Convention réglementée, interdite ou libre : tout comprendre

La prévention des conflits d’intérêts a conduit le législateur à soumettre à un contrôle strict, sous forme de l’exigence d’une autorisation préalable, les conventions passées entre une société commerciale et ses dirigeants, ainsi que ses actionnaires les plus importants. C’est la procédure d’autorisation des conventions réglementées.

Quelles sociétés sont concernées ?

Toutes mais l’article (fondement juridique diffère.

A noter : les jurisprudences rendues pour un type de société sont transposables aux autres types de sociétés.

Type de société ou entitéDispositif applicable aux conventions réglementéesArticles de référence
Sociétés anonymes (SA)Autorisation préalable du conseil d’administrationC. com., art. L. 225-38 à L. 225-43
Sociétés en commandite par actionsApplication d’un dispositif spécifique pour les conventions conclues avec les associés ou dirigeants.C. com., art. L. 226-10
Sociétés par actions simplifiées (SAS)Dispositif comparable pour les conventions conclues avec les associés ou dirigeants.C. com., art. L. 227-10
Sociétés de personnes, sociétés en nom collectif, sociétés civilesAucune réglementation spécifique concernant les conventions conclues avec leurs associés ou dirigeants.Non applicable
SARL, personnes morales de droit privé non commerçantes ayant une activité économique, associations subventionnées (> 150 000 €)Procédure d’approbation obligatoire pour certaines conventions.C. com., art. L. 223-19 et L. 612-5

Quels sont les trois types de conventions pour une société ?

Définition de la convention réglementée

La convention règlementée est une convention entre une société et l’un de ses membres qui obéit à une réglementation fixée par la loi (Cornu).

La convention conclue avec le dirigeant ou une de ses sociétés

Les conventions réglementées se définissent négativement. Ce ne sont ni des conventions interdites ni des conventions libres. Ce sont celles intervenues, directement ou par personne interposée, entre une société et son directeur général, l’un de ses directeurs généraux délégués, l’un de ses administrateurs, l’un des membres du directoire ou du conseil de surveillance, ou l’un de ses actionnaires disposant d’une fraction des droits de vote supérieure à 10 % ou, s’il s’agit d’une société actionnaire, la société la contrôlant.

La convention conclue avec une personne avec lequel le dirigeant est indirectement intéressé

Sont également visées les conventions auxquelles l’une de ces personnes est indirectement intéressée ainsi que celles intervenant entre la société et une entreprise, si le directeur général, l’un des directeurs généraux délégués ou l’un des administrateurs de la société est propriétaire, associé indéfiniment responsable, gérant, administrateur, membre du conseil de surveillance ou, de façon générale, dirigeant de cette entreprise.

L’intérêt indirect du dirigeant est caractérisé, par exemple, lorsque celui-ci tire profit de la convention sous quelque forme que ce soit (ristourne, commission ou autres avantages, même non pécuniaires).

L’avantage indirect existe par exemple lorsque le dirigeant :

  • Privilégie les intérêts de la famille en concluant un bail avec sa belle-soeur (Cass. 3e civ. 30-11-2022 n° 21-20.910 F-D, Sté Ycap Partners c/  V.)
  • Conclue avec des personnes avec lesquelles il a des les liens familiaux (Cass. com. 23-1-1968 : Bull. civ. IV n° 38 et Cass. com. 23-10-1990 : Bull. civ. IV n° 254)

Conventions interdites

Ce sont les conventions liées au crédit, et qui présentent à ce titre un risque particulier pour la société. Il s’agit de celles par lesquelles les administrateurs personnes physiques, les membres du conseil de surveillance, le directeur général, les directeurs généraux délégués ou encore les membres du directoire contractent des emprunts auprès de la société, se font consentir par elle un découvert ou se font cautionner ou avaliser par elle leurs engagements envers les tiers. Ces conventions sont nulles, de nullité absolue (Cass., ch. mixte, 10 juill. 1981). Cette sanction s’applique également aux représentants permanents des personnes morales administrateurs, aux conjoint, ascendants et descendants des personnes visées ci-dessus, ainsi qu’à toute personne interposée.

