Combler les rides du visage, se faire gonfler les lèvres ou obtenir des fesses plus rebondies…
Sur les réseaux sociaux, les annonces proposant des injections d’acide hyaluronique ou de Botox pullulent.
Des promesses de rides atténuées, de lèvres pulpeuses ou d’un visage rajeuni sans chirurgie séduisent un public toujours plus large, attiré par des tarifs alléchants et des résultats instantanés.
Mais derrière ces images parfaites et ces offres à bas prix se cache un phénomène dangereux : celui des fake injectors — ces fausses injectrices qui pratiquent illégalement des actes médicaux sans aucune qualification, souvent dans des salons de beauté, des appartements privés ou même des hôtels.
Ces injections clandestines, réalisées avec des produits d’origine incertaine et sans respect des règles d’hygiène, peuvent provoquer des nécroses, des infections graves, des abcès, voire des paralysies faciales irréversibles.
Les victimes sont de plus en plus nombreuses, et les autorités judiciaires multiplient les enquêtes pour exercice illégal de la médecine, mise en danger d’autrui et escroquerie.
Mais que risque-t-on réellement avec ces injections illégales ?
Comment savoir si l’on est face à un vrai médecin ou à une fake injectrice ?
Et surtout, quels recours juridiques existent pour les victimes ?
Comment se défendre si on est poursuivi pour injection illicite ?
Cet article fait le point sur la réalité de ces pratiques, les risques encourus, la réglementation applicable, et les actions possibles pour les personnes victimes d’injections illégales.
Qui peut légalement réaliser des injections de Botox ou d’acide hyaluronique ?
En France, la pratique des injections de toxine botulique (Botox) et d’acide hyaluronique est strictement encadrée par le Code de la santé publique.
Ces actes ne peuvent être réalisés que par certains professionnels de santé expressément autorisés à porter atteinte à l’intégrité du corps humain dans le cadre de leur profession.
Les professionnels autorisés
Seuls les médecins peuvent légalement pratiquer des injections esthétiques.
Cela inclut :
- les médecins esthétiques ;
- les dermatologues ;
- les chirurgiens plasticiens et esthétiques ;
- les médecins ORL et ophtalmologistes, dans certaines zones spécifiques du visage.
Ces praticiens ont suivi une formation médicale diplômante, connaissent l’anatomie du visage et respectent les protocoles d’asepsie et de traçabilité des produits injectés.
Le cadre légal applicable
Les injections, et plus largement toutes les pratiques portant atteinte à l’intégrité du corps humain, sont légalement et réglementairement réservées à certaines catégories de professionnels.
L’article 16-3 du Code civil, modifié par la loi n° 2004-800 du 6 août 2004, prévoit qu’il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain « qu’en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l’intérêt thérapeutique d’autrui ».
Autrement dit, toute atteinte au corps humain n’est licite que si elle répond à une nécessité médicale. Or, du fait de l’effraction cutanée qu’elles entraînent, les injections à visée esthétique, même réalisées avec des aiguilles fines (microneedling) ou un stylo compresseur, constituent bien des atteintes à l’intégrité du corps humain.
Elles ne peuvent donc être pratiquées que par les professionnels de santé autorisés par le Code de la santé publique (CSP).
Les dérogations prévues par le Code de la santé publique
Par dérogation à l’article 16-3 du Code civil, certains professionnels de santé sont autorisés à porter atteinte à l’intégrité du corps humain dans le cadre de leur activité, conformément au Code de la santé publique.
En dehors du champ médical, seules quelques professions bénéficient d’une telle dérogation : les tatoueurs et les personnes pratiquant le perçage du pavillon de l’oreille ou de l’aile du nez, en vertu des articles R. 1311-1 à R. 1311-13 du CSP. Ces dérogations leur permettent de réaliser certaines techniques à visée purement esthétique, sous conditions strictes d’hygiène et de formation.
En revanche, le CSP ne prévoit aucune dérogation pour d’autres professions, notamment les esthéticiennes.
La réalisation d’injections est donc strictement interdite à toute personne non médecin.
Cette interdiction s’applique quelle que soit la finalité esthétique de l’acte : pigmentation, comblement, détatouage ou maquillage semi-permanent.
Seules les esthéticiennes ayant suivi une formation agréée et ayant procédé aux déclarations obligatoires peuvent pratiquer certaines techniques superficielles, limitées aux couches externes de l’épiderme.
Il n’existe à ce jour aucune formation permettant à un non-médecin d’acquérir un droit à pratiquer des injections, des microneedlings ou toute autre perforation cutanée à visée esthétique.
