Association de malfaiteurs : c’est quoi ce delit ?

Selon l’article 450-1 du Code pénal, « constitue une association de malfaiteurs tout groupement formé ou toute entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’un ou plusieurs crimes ou délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement« .

Il s’agit donc d’une infraction d’anticipation : elle permet de réprimer la volonté criminelle avant le passage à l’acte, même si le projet est resté à l’état de préparation.

L’association de malfaiteurs est une infraction obstacle : c’est l’idée qu’il y a des actes préparatoires d’infractions qui sont d’une telle importance qu’on va les réprimer même si l’infraction ne se réalise pas.

Par exemple, en matière de terrorisme, vous pouvez condamner quelqu’un pour la préparation d’un attentat même si l’attentat n’a pas eu lieu.

L’infraction d’association de malfaiteurs vise à sanctionner ceux qui, par certains actes, se sont organisés en vue de préparer la commission d’un ou plusieurs crimes ou délits. Peu importe, dès lors, que ces infractions n’aient finalement pas été commises ou que leur réalisation ne soit pas démontrée : l’association de malfaiteurs demeure punissable en elle-même.

Le texte juridique

Une infraction ancienne et évolutive

L’infraction d’association de malfaiteurs ne date pas d’hier. Elle figurait déjà dans le Code pénal de 1810, aux articles 265 et suivants. Depuis 1994, elle est prévue à l’article 450-1 du Code pénal. Elle constitue un délit obstacle : une incrimination qui intervient très en amont, en sanctionnant non pas les infractions commises mais leur simple préparation. Elle se distingue des crimes ou délits finalement réalisés par ses membres et des actes matériels qui la concrétisent.

En parallèle, une circonstance aggravante voisine a été créée par la loi du 2 février 1981 : la bande organisée, désormais prévue à l’article 132-71 du Code pénal.

La loi du 13 juin 2025 relative au narcotrafic a renforcé l’arsenal. Elle a aggravé les peines et créé un nouvel article 450-1-1 du Code pénal qui incrimine le concours à une organisation criminelle, lorsque l’association prend la forme d’une structure hiérarchisée et durable.

L’élément matériel

Trois composantes doivent être réunies.

L’existence d’une association

La loi vise un groupement ou une simple entente entre plusieurs personnes. Il n’est pas nécessaire d’identifier tous les membres ni d’établir une structure hiérarchique. La Cour de cassation a admis qu’une association de malfaiteurs peut être constituée par seulement deux personnes (Cass. crim., 30 avr. 1996, n° 94-86.107).

La distinction avec la bande organisée est ici essentielle. Cette dernière suppose une structure et une hiérarchie : « la bande organisée suppose la préméditation des infractions et, à la différence de l’association de malfaiteurs, une organisation structurée entre ses membres » (Cass. crim., 8 juill. 2015, n° 14-88.329 ; Cass. crim., 16 mai 2018, n° 17-81.151).

Selon la Convention de New York du 15 novembre 2000, le groupement criminel organisé désigne un groupe structuré de trois personnes ou plus, existant depuis un certain temps et agissant de concert dans le but de commettre une ou plusieurs infractions graves. Cette conception a été reprise par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 2 mars 2004 (n° 2004-492 DC).

La réforme de 2025 a d’ailleurs introduit l’article 450-1-1 du Code pénal qui incrimine spécifiquement l’organisation criminelle, définie comme une association de malfaiteurs prenant la forme d’une organisation structurée entre ses membres et préparant certains crimes ou délits graves listés à l’article 706-73 du Code de procédure pénale.

La raison d’être de l’association

Les individus doivent poursuivre un but commun : la préparation d’un ou plusieurs crimes ou délits graves. Le champ d’application est donc limité aux crimes et aux délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement.

Il n’est pas nécessaire que le projet soit défini dans ses moindres détails (date, lieu, moyens). La loi exige seulement la préméditation et la volonté commune de préparer une infraction.

Les faits matériels

L’association de malfaiteurs doit être caractérisée par un ou plusieurs faits matériels. Ces actes donnent corps à l’entente et permettent d’établir la preuve. Ils peuvent consister en l’achat d’armes ou de produits chimiques, la fabrication de fausses plaques, le repérage de lieux, la constitution de plans, la prise de photographies ou encore la fabrication d’explosifs.

La jurisprudence admet que ces actes peuvent être appréciés dans leur globalité à travers un faisceau d’indices concordants, sans qu’une preuve matérielle unique soit exigée.

