Le rapport en l’état de l’expertise judiciaire

Art. 11, al. 1er. – « Les parties sont tenues d’apporter leur concours aux mesures d’instruction sauf au juge à tirer toute conséquence d’une sanction d’un refus. »
Art. 275, al. 2. – « La juridiction de jugement peut tirer toutes conséquences de droit du défaut de communication des documents à l’expert. »
Art. 280, al. 2. – « À défaut de consignation dans le délai et selon les modalités fixées par le juge, et sauf prorogation de ce délai, l’expert dépose son rapport en l’état. »

Le « rapport en l’état », aussi appelé « rapport en l’état de ses investigations » signifie que le rapport de l’expert est rendu en l’état de ses investigations.

Elle est utilisée pour caractériser les hypothèses dans lesquelles l’expert n’a pu mener à bien la totalité de ses opérations et déposer un rapport complet. Cela concerne en général la situation où le demandeur se désintéresse de l’expertise qu’il a sollicitée, le plus souvent en ne versant pas la provision complémentaire nécessaire à la poursuite des investigations et/ou en refusant de communiquer des pièces. Mais d’autres hypothèses sont envisageables.

Le dépôt d’un rapport en l’état par l’expert ne le dispense pas de le rédiger le plus correctement possible en répondant chaque fois qu’il est possible aux chefs de mission et en expliquant les raisons pour lesquelles il n’a pu la mener à bien. À titre d’exemple, l’expert peut être en mesure de répondre à la question de savoir si des dommages proviennent d’une catastrophe naturelle et non d’une autre cause, sans pour autant pouvoir poursuivre sa mission d’évaluation des réparations en raison du coût élevé des investigations à effectuer. Le juge pourra alors déclarer que l’assureur doit sa garantie et allouer une provision permettant d’ordonner un complément d’expertise.

Si le rapport en l’état est toujours difficilement exploitable, il n’en demeure pas moins qu’il peut servir de support à la décision du juge lorsqu’il contient suffisamment d’éléments d’appréciation sur les faits objets de l’expertise. C’est ainsi qu’un rapport en l’état, qui n’a pas été retenu comme valant rapport d’expertise judiciaire, peut être utilisé à titre de renseignement, les éléments fournis par l’expert, qui avaient pu être discutés contradictoirement, étant corroborés par d’autres éléments du dossier (Cass. 1re civ., 21 oct. 2015, n° 14-25.145.).

Il se peut aussi que le rapport en l’état conduise, faute d’investigations complètes, à un débouté des prétentions du demandeur (Cass. 1re civ., 7 févr. 1989, n° 87-14.810).

Mais, sur le fondement de l’article 11, le juge peut être conduit à sanctionner la partie qui a refusé de collaborer à la mesure d’instruction. C’est ainsi qu’une caisse d’assurance maladie qui refuse de communiquer à l’expert les pièces nécessaires à l’accomplissement de sa mission, l’obligeant à rendre un rapport de carence, est tenue de prendre en charge au titre de la législation professionnelle les conséquences d’un accident survenu à un salarié (Cass. 2e civ., 6 oct. 2005, n° 03-20.094). Solution identique pour une caisse qui « n’a pas participé loyalement à la mesure d’instruction comme elle en avait l’obligation » (Cass. 1re civ., 21 oct. 2015, n° 14-25.145).

Nota : la fixation d’un délai pour consigner, à titre initial ou complémentaire étant obligatoire, son omission ne permet pas d’inviter l’expert à déposer son rapport en l’état (Cass. 2e civ., 20 mai 2021, n° 20-14.017).

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *