Bruits et troubles de voisinage : que dit la loi ?

La loi du 15 avril 2024 a inséré dans le Code civil, au sein des dispositions relatives à la responsabilité extracontractuelle, un chapitre consacré aux troubles anormaux de voisinage.
L’article 1253 y consacre le principe dégagé depuis longtemps par la jurisprudence, selon lequel « nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage » (Cass. 2e civ., 19 nov. 1986, n° 84-16.379 ; v. également Cass. 3e civ., 7 déc. 2023, n° 22-22.137).

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Caractéristiques générales

La théorie du trouble anormal de voisinage est une création jurisprudentielle ancienne, fondée sur un principe affirmé à plusieurs reprises par la Cour de cassation selon lequel « nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage » (Cass. 2e civ., 19 nov. 1986, n° 84-16.379 ; Cass. 2e civ., 28 juin 1995, n° 93-12.681 ; Cass. 3e civ., 18 juin 2013, n° 12-10.249 ; Cass. 3e civ., 29 oct. 2015, n° 14-11.647 ; Cass. 3e civ., 3 mars 2016, n° 14-14.534 ; Cass. 3e civ., 7 sept. 2017, n° 16-18.158).
Elle vient ainsi limiter le droit du propriétaire, consacré par l’article 544 du Code civil, de jouir et disposer de ses biens « de la manière la plus absolue » (Cass. 2e civ., 23 oct. 2003, n° 02-16.303).
Invocable devant le juge judiciaire, elle permet d’engager la responsabilité civile de l’auteur du trouble, même en l’absence de faute, dès lors que les nuisances générées dépassent le seuil de tolérance normalement admissible dans les rapports de voisinage.

S’il n’existe pas de spécificité propre au droit de l’environnement, l’évolution de la jurisprudence montre qu’il s’agit d’un domaine où cette théorie trouve particulièrement matière à s’appliquer.
Le juge appréhende en effet l’environnement dans une acception large, incluant les nuisances olfactives, sonores, visuelles ou esthétiques (Cass. 3e civ., 9 mai 2001, n° 99-16.260).
De même, la Cour de cassation a déjà jugé à plusieurs reprises que la transformation de l’environnement peut, sous certaines conditions, constituer un trouble anormal de voisinage (Cass. 3e civ., 12 févr. 1992, n° 89-19.297 ; Cass. 2e civ., 29 nov. 1995, n° 93-18.036).

La théorie du trouble anormal de voisinage a parfois été retenue en présence d’un simple risque de dommage (Cass. 3e civ., 10 déc. 2014, n° 12-26.361 ; Cass. 2e civ., 24 févr. 2005, n° 04/10362 ; CA Versailles, 4 févr. 2009, n° 08/08775 ; CA Versailles, 15 déc. 2011, n° 10/044495 ; Cass. 3e civ., 24 avr. 2013, n° 10-28.344 ; Cass. 3e civ., 10 déc. 2014, n° 12-26.361), même si, en principe, l’action en responsabilité vise à réparer un dommage certain (CA Lyon, 3 févr. 2011, n° 09/06433) présentant un lien de causalité direct avec le trouble allégué (Cass. 3e civ., 18 mai 2011, n° 10-17.645).

En outre, l’action fondée sur le trouble anormal de voisinage peut être dirigée contre toute personne dont la mission ou les travaux sont en lien direct avec le trouble subi, qu’il s’agisse des constructeurs ou des concepteurs (Cass. 3e civ., 9 févr. 2011, n° 09/71570 et n° 09/72494, FS-P+B ; Cass. 3e civ., 28 avr. 2011, n° 10-14.516 et n° 10-14.517, FS-P+B ; Cass. 3e civ., 2 juin 2015, n° 14-11.149).
Les voisins occasionnels peuvent également voir leur responsabilité engagée, y compris pour des dommages survenus au-delà du chantier : la Cour de cassation a ainsi admis que des dommages causés par un engin sur le domaine public pouvaient être rattachés à l’activité de construction (Cass. 3e civ., 8 nov. 2018, n° 17-24.333).

