Courrier entre avocats
Confidentiel par nature
L’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 pose pour principe que les correspondances entre le client et son avocat, entre l’avocat et ses confrères, à l’exception pour ces dernières de celles portant la mention “officielle” sont couvertes par le secret professionnel. Ce dernier est protecteur du client, de l’avocat et de l’intérêt général. Il constitue la première garantie des libertés individuelles. Sa violation entraîne des sanctions pénales prévues aux articles 226-13 et 226-14 du Code pénal.
Officiel par exception
Le recours aux correspondances officielles entre avocats doit demeurer l’exception, la confidentialité étant la règle.
La mention “officielle” portée sur les échanges entre avocats devrait rester exceptionnelle. Cette faculté est encadrée par l’article 3.2 du Règlement intérieur national, qui la limite à deux seules hypothèses :
- une correspondance équivalente à un acte de procédure ;
- une correspondance ne faisant référence à aucun écrit, propos ou élément antérieur confidentiel.
En tout état de cause, une correspondance officielle doit respecter un certain nombre de conditions (source) :
- un courrier officiel ne peut en aucun cas faire référence à un entretien ou à un courrier confidentiel, qu’il s’agisse du contenu de celui-ci ou même de son existence
- l’avocat qui adresse à son contradicteur un courrier officiel doit se limiter à un exposé succinct et objectif des faits ou de la demande, et s’interdire tout commentaire, toute mise en cause, toute polémique et plus généralement tout propos ou argument de nature à être perçu comme un moyen de pression ou dans le but de se préconstituer une preuve
- la vocation exclusive d’un courrier officiel est de formaliser la position de la partie représentée par l’avocat qui en est l’auteur
- il est tenu de s’abstenir d’évoquer la position de la partie adverse, plus encore de la présumer.
- la loyauté impose la plus grande rigueur dans le contenu et la forme des courriers officiels, comme dans l’utilisation qui peut en être faite.
Courrier avocat/client
Libre usage par le client
Le secret ne peut être opposé à celui au profit duquel il est institué (Cass. civ. 1, 13 mars 2008, n° 05-11.314, F-P+B).
Un client peut communiquer une lettre adressée à son propre avocat (CCass. 1re civ., 4 avr. 2006, n° 04-20.735, Bull. 2006 I N° 189 p. 166. Lire en ligne : https://www.doctrine.fr/d/CASS/2006/CASSP427C3E4C0E2B254A62A2)
“Attendu que la société Ryv exploite un fonds de commerce dans des locaux appartenant à M. X…, suivant bail commercial conclu entre les parties ; qu’en l’état d’un contentieux les opposant, M. X… a fait délivrer à la société Ryv, le 10 avril 2003, un commandement de payer visant la clause résolutoire auquel était annexée une lettre qu’il avait adressée à son avocat et faisant apparaître le décompte des loyers impayés ;
Attendu que pour déclarer nul ce commandement, l’arrêt attaqué retient qu’il ne contenait aucun décompte précis des sommes dues, la lettre produite en annexe à cet acte devant être purement et simplement écartée comme étant, aux termes de l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, couverte par le secret professionnel ;
Attendu qu’en statuant ainsi alors que l’auteur de cette lettre, qui n’était pas tenu au secret professionnel, en la rendant lui-même publique, lui avait ôté son caractère confidentiel, la cour d’appel a violé, par fausse application, le texte susvisé ;”
Usage interdit par l’avocat
L’avocat ne peut pas produire un courrier confidentiel de son client, quand bien même celui-ci l’y autoriserait (Cass. civ. 1, 6 avril 2004, n° 00-19.245, FS-D) :
“Mais attendu que l’obligation au secret professionnel, établie par l’article 66-V dans sa rédaction antérieure à la loi du 11 février 2004 et sanctionnée par l’article 226-13 du Code pénal, pour assurer la confiance nécessaire à l’exercice de certaines professions ou de certaines fonctions, s’impose à l’avocat, hormis les cas où la loi en dispose autrement comme un devoir de son état et que sous cette réserve, elle est générale et absolue, de sorte que l’avocat ne peut en être délié par son client ; que le moyen qui, dès lors, est inopérant, ne peut être accueilli ;”
Libre usage par les tiers (autorisés ?)
La production en justice par un tiers d’une correspondance échangée entre un avocat et son client ne requiert pas l’autorisation de cet avocat (Cass. civ. 1, 13 mars 2008, n° 06-16.740).
Un tiers peut produire une lettre que lui a adressée un avocat relatant la teneur des entretiens avec un client, dès lors que ce tiers a participé à l’entretien (Cass. civ. 1, 14 janvier 2010, n° 08-21.854, FS-P+B+I).