L’élément moral

L’association de malfaiteurs est une infraction intentionnelle. Ce qui est sanctionné, c’est la volonté consciente de préparer une infraction grave en s’associant avec d’autres. C’est précisément cet élément moral qui justifie que la répression intervienne très en amont, parfois alors qu’aucun acte de commission n’a encore été accompli.

C’est pourquoi la critique est forte : la simple intention, si elle est corroborée par des indices matériels, suffit à caractériser l’infraction. Le droit pénal français, traditionnellement centré sur les actes, accepte ici de punir une phase préparatoire, ce qui brouille la frontière entre droit pénal de l’acte et droit pénal de l’intention.

Les différentes formes d’association de malfaiteurs

L’association de malfaiteurs de droit commun

Elle est prévue à l’article 450-1 du Code pénal. Elle s’applique à tous les crimes et délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement.

L’association de malfaiteurs à visée terroriste

L’article 421-2-1 du Code pénal réprime la participation à une association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Elle permet d’intervenir en amont contre des projets d’attentat. Ici, le simple soutien logistique ou la participation à un réseau peut suffire.

L’association de malfaiteurs en matière informatique

L’article 323-4 du Code pénal prévoit une variante spécifique : l’association de malfaiteurs en vue de préparer des infractions informatiques (atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données).

Les sanctions

La répression a été durcie par la loi du 13 juin 2025. Désormais, la sévérité des peines varie selon la gravité de l’infraction projetée.

  • Lorsque l’infraction préparée est un crime puni de la réclusion criminelle à perpétuité ou commis en bande organisée, la participation à une association de malfaiteurs est punie de 15 ans de réclusion criminelle et de 225 000 € d’amende.
  • Lorsque les infractions préparées sont des crimes autres que ceux mentionnés ci-dessus ou des délits punis de 10 ans, la peine est de 10 ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende.
  • Lorsque les infractions préparées sont des délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement, la peine est de 5 ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende.

Des peines complémentaires sont prévues à l’article 450-3 du Code pénal.

L’organisation criminelle

La réforme de 2025 a introduit une nouvelle infraction : l’organisation criminelle (art. 450-1-1). Elle vise les associations de malfaiteurs qui prennent la forme d’une structure hiérarchisée et organisée.

Constitue une organisation criminelle toute association de malfaiteurs prenant la forme d’une organisation structurée entre ses membres et préparant un ou plusieurs crimes ou certains délits graves mentionnés à l’article 706-73 du Code de procédure pénale.

Est également incriminé le fait de concourir sciemment et de façon fréquente ou importante à l’organisation ou au fonctionnement d’une organisation criminelle, indépendamment de la préparation d’une infraction particulière. Cette nouvelle infraction est punie de trois ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende.

Cumul avec la bande organisée

Longtemps, la question s’est posée de savoir si l’on pouvait cumuler l’association de malfaiteurs et une infraction commise en bande organisée, sans violer le principe ne bis in idem.

La Cour de cassation, dans un arrêt du 9 juin 2022 (n° 21-80.237, publié au Bulletin), a tranché : il est possible de déclarer une personne coupable à la fois d’association de malfaiteurs et d’une infraction commise en bande organisée, y compris lorsque les faits retenus sont identiques.

La chambre criminelle justifie ce cumul en considérant que l’association de malfaiteurs est une infraction autonome, impliquant la participation à une entente en vue de commettre des infractions, tandis que la bande organisée est une circonstance aggravante tenant aux conditions de commission de l’infraction.

C’est quoi le problème avec l’association de malfaiteurs ?

L’association de malfaiteurs est l’une des infractions les plus critiquées du droit pénal français. Plusieurs raisons expliquent cette contestation.

Une infraction « chewing-gum »

Certains auteurs, comme le professeur Poeschel, ont qualifié l’association de malfaiteurs d’« infraction chewing-gum ». Cette expression traduit l’idée d’une infraction extensible à volonté, utilisée lorsque les preuves d’une corruption, d’un financement illicite ou d’un trafic font défaut.

En pratique, il suffit que deux personnes se soient rencontrées, aient discuté et qu’on retrouve quelques indices matériels (notes, repérages, échanges de messages) pour que l’on puisse considérer qu’il existe une entente préparatoire. Cela en fait une incrimination commode pour le parquet lorsque les preuves directes manquent.

Une condamnation possible sans acte commis

L’association de malfaiteurs est indépendante du résultat. Une personne peut être condamnée alors même qu’aucun crime ou délit n’a été commis, aucune somme d’argent transférée, aucune arme utilisée.

C’est la gravité de l’intention, corroborée par des indices, qui suffit à emporter condamnation. Cette logique, très en amont sur l’iter criminis, interroge sur l’équilibre entre prévention et répression.