La théorie du trouble anormal de voisinage tend désormais à dépasser la seule protection du droit de jouissance paisible de la propriété, pour consacrer plus largement le droit à une certaine qualité de vie.
Son champ d’application particulièrement large en fait un instrument souple et efficace, utilisable dans une grande variété de situations.

Une responsabilité sans faute

La responsabilité pour trouble anormal de voisinage est une responsabilité sans faute prouvée, autonome et distincte de la responsabilité extracontractuelle pour faute fondée, sur l’article 1240 du Code civil. Cette autonomie de la responsabilité pour trouble de voisinage n’exclut pas la possibilité pour la victime, en mesure de prouver une faute, d’agir sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle du droit commun (par exemple, lorsque les conditions de l’action fondée sur la théorie des troubles de voisinage ne sont pas remplies de manière évidente).

Les critères du trouble anormal

Les 4 critères

Le principe d’une responsabilité sans faute, dégagé par la Cour de cassation, est maintenu dans la loi.

Quatre critères doivent être satisfaits :

  1. l’existence d’une relation de voisinage,
  2. d’un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage,
  3. d’un préjudice 
  4. et d’un lien de causalité.

La charge de la preuve pèse sur le voisin se prétendant victime.

La faute : pas un critère

C’est une responsabilité sans faute. Il n’est donc nullement nécessaire de démontrer l’existence d’une faute ou d’une négligence de la part de l’auteur du trouble. La seule preuve du caractère « anormal » de ce dernier suffit à engager la responsabilité de son auteur, soit un dommage qui excède la mesure habituelle inhérente au voisinage (Cass. 3e civ., 24 oct. 1990, n° 88-19.333).

L’anormalité du trouble

L’anormalité du trouble constitue le critère le plus délicat à caractériser. En pratique, les juges procèdent à une appréciation concrète, tenant compte de l’ensemble des circonstances propres à chaque espèce : nature du trouble, localisation, intensité et fréquence.

L’action fondée sur le trouble anormal de voisinage n’est recevable que si les nuisances subies excèdent les inconvénients normaux de voisinage (Cass. 3e civ., 27 juin 1973, n° 72-12.844).

Cette anormalité est appréciée objectivement par les juges du fond. Ainsi, l’âge, l’état de santé ou la sensibilité particulière au bruit de celui qui s’en plaint ne peuvent être pris en compte pour caractériser l’anormalité d’une nuisance sonore (CA Paris, pôle 4, ch. 2, 20 janv. 2016, n° 14/14691).
L’appréciation demeure néanmoins in concreto et relève du pouvoir souverain des juges du fond, qui retiennent divers critères jurisprudentiels pour apprécier l’existence d’un trouble anormal :

l’intensité de la nuisance ;
la durée : la nuisance est-elle permanente, temporaire ou répétitive ? ;
le moment de la survenance : intervient-elle de jour, de nuit, en période estivale ? ;
la localisation et l’environnement : le lieu où la nuisance se manifeste peut la rendre normale dans un contexte et anormale dans un autre.

Ainsi, en zone rurale, une certaine tolérance s’impose à l’égard des bruits d’animaux, tels que le chant du coq (TI Altkirch, 28 juin 2007, n° 77-05-000296 ; CA Riom, 7 sept. 1995 : D. 1996, somm. p. 59, obs. Robert) ou les nuisances émanant d’exploitations agricoles (Cass. 2e civ., 19 mars 1997, n° 95-15.922).
De même, une restriction d’ensoleillement ou de vue, dans un tissu urbain dense, résultant de l’évolution prévisible de l’urbanisation, ne saurait être jugée anormale (CA Limoges, 4 déc. 2013, n° 12/01510).

Enfin, le bruit inhérent à un immeuble ancien à usage d’habitation, insuffisamment isolé, peut constituer une nuisance considérée comme normale dans un tel environnement (CA Paris, 8 avr. 2015, n° 13-18.574).

L’existence d’une relation de voisinage

Elle bénéficie au propriétaire du fonds troublé même s’il ne réside pas sur son fonds (Cass. 2e civ., 28 juin 1995, n° 93-12.681) ou à tout occupant, quel que soit son titre (Cass. 2e civ., 17 mars 2005, n° 04-11.279).