Enfin, la loi du 5 juillet 1996 encadrant la profession d’esthéticienne précise que leur activité doit se limiter aux couches superficielles de l’épiderme.
Or, les injections atteignent le derme, une couche plus profonde de la peau : elles sortent donc clairement du champ des prérogatives autorisées aux esthéticiennes.
Les garanties offertes par un médecin
Faire appel à un professionnel de santé autorisé, c’est bénéficier de :
- la traçabilité du produit injecté (numéro de lot, origine, date d’ouverture) ;
- des conditions d’asepsie strictes ;
- une responsabilité médicale en cas de complication ;
- la certitude que le produit utilisé est conforme aux normes de sécurité européennes.
La règlementation de la vente
L’attrait des injections illicites : le prix
Si ces pratiques illégales séduisent autant, c’est d’abord à cause du prix.
Les injectrices non diplômées cassent les tarifs pour attirer la clientèle, en proposant des offres qui défient toute concurrence.
Certaines annoncent sur les réseaux sociaux des prestations complètes, des « full face » – c’est-à-dire des injections sur l’ensemble du visage – pour 500 € à peine.
À titre de comparaison, une injection d’acide hyaluronique réalisée par un médecin esthétique ou un chirurgien qualifié coûte en moyenne entre 300 et 400 € par zone.
Autrement dit, lorsqu’un tarif paraît trop beau pour être vrai, c’est souvent qu’il cache une pratique illégale, un produit douteux ou une absence totale de compétence médicale.
Le prix devient alors un leurre : ce que l’on croit économiser au départ se transforme fréquemment en dommage esthétique, médical et financier.
Quels sont les problèmes causés par ces injections illégales ?
Les injections esthétiques illégales exposent les victimes à des risques graves, tant sur le plan sanitaire que juridique. Trois grands types de problèmes se posent : la tromperie sur l’identité de l’injecteur, l’incertitude sur le produit utilisé, et la mauvaise exécution de l’injection elle-même.
La tromperie sur l’identité de l’injecteur
De nombreuses personnes se présentant comme « injecteurs » usurpent le titre de médecin sur les réseaux sociaux.
Elles utilisent les appellations « docteur » ou « Dr », parfois même inscrites sur leur blouse ou sur leurs pages professionnelles, alors qu’elles n’ont aucun diplôme de médecine.
Cette présentation mensongère constitue une tromperie et relève de l’exercice illégal de la médecine, une infraction pénalement réprimée par l’article L. 4161-1 du Code de la santé publique.
Les victimes sont ainsi conduites à faire confiance à des personnes dépourvues de toute formation médicale et ignorant les règles d’asepsie, d’anatomie et de sécurité.
L’absence de traçabilité du produit injecté
Le second danger concerne le produit lui-même.
Les injections clandestines sont souvent réalisées avec des produits achetés en ligne, parfois contrefaits ou périmés.
Aucune traçabilité n’est garantie : le flacon n’a pas toujours d’étiquette, le numéro de lot est effacé, et l’origine du produit (Europe, Turquie, Asie) reste inconnue.
Or, tous les acides hyaluroniques et toxines botuliques (Botox) ne se valent pas : certains sont destinés à un usage vétérinaire, d’autres ne sont pas conformes aux normes européennes.
Ces produits peuvent provoquer des réactions allergiques, des inflammations, des abcès ou des infections graves.
Des gestes dangereux et des complications sévères
Enfin, le problème le plus fréquent tient à la mauvaise réalisation technique de l’injection.
Faute de formation médicale, ces pseudo-professionnels ignorent la localisation des nerfs, des vaisseaux et des muscles du visage.
Ils injectent parfois trop profondément, dans des zones à risque comme le contour des yeux ou les lèvres, où la peau est très fine.
Résultat : nécroses, ecchymoses, boules sous-cutanées, asymétries ou déformations permanentes.
Certaines victimes se retrouvent défigurées et nécessitent des interventions chirurgicales réparatrices lourdes.
Ces trois facteurs – mensonge sur la qualité de l’intervenant, absence de contrôle du produit, et geste technique dangereux – expliquent pourquoi les injections illégales représentent aujourd’hui un véritable enjeu de santé publique.
Pour les auteurs des injections
Que risque les injecteurs et injectrices d’acide hyaluronique et botox et autres fake injectors ou queen lips ?
Exercice illégal de la médecine
Prévu par l’article L4161-1 du Code de la santé publique.
Cette infraction peut être contestée : les injections n’ont pas forcément un caractère strictement médical.
Le délit d’usurpation de titre de médecin
Selon l’article L4162-1 du Code de la santé publique, l’usage sans droit de la qualité de médecin, ou d’un diplôme de docteur en médecine est puni des peines d’1 an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende prévu pour l’infraction d’usurpation de titre de l’article 433-17 du Code pénal.
