Comment supprimer une fiche Google My Business ?

Peut-on faire disparaître une fiche Google My Business créée sans son accord ?

La réponse est désormais oui : le droit à l’effacement prévu par le RGPD s’applique pleinement aux fiches professionnelles Google, même lorsqu’elles contiennent des données d’ordre purement professionnel.

Une décision récente de la cour d’appel de Chambéry (22 mai 2025, n° 22/01814) l’a confirmé en ordonnant la suppression d’une fiche dentaire publiée sans le consentement de la praticienne.

Mais au-delà de ce cas précis, cette décision consacre un principe général : un professionnel dispose d’un droit à la suppression de sa fiche Google lorsque le traitement de ses données ne repose sur aucun fondement licite.

CA Chambéry, 2e ch., 22 mai 2025, n° 22/01814. Lire en ligne : https://www.doctrine.fr/d/CA/Chambery/2025/CAP0FD04F2BE2F0C7EC1A57

Le RGPD s’applique aussi aux données professionnelles

Le Règlement général sur la protection des données (RGPD) protège toute donnée relative à une personne physique identifiée ou identifiable, qu’elle soit traitée dans un cadre privé ou professionnel.
Un nom, une adresse de cabinet, un numéro de téléphone professionnel ou même une spécialité constituent donc des données à caractère personnel.

Google ne peut pas prétendre que ces informations seraient “publiques” parce qu’elles figurent sur un annuaire : leur réutilisation pour créer automatiquement une fiche d’établissement relève d’un traitement de données soumis au RGPD, avec toutes les obligations que cela implique.

L’obligation d’informer la personne concernée

Lorsqu’un responsable de traitement recueille des données indirectement, c’est-à-dire auprès de tiers, il doit informer la personne concernée dans un délai d’un mois (art. 14 RGPD).
Cette information doit mentionner les finalités du traitement, la base juridique invoquée, les destinataires éventuels des données et les droits de la personne concernée.

Google ne respecte pas cette exigence.
Les fiches sont créées automatiquement, sans notification ni consentement, ce qui constitue déjà une violation du RGPD.
L’entreprise ne peut pas davantage se retrancher derrière la difficulté technique d’informer des millions de personnes : cette charge résulte de son propre choix de fonctionnement, et ne saurait justifier l’absence d’information.

L’intérêt légitime de Google ne suffit pas

Pour légitimer ces traitements, Google invoque en général son “intérêt légitime” : permettre aux internautes de s’informer sur les professionnels, et offrir un espace d’expression pour les avis.

Mais cet intérêt ne peut être retenu que s’il ne crée pas de déséquilibre au détriment de la personne concernée (art. 6 § 1 f RGPD).
Or, la publication de fiches non sollicitées crée précisément un tel déséquilibre :

  • le professionnel ne peut ni vérifier la provenance des avis ni les modérer ;
  • il ne peut y répondre qu’en créant un compte Google, c’est-à-dire en adhérant à un service commercial non désiré ;
  • les avis sont anonymes et non vérifiés, souvent hostiles, et peuvent révéler des données sensibles (par exemple dans le domaine médical) ;
  • enfin, la suppression d’un avis nécessite une démarche a posteriori, contraire au principe de minimisation et de contrôle préalable du RGPD.

L’“intérêt légitime” de Google se trouve donc écarté : le traitement des données professionnelles sans consentement constitue une atteinte injustifiée aux droits de la personne.

Le droit à l’effacement des données

Le droit à l’effacement (art. 17 RGPD) permet à toute personne de demander la suppression de ses données lorsque le traitement est illicite ou ne repose sur aucune base légale valable.
Ce droit s’applique pleinement aux fiches d’établissement créées sans accord.

Google tente parfois de s’y opposer au nom de la liberté d’expression et du droit à l’information du public.
Mais cette exception est strictement encadrée : encore faut-il que les contenus en cause relèvent effectivement de la liberté d’expression.

Or, les avis anonymes, non vérifiés et souvent invérifiables ne participent pas à un débat d’intérêt général.
Ils relèvent d’une logique commerciale — celle d’un service incitant les professionnels à “revendiquer” leur fiche pour la contrôler.
Cette dimension commerciale a d’ailleurs été expressément relevée par la cour d’appel de Chambéry : Google tire profit de la création de ces fiches via ses services payants (comme Google Ads).

Dans ce contexte, le droit à la suppression prime sur la prétendue liberté d’expression des utilisateurs.

Comment exercer concrètement ce droit à la suppression

Le professionnel qui souhaite faire supprimer une fiche non autorisée peut agir en plusieurs étapes :

  1. Demande directe à Google via le formulaire “Droit à la suppression de données personnelles” disponible sur support.google.com/legal.
    Il convient d’invoquer l’article 17 du RGPD, en précisant que la fiche a été créée sans consentement et sans base légale valable.
  2. Saisine de la CNIL, en cas de non-réponse ou de refus. La CNIL peut intervenir directement auprès de Google Ireland (responsable de traitement pour l’Europe).
  3. Recours judiciaire, devant le tribunal judiciaire compétent, pour obtenir la suppression de la fiche et des dommages et intérêts en cas de préjudice.

La décision de la cour d’appel de Chambéry démontre l’efficacité de cette voie : Google a été condamné à supprimer la fiche, à verser 10 000 € de dommages et intérêts et 20 000 € (1ère instance) et 20 000 € (appel) au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Une évolution significative du droit numérique

Le RGPD s’impose ainsi comme un outil de régulation concret de l’e-réputation.
Là où les fondements du droit civil — dénigrement ou parasitisme — échouent souvent faute d’intention fautive ou de préjudice démontrable, le RGPD offre un terrain objectif : celui de la licéité du traitement.

Le parasitisme suppose une appropriation d’une valeur économique ; le dénigrement exige un contenu manifestement illicite.
Ici, aucun des deux ne pouvait être retenu.
Mais l’atteinte au droit fondamental à la protection des données suffisait à justifier la suppression de la fiche.

En résumé

La suppression d’une fiche Google My Business est désormais possible :

  • le RGPD s’applique même aux données professionnelles ;
  • le consentement ou une base légale claire est nécessaire ;
  • l’intérêt légitime de Google ne peut justifier un traitement déséquilibré ;
  • le droit à l’effacement permet d’obtenir la suppression et, le cas échéant, des dommages et intérêts.

Le professionnel n’est donc plus démuni face à la création automatique de fiches d’établissement.
Le droit des données personnelles s’impose comme la voie la plus efficace pour reprendre le contrôle de son image numérique.

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