Arrêt maladie de l’avocat collaborateur libéral : quelles sont les règles ?

Un arrêt maladie, même de courte durée, est rarement anodin pour un avocat collaborateur libéral.
Très rapidement, des interrogations très concrètes surgissent : vais-je continuer à percevoir ma rétrocession ? Qui perçoit les indemnités journalières ? Quelles démarches dois-je accomplir pour ne pas perdre mes droits ? Le cabinet peut-il rompre la collaboration ? Que deviennent mes dossiers personnels pendant mon indisponibilité ?

Le régime applicable est pourtant relativement protecteur. Il repose principalement sur le Règlement intérieur national (RIN), complété par plusieurs guides professionnels qui en précisent la mise en œuvre concrète. Les difficultés naissent le plus souvent d’une mauvaise compréhension des mécanismes, des délais ou de l’articulation entre la rétrocession et la prévoyance.

Cet article est exclusivement consacré à la situation de l’avocat collaborateur libéral, à l’exclusion du collaborateur salarié.

Les textes applicables à la maladie du collaborateur libéral

Le cadre juridique repose sur trois ensembles de textes complémentaires.

Le RIN constitue le socle normatif. Il définit la maladie comme une indisponibilité pour raison de santé médicalement constatée et fixe des règles impératives concernant le maintien de la rétrocession, la suspension de la période d’essai et la protection contre la rupture du contrat.

Le Guide de la collaboration du CNB n’a pas de valeur normative autonome, mais il joue un rôle essentiel en pratique. Il explicite les règles du RIN, illustre les situations fréquentes rencontrées par les collaborateurs et précise les usages professionnels admis.

Enfin, pour les avocats inscrits au Barreau de Paris, le Guide social unique apporte des précisions très opérationnelles relatives à la prévoyance obligatoire, aux indemnités journalières, aux franchises applicables et aux démarches à effectuer auprès d’AON et de la CNBF.

Le principe fondamental du maintien de la rétrocession

Deux mois maximum par année civile

En cas d’arrêt maladie médicalement constaté, l’avocat collaborateur libéral bénéficie du maintien intégral de sa rétrocession d’honoraires pendant deux mois maximum par année civile.

Ce principe est impératif. Il ne s’agit ni d’une tolérance ni d’une faculté laissée à l’appréciation du cabinet. Le maintien de la rétrocession s’impose dans la limite fixée par le RIN.

Ce maintien s’effectue sous déduction des indemnités journalières éventuellement perçues par le collaborateur au titre des régimes de prévoyance.

Pluralité d’arrêts sur une même année civile

Lorsque plusieurs arrêts maladie interviennent au cours d’une même année civile, ils ne se cumulent pas sans limite. Le maintien de la rétrocession est plafonné à deux mois au total sur l’année, même si les périodes d’arrêt sont distinctes et non consécutives.

Cette règle permet d’éviter toute ambiguïté : l’appréciation se fait globalement sur l’année civile, et non arrêt par arrêt.

Arrêt à cheval sur deux années civiles

Lorsque l’arrêt débute en fin d’année et se prolonge l’année suivante, le mécanisme est particulièrement protecteur.

Le maintien de la rétrocession peut s’appliquer :

  • dans la limite de deux mois au titre de l’année N,
  • puis à nouveau dans la limite de deux mois au titre de l’année N+1.

Autrement dit, le plafond annuel se réinitialise au 1er janvier.

La période d’essai en cas d’arrêt maladie

Lorsque l’arrêt maladie intervient pendant la période d’essai, celle-ci est automatiquement suspendue.

À l’issue de l’arrêt, la période d’essai reprend pour la durée restant à courir. Le temps d’arrêt n’est donc pas imputé sur la période d’essai, et ni le cabinet ni le collaborateur ne peuvent considérer celle-ci comme consommée pendant l’indisponibilité.

Facturation et fonctionnement pratique du maintien

Facturation pendant l’arrêt

Pendant la période de maintien de la rétrocession, le collaborateur continue d’adresser au cabinet sa facture habituelle, comme s’il exerçait normalement.

Il n’y a ni proratisation de la rétrocession ni suspension de la facturation pendant ces deux mois. Le maintien ne prend pas la forme d’une indemnité spécifique, mais d’une poursuite de la facturation contractuelle.

Articulation avec les indemnités journalières

Ce point est fréquemment source d’incompréhension.

Lorsque le cabinet maintient la rétrocession, les indemnités journalières correspondant à cette même période reviennent au cabinet.

En pratique, deux situations peuvent se présenter :

  • soit les indemnités sont perçues directement par le collaborateur, qui doit alors les déduire de la facture suivante adressée au cabinet ;
  • soit les indemnités sont versées après la période de maintien, ce qui peut conduire à un remboursement ultérieur au profit du cabinet.

Le maintien de la rétrocession permet ainsi d’assurer une continuité de revenus, mais il n’autorise pas un cumul intégral avec les indemnités journalières.

La prévoyance obligatoire du collaborateur libéral

Le régime applicable au Barreau de Paris

L’avocat collaborateur libéral inscrit au Barreau de Paris bénéficie d’un régime de prévoyance obligatoire géré par AON, en complément du régime national de la CNBF.

