Comment protéger un proche victime d’un “brouteur” ou d’une arnaque sentimentale ?

Il ou elle a 70, 80, parfois plus. Il ou elle vit seul(e). Et depuis quelques semaines, son téléphone ne quitte plus ses mains. Des virements réguliers partent vers l’étranger, souvent vers l’Afrique de l’Ouest. À chaque fois, la même histoire : un prétendu amoureux ou une prétendue amoureuse rencontrée en ligne, avec une histoire triste et un besoin urgent d’aide financière.

Mais le plus inquiétant, ce n’est pas tant l’argent perdu que l’emprise psychologique. La victime, souvent isolée, croit sincèrement à cette relation. Et même face aux alertes de ses proches ou de son entourage, elle refuse de voir la réalité.

Ce phénomène porte un nom : l’arnaque sentimentale, ou “brouteur” dans le langage populaire. Et il peut ruiner une vie. Pour les proches, l’impuissance est souvent totale : la victime est “consentante”, refuse d’écouter, et continue d’envoyer de l’argent. Pourtant, le droit français offre plusieurs leviers pour agir.

Ce type d’arnaque a été mis en avant par l’affaire du faux Brad Pitt ou encore de Marie-Jo et du combat de son fils Xavier pour la ramener à la raison.

Un consentement… en apparence seulement

Sur le plan juridique, une difficulté de taille apparaît : la victime donne son argent volontairement. Elle effectue des virements bancaires en pleine conscience, parfois avec enthousiasme. De quoi compliquer l’intervention du droit.

Pourtant, en droit civil comme en droit pénal, un consentement peut être vicié, notamment en cas de vulnérabilité psychologique ou affective.

Mais comment le prouver ? Sans pathologie mentale avérée, la justice est souvent prudente. Il faut alors étayer solidement le dossier : âge avancé, isolement, troubles cognitifs éventuels, état de dépendance affective… Tout ce qui peut démontrer une fragilité exploitée.

Le but : stopper les flux financiers

Le brouteur ne veut qu’une chose : de l’argent. Si le flux financier est interrompu définitivement, le brouteur lache sa victime épuisée pour se mettre en quête d’une nouvelle. Et c’est à ce moment là que la victime se rend compte qu’elle a été manipulée.

Pour les victimes qui vont jusqu’à rejoindre leur brouteur, ce dernier, une fois l’impécuniosité de sa proie acquise, va alors la “déposer” devant l’ambassade de France du pays (Abidjan en Côté d’Ivoire notamment) pour que sa famille vienne la récupérer.

Il faut donc interrompre les flux financiers au plus vite pour arriver à cette conclusion le plus rapidement possible.


L’abus de faiblesse : une infraction pénale méconnue mais efficace

L’article 223-15-2 du Code pénal réprime l’abus frauduleux de l’état de faiblesse d’une personne vulnérable. C’est un levier juridique à activer rapidement.

Un proche peut déposer plainte auprès du procureur de la République, à condition de démontrer :

  • l’âge ou l’état de vulnérabilité de la victime (dépression, solitude, perte d’autonomie) ;
  • les manipulations affectives subies (promesses d’amour, demandes d’aide urgente, isolement relationnel) ;
  • les transferts d’argent réguliers et importants, sans justification ;
  • le repli sur soi de la victime et le refus de dialogue.

Une fois la plainte déposée, une enquête peut être ouverte. Si l’auteur est identifiable, des poursuites peuvent être engagées.


Protéger juridiquement la victime : curatelle ou tutelle

Si la victime n’est plus en mesure de gérer ses affaires, le juge des contentieux de la protection peut être saisi pour mettre en place une mesure de protection juridique :

  • Curatelle : la personne est assistée pour les actes importants (ex : virements).
  • Tutelle : elle est représentée dans tous les actes de la vie civile.

Un certificat médical circonstancié est requis. Il doit être rédigé par un médecin figurant sur la liste établie par le procureur de la République.

Une fois la mesure mise en place, le curateur ou tuteur pourra :

  • contrôler les comptes,
  • refuser des virements douteux,
  • engager des démarches judiciaires si nécessaire.

Même si la victime a quitté le territoire français ou refuse de se plier à cet examen, votre avocat spécialisé saura vous indiquer la marche à suivre pour obtenir ce certificat médical qui constitue une condition de recevabilité de la demande de protection judiciaire.

Comment mettre un majeur sous protection ? (Tutelle, curatelle, sauvegarde de justice)

Réagir vite : les bons réflexes bancaires et numériques

Même en l’absence de mesure judiciaire, certains réflexes s’imposent :

  • Prévenir la banque : elle peut refuser d’exécuter certains virements, ou faire une déclaration TRACFIN en cas de soupçon de blanchiment.
  • Signaler les profils frauduleux sur PHAROS, la plateforme officielle de signalement en ligne.
  • Alerter les plateformes utilisées (Facebook, WhatsApp, Tinder…) pour tenter de faire supprimer le compte de l’escroc.

Un recours civil limité, mais possible

Lorsque le proche de la victime a lui-même été lésé – par exemple en prêtant de l’argent qui a finalement profité à l’escroc – il peut tenter un recours en enrichissement sans cause. Toutefois, ce type d’action reste délicat, car il est rare d’identifier clairement le bénéficiaire final, et les chances de recouvrement sont faibles.

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