La preuve par faisceau d’indices

Autre difficulté : la jurisprudence admet que la culpabilité puisse être retenue sur la base d’un faisceau d’indices concordants. Cette technique dispense d’une preuve matérielle unique et irréfutable.

Le juge se fonde sur un ensemble d’éléments qui, pris séparément, ne prouveraient rien, mais qui mis ensemble dessinent un projet criminel. Cela peut inclure des appels téléphoniques, des rencontres, des achats ordinaires ou des documents ambigus.

Pour la défense, la difficulté est de casser cette construction en démontrant que chaque indice peut avoir une explication alternative ou licite.

Une infraction de repli

L’association de malfaiteurs est souvent utilisée dans les affaires sensibles – terrorisme, grand banditisme, corruption politique – lorsque les chefs d’accusation principaux ne tiennent pas faute de preuves suffisantes. Elle devient alors une infraction de repli, permettant d’obtenir malgré tout une condamnation.

Un débat politique et philosophique

Sur le plan strictement juridique, les juges appliquent une incrimination prévue par le législateur. Mais sur le plan politique et philosophique, le débat est vif.
Faut-il admettre qu’une intention criminelle, simplement étayée par des indices, puisse valoir autant qu’un acte accompli ? Ne risque-t-on pas de basculer vers un droit pénal de l’intention, éloigné du principe fondamental de légalité des délits et des peines ?

Conclusion

L’association de malfaiteurs est un outil juridique puissant, pensé pour lutter contre la criminalité organisée et le terrorisme. Elle permet d’agir en amont, avant que des crimes ou délits graves ne soient commis.

Mais son caractère extensible, son recours au faisceau d’indices et son indépendance par rapport au résultat effectif en font une infraction controversée. Elle illustre la tension permanente entre l’efficacité de la répression et la protection des libertés individuelles.

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Questions fréquentes sur l’association de malfaiteurs

Peut-on être condamné pour association de malfaiteurs sans que l’infraction préparée ait été commise ?

Oui. L’association de malfaiteurs est une infraction autonome et indépendante du résultat. Une condamnation est possible même si le crime ou le délit préparé n’a jamais été commis, dès lors que l’entente et des faits matériels préparatoires sont établis.

Quelle différence entre association de malfaiteurs et complicité ?

La complicité suppose qu’une infraction a été commise et que le complice y a participé (aide, instigation, fourniture de moyens).
L’association de malfaiteurs, au contraire, sanctionne la préparation d’une infraction grave, même si celle-ci n’a jamais eu lieu. C’est une infraction d’anticipation.

Quelle différence entre association de malfaiteurs et bande organisée ?

L’association de malfaiteurs est une infraction autonome (art. 450-1 du Code pénal).
La bande organisée est une circonstance aggravante (art. 132-71 du Code pénal) qui majore la peine d’une infraction commise dans un cadre structuré et hiérarchisé.
Depuis un arrêt de la Cour de cassation du 9 juin 2022, il est admis que les deux qualifications puissent se cumuler.

Quels sont les délais de prescription de l’association de malfaiteurs ?

L’association de malfaiteurs est un délit. Elle se prescrit donc par 6 ans à compter des faits (art. 8 du Code de procédure pénale).
Toutefois, lorsqu’elle vise la préparation d’actes terroristes, la prescription peut être portée à 20 ans, car il s’agit alors d’un crime (art. 421-6 du Code pénal).

Quelles sont les peines encourues pour association de malfaiteurs ?

Les peines varient selon la gravité de l’infraction préparée :

  • 15 ans de réclusion criminelle et 225 000 € d’amende si le projet vise un crime puni de la perpétuité ou commis en bande organisée.
  • 10 ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende si le projet concerne d’autres crimes ou des délits punis de 10 ans.
  • 5 ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende pour les délits punis d’au moins 5 ans.
    La loi du 13 juin 2025 a introduit un nouveau délit : le concours à une organisation criminelle, puni de 3 ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende.

Comment se défendre face à une accusation d’association de malfaiteurs ?

La défense doit s’attacher à démontrer :

  • l’absence d’entente réelle entre les personnes mises en cause,
  • l’absence de finalité criminelle aux actes retenus comme indices,
  • l’explication alternative ou licite de chaque fait matériel,
  • les nullités de procédure éventuelles dans la collecte des preuves (écoutes, perquisitions, saisies).
    L’assistance d’un avocat pénaliste est indispensable pour contester le faisceau d’indices et protéger vos droits tout au long de la procédure.

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