Conventions libres

Ce sont les conventions conclues entre la société et les personnes auxquelles s’applique normalement la procédure d’autorisation décrite ci-après portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales. Cependant, ces conventions, sauf lorsqu’en raison de leur objet ou de leurs implications financières elles ne sont significatives pour aucune des parties, doivent être communiquées par l’intéressé au président du conseil d’administration ou du conseil de surveillance. La liste et l’objet desdites conventions doivent ensuite être communiqués par le président aux membres du conseil d’administration ou du conseil de surveillance et aux commissaires aux comptes, s’il en existe.La loi Pacte du 22 mai 2019 est venue préciser que dans les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, le conseil d’administration doit mettre en place une procédure permettant d’évaluer régulièrement si les conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales remplissent bien ces conditions. Les personnes directement ou indirectement intéressées à l’une de ces conventions ne participent pas à son évaluation.

Procédure d’autorisation de la convention règlementée et sanctions

La procédure se déroule en cinq étapes pour aboutir à l’autorisation préalable du conseil d’administration ou de l’assemblée générale selon la forme de la société

Information

La personne directement ou indirectement intéressée doit informer le conseil d’administration ou le conseil de surveillance dès qu’elle a connaissance d’une convention soumise à autorisation.

Autorisation

La convention est alors soumise à l’autorisation préalable du conseil d’administration ou du conseil de surveillance, l’intéressé ne pouvant prendre part au vote. Le défaut de respect des deux premières étapes peut entraîner l’annulation des conventions litigieuses s’il a eu des conséquences dommageables pour la société, l’action en nullité se prescrivant par trois ans à compter de la date de la convention. La nullité peut être couverte par un vote de l’assemblée générale intervenant sur rapport spécial des commissaires aux comptes, s’il y en a un, exposant les raisons de cette irrégularité. Par ailleurs, la responsabilité de l’intéressé peut être engagée.

En outre, une convention intervenue entre une société et son dirigeant peut être annulée si elle est entachée de fraude pour avoir été conclue dans le dessein de l’exclure du champ d’application des conventions réglementées (Com. 5 janv. 2016, n° 14-18.688).

Avis au commissaire aux comptes

Le président donne ensuite avis au commissaire aux comptes, s’il en exixte, de toutes les conventions autorisées dans le délai d’un mois à compter de leur conclusion.

La loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, dite « Sapin 2 », est venue préciser que l’obligation de communication au commissaire aux comptes des conventions et engagements entre une société anonyme ou une société en commandite par actions et un dirigeant ou un actionnaire ne s’applique pas aux conventions et engagements qui ont été autorisés mais n’ont pas été conclus (C. com., art. L. 225-40 et L. 225-88 mod.).

Rapport du commissaire aux comptes

Puis le commissaire aux comptes présente, sur ces conventions, un rapport spécial à l’assemblée. En l’absence de commissaire aux comptes, c’est au président du conseil d’administration qu’il revient de présenter ce rapport.

Délibération de l’assemblée ou du conseil d’administration

Enfin, l’assemblée générale statue et l’intéressé, s’il est actionnaire, ne peut pas prendre part au vote et ses actions ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité. En l’absence de délibération ou en cas de refus d’approbation par l’assemblée, la convention n’est pas nulle pour autant, sauf cas de fraude. Elle produit donc ses effets à l’égard des tiers, mais ses conséquences préjudiciables à la société peuvent être mises à la charge de l’intéressé et, éventuellement, des autres membres du conseil d’administration ou du directoire.

Sanction des conventions réglementées non approuvées

Nullité de la convention

Concernant l’appréciation du caractère dommageable pouvant entraîner la nullité de la convention, il existe quelques décisions mettant en cause le loyer dû dans le cadre d’un bail commercial. Il a ainsi été jugé qu’une augmentation de loyer supérieure à celle résultant de l’application du plafonnement, stipulée dans une convention non autorisée, a eu des conséquences dommageables pour la société entraînant la nullité de la convention (CA Nancy 10-2-1988 : BRDA 19/89 p. 13).

A l’inverse, une augmentation modique du loyer n’a pas été considérée comme ayant nui à la société dès lors que le renouvellement du bail avait empêché que celui-ci ne se poursuive par tacite reconduction pendant une période supérieure à douze ans, ce qui aurait permis au bailleur d’écarter les dispositions du statut des baux commerciaux prévoyant un plafonnement du loyer (CA Versailles 19-12-2002 : RJDA 4/03 n° 399).

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