d’exécution, sauf disposition contraire, les décisions du juge de l’exécution sont susceptibles d’appel, à l’exception de celles qui constituent de simples mesures d’administration judiciaire.
Il en résulte qu’en matière d’exécution forcée, aucun taux du ressort n’est applicable, de sorte que la voie de l’appel est ouverte quelle que soit l’importance du litige (CA Paris, 19 janvier 2017, n° 15/03811).
Cette règle n’exclut toutefois pas l’application des principes de droit commun auxquels renvoie expressément l’article R. 121-5 du Code des procédures civiles d’exécution.
Ne peuvent ainsi être frappées d’appel indépendamment du jugement sur le fond :
- les décisions qui, sans trancher dans leur dispositif tout ou partie du principal, ordonnent une mesure d’instruction ou une mesure provisoire (CPC, art. 545 ; Cass. 2e civ., 18 février 1999, n° 97-11.374) ;
- les décisions qui, sans mettre fin à l’instance, statuent sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident (CPC, art. 544).
Certaines décisions peuvent néanmoins faire l’objet d’un appel immédiat sur autorisation, à condition de justifier d’un motif grave et légitime. Tel est le cas des décisions ordonnant une expertise (CPC, art. 272) ou un sursis à statuer (CPC, art. 380), sous réserve de l’autorisation préalable du premier président.
Les décisions rendues par voie d’ordonnance sur requête ne sont, quant à elles, susceptibles d’appel que lorsqu’elles refusent de faire droit à la requête. Lorsqu’elles y font droit, les intéressés doivent saisir le juge qui a rendu l’ordonnance par la voie du référé ou de la rétractation (CPC, art. 496).
Enfin, lorsque la décision attaquée statue exclusivement sur la compétence sans trancher le fond du litige, l’appel relève, lorsque la représentation par avocat est obligatoire, de la procédure à jour fixe, conformément aux articles 83, 84 et 85 du Code de procédure civile (Cass. 2e civ., 11 juillet 2019, n° 18-23.617).
La Cour de cassation a récemment rappelé qu’une décision du juge de l’exécution statuant sur une demande de délais de paiement, susceptible d’appel en l’absence de disposition contraire, ne peut être inexactement qualifiée de jugement rendu en dernier ressort. Le pourvoi formé directement contre une telle décision est dès lors irrecevable (Cass. 1re civ., 23 mai 2024, n° 22-12.331).
Délai d’appel : 15 jours !
Le délai d’appel des décisions du juge de l’exécution est fixé à quinze jours (C. pr. exéc., art. R. 121-20, al. 1er) Et non d’un mois comme en droit commun.
Ce délai court, en principe, à compter de la notification de la décision (CA Paris, 14 novembre 2019, n° 19/10218).
Le délai d’appel étant exprimé en jours, sa computation obéit aux règles des articles 641 et 642 du Code de procédure civile. Le jour de la notification — ou, en cas de renonciation, celui du prononcé — ne compte pas. Le délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures, sauf s’il s’agit d’un samedi, d’un dimanche ou d’un jour férié ou chômé, auquel cas il est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.
Comme toujours, c’est la question du point de départ du délai qui est déterminante, d’autant plus pour les décisions du JEX quand on sait qu’un double régime de notification (geffe vs partie) coexiste, ce qui n’est pas sans créer de problème.
Point de départ du délai en cas de notification par le greffe
Lorsque la notification est effectuée par le greffe, la date à retenir est, pour chaque destinataire, celle de la remise effective de la lettre recommandée à la personne intéressée, telle qu’attestée par l’administration des postes (CPC, art. 668 et 669, al. 3).
En cas de divergence entre la date portée sur l’avis de réception par le destinataire et celle apposée par le préposé, seule cette dernière fait foi (Cass. 1re civ., 4 février 1986).
Point de départ en cas de signification par le vainqueur
Lorsque la lettre recommandée n’a pu être remise et qu’une signification s’impose, le point de départ du délai est fixé à la date de la signification à personne, à domicile ou à résidence, conformément aux règles de droit commun (CPC, art. 664-1).
Point de départ en cas de renonciation
À l’égard de la partie ayant expressément renoncé à la notification par le greffe, la notification est réputée accomplie et le délai d’appel court à compter du prononcé du jugement (C. pr. exéc., art. R. 121-15, al. 4).
Point réforme
Dans l’esprit de ces textes, la notification dont il s’agit est celle prévue à l’article R. 121-15, qui incombe au greffe.
On peut toutefois se demander si désormais, lorsque la procédure était à représentation obligatoire, le délai d’ appel court à compter de la signification à partie, ou bien continue de courir du jour de la notification par le greffe ; en attendant une réponse certaine à cette question, il est prudent de faire signifier les jugements du juge de l’ exécution lorsque la procédure était à représentation obligatoire. (Cyril ROTH,Claire ARGOUARC’H dans le jurisclasseur)
Pour rappel, Depuis le 1er janvier 2020, date de l’entrée en vigueur de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, la représentation des parties par un avocat est en principe obligatoire devant le juge de l’exécution à partir de 10 000 euro(s) ( CPC exéc., art. L. 121-4 et R. 121-6 ).
Effet non-suspensif de l’appel
L’article R. 121-21 du code des procédures civiles d’exécution pose le principe selon lequel ni le délai d’appel ni l’appel exercé contre les décisions du juge de l’exécution n’ont d’effet suspensif.
Ce choix du législateur vise à prévenir les appels dilatoires, particulièrement inopportuns en matière d’exécution forcée d’un titre, et, à tout le moins, à en neutraliser les effets. L’exécution forcée peut ainsi se poursuivre, conformément à la décision du premier juge, dès sa notification.
Ce régime n’est toutefois pas sans soulever de réelles difficultés pratiques, en ce qu’il expose les parties au risque d’une exécution irréversible avant l’intervention de la cour d’appel, posant inévitablement la question d’une éventuelle remise en état en cas d’infirmation ultérieure de la décision attaquée.
Le sursis à l’exécution des décisions du juge de l’exécution