Cette couverture est subordonnée au respect de plusieurs conditions : être à jour des cotisations, demeurer inscrit au barreau et ne pas être omis, sauf omission prononcée pour raison de santé.

Délais de carence en cas de maladie

En cas de maladie, une franchise de trente jours d’arrêt continus s’applique avant toute indemnisation par AON.

Durant cette période de carence, aucune indemnité journalière n’est versée par la prévoyance, ce qui explique l’importance pratique du mécanisme de maintien de la rétrocession prévu par le RIN.

Montant des indemnités journalières

À l’issue de la franchise et jusqu’au 90e jour d’arrêt, le régime obligatoire du Barreau de Paris prévoit le versement d’indemnités journalières à hauteur de 90 euros par jour.

À compter du 91e jour et jusqu’au 1 095e jour d’arrêt, la CNBF prend le relais, également à hauteur de 90 euros par jour, sous réserve que l’avocat soit à jour de ses obligations déclaratives et de paiement.

Les démarches à effectuer pour préserver ses droits

Informer le cabinet

Le collaborateur doit informer le cabinet dans les meilleurs délais. Le Guide de la collaboration du CNB estime qu’un délai de 24 à 48 heures est raisonnable.

Le RIN n’impose aucun formalisme strict. Toutefois, pour des raisons probatoires, il est vivement recommandé de privilégier un écrit permettant d’attester de la date de notification, après un premier signalement oral si nécessaire.

Déclarer l’arrêt à la prévoyance

Pour les avocats parisiens, le Guide social unique précise que le dossier d’arrêt maladie doit être adressé à AON avant la fin du sixième mois de cessation d’activité professionnelle.

Le dossier comprend notamment l’arrêt de travail et ses éventuelles prolongations, les justificatifs médicaux en cas d’hospitalisation, un relevé d’identité bancaire professionnel et une copie de pièce d’identité.

Anticiper le relais de la CNBF

Dès que l’arrêt approche ou atteint 90 jours, il est recommandé de transmettre les arrêts successifs afin de préparer la prise en charge par la CNBF et d’éviter toute rupture d’indemnisation.

Rupture du contrat pendant l’arrêt maladie

Principe d’interdiction

Le RIN interdit au cabinet de notifier la rupture du contrat de collaboration libérale pendant l’indisponibilité pour raison de santé médicalement constatée.

Exception en cas de manquement grave

La rupture pendant l’arrêt n’est possible que s’il existe un manquement grave aux règles professionnelles, à condition que ce manquement soit totalement étranger à l’état de santé du collaborateur.

Limite temporelle de la protection

La protection contre la rupture prend fin à l’expiration d’un délai de six mois à compter de l’annonce de l’indisponibilité.

Rupture à l’initiative du collaborateur

Le collaborateur peut, quant à lui, rompre le contrat pendant son arrêt maladie. Dans ce cas, le délai de prévenance court normalement.

Travail pendant l’arrêt maladie et gestion des dossiers

Le principe est clair : pendant l’arrêt maladie, le collaborateur libéral ne doit pas traiter les dossiers du cabinet ni ses dossiers personnels. Le cabinet ne peut pas exiger la poursuite de l’activité.

Le collaborateur doit néanmoins, dans la mesure du possible, faciliter la transmission des informations nécessaires à la continuité des dossiers, dans un esprit de loyauté et de bonne organisation.

La suppléance pour les dossiers personnels

Lorsque l’arrêt maladie empêche l’avocat de gérer ses dossiers personnels, la suppléance constitue le mécanisme de sécurisation approprié.

Elle permet d’assurer la continuité du service rendu aux clients sans contraindre l’avocat malade à travailler sous arrêt. La suppléance est organisée dans le cadre ordinal, au profit d’un avocat du même barreau, et pour une durée strictement encadrée.

Lecture synthétique du calendrier d’indemnisation

Pendant deux mois maximum par année civile, le collaborateur bénéficie du maintien de sa rétrocession, sous déduction des indemnités journalières éventuellement perçues pour la même période.

Pendant la franchise maladie de trente jours applicable au régime AON du Barreau de Paris, aucune indemnité journalière n’est versée, ce qui rend le maintien RIN déterminant.

À l’issue de la franchise et jusqu’au 90e jour d’arrêt, des indemnités journalières sont versées par le régime de prévoyance du barreau.

À compter du 91e jour et jusqu’au 1 095e jour, la CNBF assure la prise en charge, dans les conditions prévues par les textes.

À retenir

Le RIN institue une protection claire et structurée : deux mois maximum de maintien de la rétrocession par année civile, sous déduction des indemnités journalières.

Les guides professionnels précisent la mise en œuvre pratique : facturation habituelle, plafonnement annuel, gestion des arrêts à cheval sur deux années, articulation avec la prévoyance et délais de déclaration.

En cas de difficulté, de désaccord avec le cabinet ou d’arrêt prolongé, un accompagnement juridique personnalisé est vivement recommandé.

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