(État du droit au 1ᵉʳ juillet 2025)
1. Pourquoi un dépôt de garantie ?
Dans les baux commerciaux, le dépôt de garantie sécurise les obligations du preneur : il couvre les loyers impayés, les charges et les remises en état. Contrairement au bail d’habitation, son régime est peu encadré par la loi ; la seule règle impérative figure à l’article L 145-40 du Code de commerce, qui impose le versement d’intérêts au locataire sur la portion excédant deux termes de loyer payés d’avance.
2. Qui doit rembourser le dépôt de garantie ?
Une dette personnelle de celui qui a perçu les fonds.
La Cour de cassation rappelle que la restitution incombe au bailleur qui les a effectivement encaissés, même s’il a ensuite cédé l’immeuble. Ainsi, un locataire peut agir contre son bailleur d’origine malgré une clause de vente transférant la charge au nouvel acquéreur (Cass. 3ᵉ civ., 16 mai 2024, n° 22-19.922). De même, en crédit-bail, c’est au crédit-bailleur qui a reçu le dépôt de le restituer (Cass. 3ᵉ civ., 12 déc. 2024, n° 23-16.858).
3. Quand le bailleur doit-il restituer le dépôt de garantie ?
Contrairement au régime des baux d’habitation, qui impose un délai maximal de deux mois pour la restitution du dépôt de garantie (Loi 89-462 du 6-7-1989 art. 22, al. 3 et 4), le statut des baux commerciaux ne comporte aucune disposition spécifique relative au délai de cette restitution. Les parties peuvent, si elles le souhaitent, librement déterminer ce délai dans le bail.
Le statut est muet sur le délai ; la pratique et la jurisprudence exigent un « délai raisonnable » de deux à trois mois après la remise des clés, le temps d’apurer les comptes et de vérifier l’état des lieux.
Le projet de loi de simplification de la vie économique prévoit d’ajouter à l’article L 145-40 du Code de commerce une disposition imposant que la restitution des sommes payées à titre de garantie intervienne dans un délai raisonnable n’excédant pas trois mois à compter de la remise, en main propre ou par lettre recommandée avec AR, des clés au bailleur ou à son mandataire (Texte AN n° 144 art. 24).
4. Quelle somme doit être restituée ?
- Le principal : l’intégralité du dépôt, sous déduction éventuelle des loyers, charges et réparations locatives justifiées.
- Les intérêts : dus sur la fraction qui excède deux termes de loyer, au taux des avances sur titres de la Banque de France, jusqu’au remboursement effectif.
5. Sanctions en cas de rétention abusive
Les conséquences de la non-restitution relèvent de la responsabilité contractuelle de droit commun (C. civ. art. 1344-1 et 1231-1). En application de ces dispositions, le locataire a droit aux intérêts sur le montant du dépôt de garantie à compter du jour de la mise en demeure qu’il a adressée à son bailleur, lequel reste également redevable de dommages-intérêts pour inexécution ou retard.
La rétention injustifiée engage la responsabilité du bailleur :
- restitution du dépôt avec intérêts légaux à compter de la mise en demeure ;
- allocation possible de dommages-intérêts (4 000 € dans un arrêt Paris, 3 avril 2025) ;
- frais irrépétibles (art. 700 CPC).
Encadré – Jurisprudence récente (texte intégral)
La rétention injustifiée du dépôt de garantie engage la responsabilité du bailleur commercial
Commet un manquement contractuel le bailleur qui, six mois après la restitution des locaux, n’a toujours pas remboursé au locataire le dépôt de garantie alors que le bail prévoit une restitution concomitante à celle des locaux.
Un bail commercial prévoit que, « à la restitution des locaux, le dépôt de garantie est remboursé au locataire après remise des clés, déduction faite des sommes dont il pourrait être débiteur du fait de travaux de remise en état rendus nécessaires après état des lieux de sortie contradictoirement établi ».
Le locataire délivre congé pour le terme du bail et restitue les locaux à cette date. Six mois plus tard, il met le bailleur en demeure de lui restituer le dépôt de garantie.
Après avoir constaté que le locataire a bien restitué les locaux et remis les clés sans qu’une quelconque réserve soit émise par le bailleur quant à l’état des locaux, la cour d’appel de Paris juge que la rétention injustifiée du dépôt de garantie par le bailleur constitue de sa part un manquement contractuel engageant sa responsabilité. Elle le condamne donc à payer au locataire une somme correspondant au montant du dépôt de garantie assorti des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure ainsi que des dommages-intérêts (4 000 €).
CA Paris 3-4-2025 n° 21/15834, SCI Ava c/ Sasu Maintenance technique optimisée
6. Prescription de l’action du locataire
L’action en restitution se prescrit par cinq ans (art. 2224 C. civ.), courant à compter de la remise des clés.
7. Montant et impact du dépôt sur la valeur locative
Le dépôt — même élevé — n’est pas, en soi, un élément justifiant un abattement de la valeur locative lors du renouvellement (Cass. 3ᵉ civ., 7 mai 2025, n° 23-15.394).
8. Bonnes pratiques contractuelles
Pour le bailleur | Pour le preneur |
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Prévoir dans le bail un délai (30 à 60 jours) et les modalités précises de reddition de comptes. | Exiger un reçu du dépôt et conserver les preuves de paiement. |
Isoler le dépôt sur un sous-compte pour faciliter la restitution. | Organiser un état des lieux contradictoire et dater formellement la remise des clés. |
Chiffrer rapidement les travaux imputables et produire justificatifs. | Adresser une lettre RAR réclamant la restitution en rappelant l’art. L 145-40. |
En cas de vente, transférer matériellement le dépôt et obtenir l’acceptation écrite du locataire. | Envisager une mise en demeure puis une action au fond si le bailleur tarde. |
9. Points de vigilance pour 2025-2026
- Surveiller l’adoption du projet de loi fixant le délai maximal de trois-mois.
- Mettre à jour vos modèles de bail pour intégrer une clause de transfert du dépôt lors de la cession et préciser le calendrier de restitution.
- Actualiser les taux d’intérêts (Banque de France) pour calculer la part due au locataire sur les sommes excédentaires.
10. Conclusion
La restitution du dépôt de garantie est avant tout une question de preuve et de diligence : preuve de la réception des fonds par le bailleur ; diligence dans la reddition de comptes. Un état des lieux soigné, des justificatifs précis et une communication transparente évitent la plupart des contentieux.