Mise en danger d’autrui
L’infraction de mise en danger délibérée de la vie d’autrui peut également être envisagée dans ce type de dossier lorsque les injections ont été pratiquées dans des conditions susceptibles de causer un dommage grave à la santé.
Elle suppose toutefois la réunion de critères précis : un comportement manifestement dangereux, la violation d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence, et un risque immédiat de blessure ou de mort.
Cependant, cette qualification peut être utilement contestée par votre avocat, notamment si les produits utilisés n’étaient ni périmés ni altérés, et si les conditions matérielles de l’injection n’étaient pas de nature à créer un risque grave et immédiat pour la santé.
L’analyse du dossier (origine des produits, protocole d’injection, circonstances de la séance, antécédents médicaux de la victime) sera donc déterminante pour évaluer la pertinence de cette incrimination.
Travail dissimulé
Cette infraction peut également être utilement contestée par votre avocat.
Que risque vraiment les auteurs ?
En général les peines sont les suivantes :
- De 6 mois de prison avec sursis à 3 ans avec sursis + 1 ferme
- 10 000 € d’amende
- Interdiction de gérer
Pour les victimes des injections : que faire ?
De plus en plus de patientes deviennent victimes d’injections esthétiques pratiquées illégalement, souvent par des personnes non médecins se présentant comme « techniciennes » ou « praticiennes ». Ces actes sont fréquemment réalisés dans des salons de beauté, des appartements privés ou même des hôtels, dans des conditions d’hygiène déplorables.
Les conséquences peuvent être graves. Certaines victimes décrivent de simples hématomes ou des douleurs aiguës pendant l’injection lorsqu’une veine est touchée. Mais d’autres présentent de véritables complications médicales : infections sévères, inflammations, abcès, voire nécroses cutanées nécessitant une hospitalisation d’urgence.
Les témoignages sont nombreux :
– abcès du menton imposant une opération d’urgence ;
– éruptions cutanées sévères ;
– bouche partiellement paralysée ;
– paupières tombantes ;
– boules ou taches persistantes sur les lèvres après des injections mal dosées.
Ces situations ne sont pas de simples « ratés esthétiques ». Elles constituent souvent des infractions graves, relevant de l’exercice illégal de la médecine (article L. 4161-1 du Code de la santé publique), puni de deux ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende. Selon les cas, les faits peuvent également être qualifiés de violences volontaires, de mise en danger d’autrui, voire d’escroquerie.
La voie pénale : le dépôt de plainte
Le premier réflexe pour une victime est de porter plainte.
La plainte peut être déposée :
- auprès du commissariat de police ou de la gendarmerie ;
- ou adressée directement au procureur de la République par lettre recommandée avec accusé de réception.
Elle doit s’accompagner de toutes les preuves disponibles : photographies des lésions, échanges de messages, publications sur les réseaux sociaux, coordonnées de la personne, justificatifs de paiement ou témoignages.
L’objectif de la procédure pénale est double : déclencher une enquête et obtenir des preuves grâce aux investigations menées par les policiers ou gendarmes. Cette enquête peut aboutir à des poursuites contre l’auteur pour exercice illégal de la médecine, blessures involontaires, tromperie ou mise en danger d’autrui.
Le délai pour déposer plainte est de six ans à compter des faits.
Un avocat peut accompagner la victime dans la rédaction de la plainte, le suivi de l’enquête et la demande d’expertise médicale.
Le parquet de Lille a récemment lancé un appel à victimes dans une affaire similaire : une femme pratiquait illégalement des injections de Botox et d’acide hyaluronique sous le pseudonyme Ladybeauty59, illustrant l’ampleur du phénomène et la vigilance accrue des autorités.
La voie civile : obtenir réparation
Indépendamment de la procédure pénale, la victime peut engager une action civile pour obtenir l’indemnisation intégrale de ses préjudices.
Cette action permet de réclamer la réparation du dommage corporel :
- préjudice esthétique (cicatrices, asymétries, déformations du visage) ;
- Préjudice fonctionnel
- préjudice moral et psychologique ;
- souffrances endurées ;
- perte de revenus si une incapacité temporaire est constatée.
Une expertise médicale judiciaire est alors essentielle : elle permet d’évaluer les séquelles et de chiffrer les indemnités dues.
L’action peut être intentée devant le tribunal judiciaire contre l’auteur des faits, et le cas échéant contre toute structure ayant facilité ou hébergé son activité.
Qui contacter ?
Dans la région de Nice, vous pouvez contacter mon excellente consoeur Maître Marie Cerruti.
