Ary Abittan a-t-il été “innocenté” par la justice ?

D’abord, un bref rappel chronologique.

La plaignante a déposé plainte le 31 octobre 2021 contre Ary Abittan pour des faits de viol. Une information judiciaire a alors été ouverte et le juge d’instruction saisi a mis en examen Ary Abittan pour viol, estimant qu’il existait à ce moment-là des indices graves ou concordants laissant penser qu’il avait commis l’infraction reprochée.

En juillet 2023, le juge d’instruction a procédé à une « démise en examen » en plaçant Ary Abittan sous le statut de témoin assisté, estimant qu’il n’y avait plus assez d’éléments à charge concordants pour justifier un statut de mis en examen.

Dans la logique de cette démise en examen, le juge d’instruction a ensuite rendu une ordonnance de non-lieu au bénéfice d’Ary Abittan, confirmée par la cour d’appel en janvier 2025.

De cette décision de non-lieu, un débat est né dans l’espace public :

  • d’un côté, certains médias présentent Ary Abittan comme « innocenté » par la justice ;
  • de l’autre, plusieurs associations féministes – dont certaines ont choisi de perturber ses spectacles – rappellent qu’un non-lieu « n’est pas un acquittement » et qu’il n’a donc pas été innocenté.

Qui a raison ? Qui a tort ? Et surtout : que dit le droit ?

Ce qu’est, en droit, un non-lieu

Le non-lieu est une décision prévue à l’article 177 du code de procédure pénale. Il est pris exclusivement par le juge d’instruction, à l’issue de l’enquête qu’il a menée, lorsque celui-ci constate qu’il n’existe aucun motif légal de renvoyer la personne devant un tribunal.

Le non-lieu peut être prononcé lorsque :
– les faits ne constituent pas une infraction ;
– l’auteur est inconnu ;
– l’auteur est pénalement irresponsable ;
– ou qu’il n’existe pas de charges suffisantes contre le mis en examen.

Le non-lieu ne proclame jamais l’innocence. Il signifie seulement qu’il n’y a pas assez d’éléments pour juger et condamner. En réalité, le non-lieu revient à constater qu’un procès n’aurait aucune chance sérieuse d’aboutir à une condamnation. Si un procès s’était tout de même tenu, le mis en cause aurait très probablement été relaxé ou acquitté.

Pourquoi le non-lieu n’“innocente” jamais

Mais si le non-lieu ne « reconnaît » pas l’innocence, ce n’est pas parce que la personne serait un peu coupable : c’est précisément l’inverse. En droit français, la personne poursuivie est restée innocente tout au long de la procédure, en vertu de l’article préliminaire du code de procédure pénale. Est innocent celui qui n’a pas été condamné par une décision pénale définitive.

Aucun juge ou tribunal ne peut « déclarer » une personne innocente : on ne déclare pas ce qui est déjà acquis en droit. Un tribunal pénal ne prend qu’une seule décision : l’intéressé est-il coupable ou non coupable des faits reprochés ? Jamais un verdict d’innocence.

C’est pourquoi ceux qui répètent qu’« un non-lieu, ce n’est pas une relaxe ou un acquittement » ont à la fois raison et tort.

Ils ont raison, parce que la relaxe (devant un tribunal correctionnel) et l’acquittement (devant une cour d’assises) supposent qu’un procès se tienne, ce qui n’est pas le cas en matière de non-lieu : le juge d’instruction a précisément estimé qu’un tel procès n’aboutirait pas à une condamnation.

Ils ont tort s’ils en déduisent qu’une relaxe ou un acquittement « innocenteraient » la personne poursuivie : eux non plus ne proclament jamais l’innocence, ils se bornent à dire que l’accusé est coupable ou non coupable des faits reprochés.

En résumé :

  • Oui, Ary Abittan est innocent des faits reprochés, comme tout individu qui n’a pas été condamné par une décision pénale définitive ;
  • Non, Ary Abittan n’a pas été « innocenté » par la justice : mais cela n’a rien de spécifique à son cas, c’est simplement parce que la justice n’innocente jamais personne, elle peut au mieux le déclarer non coupable ;
  • Ary Abittan n’a même pas pu être déclaré non coupable, parce que le juge d’instruction, confirmé par la cour d’appel, a estimé qu’un procès n’aurait aucune chance sérieuse d’aboutir à une condamnation, ce qui retirait tout sens à la tenue même d’un procès.

Le non-lieu ne blanchit pas ce qui était douteux ; il constate que la culpabilité ne pouvait pas être démontrée, et que la présomption d’innocence n’avait, en réalité, jamais cessé de jouer.

Et pour tout comprendre aux différents termes du droit pénal, c’est ici :

Mis en examen, non-lieu, condamné, classement, relaxé : quelle différence ?

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