Les auteurs du trouble : qui peut être poursuivi ?

Le nouvel article 1253 du Code civil énumère les auteurs de trouble dont la responsabilité peut être engagée :
– le propriétaire,
– le locataire,
– l’occupant sans titre,
– le bénéficiaire d’un titre ayant pour objet principal de l’autoriser à occuper ou à exploiter un fonds,
– le maître d’ouvrage ou celui qui en exerce les pouvoirs.

Même si la loi ne le précise pas, la lecture des travaux parlementaires laisse penser que cette liste est exhaustive (Rapport AN no 1912 p. 21).
Ainsi, ne devrait plus pouvoir être engagée sur ce fondement la responsabilité des constructeurs ou entrepreneurs qui réalisent des travaux dans le bâtiment à l’origine des nuisances, consacrée par la jurisprudence au travers de la notion de « voisin occasionnel » (Cass. 3e civ., 22 juin 2005, no 03-20.068 FS-PBRI : Bull. civ. III no 136).

En cas de faute de ces derniers, leur responsabilité pourra toutefois être mise en œuvre sur le fondement du droit commun de la responsabilité (Rapport AN no 1912 du 22-11-2023 p. 21 ; Rapport Sén. no 388 du 6-3-2024 p. 22).

Les moyens de défense : théorie de la pré-occupation et du reproche légitime

L’ancien droit

Le droit positif prévoyait jusqu’à présent une exception à la possibilité de demander l’indemnisation d’un préjudice lié à un trouble anormal de voisinage lorsque les nuisances résultaient d’une activité agricole, industrielle, artisanale, commerciale, touristique, culturelle ou aéronautique préexistante à l’installation du voisin s’en plaignant, dès lors que l’activité en question s’exerçait en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur et s’était poursuivie dans les mêmes conditions (CCH art. L 113-8).

Outre un moyen de défense fondé sur la « normalité » de l’inconvénient subi, le défendeur pourra, le cas échéant, se prévaloir de la théorie de la préoccupation. Prévue à l’article L. 113-8 du Code de la construction et de l’habitation (CCH, ancien art. L. 112-16), elle est en effet fréquemment retenue par les tribunaux en matière de trouble anormal de voisinage, car elle interdit à tout individu de réclamer réparation du préjudice résultant du fonctionnement d’une activité installée antérieurement à sa propre installation, dès lors que l’activité s’effectue conformément à la réglementation et qu’elle n’a pas été modifiée depuis.

Trois conditions cumulatives sont donc nécessaires pour l’application de cet article :

  • présence de l’activité à l’origine du trouble antérieure à l’installation de la victime sur les lieux ;
  • exercice de l’activité dans le respect des réglementations en vigueur ;
  • exercice de l’activité dans des conditions identiques à celles ayant cours au moment de l’installation de la victime.

L’auteur du trouble pourra également dégager sa responsabilité si celui qui invoque le trouble de voisinage reproche à son voisin ce que lui-même fait chez lui. La Cour de cassation considère qu’une partie ne peut invoquer un trouble de voisinage dans ces conditions (Cass. 3e civ., 17 janv. 2019, n° 17-27.670). En outre, la Cour de cassation a récemment rappelé que la responsabilité pour trouble anormal de voisinage ne peut être étendue au cas de communication d’un incendie entre immeubles voisins, lequel est régi par les dispositions de l’article 1242 alinéa 2 du Code civil (Cass. 2e civ., 7 févr. 2019, n° 18-10.727).

Le nouveau droit en vigueur

Abrogeant l’article L 113-8, la loi nouvelle pose à son tour des limites à la responsabilité de plein droit de l’auteur du trouble de voisinage. Ainsi, ce dernier peut s’exonérer en prouvant que l’activité litigieuse satisfait trois critères cumulatifs :

  1. elle est antérieure à l’installation du demandeur, le nouveau texte précisant que l’installation s’entend de l’acte transférant la propriété ou octroyant la jouissance du bien ou, à défaut d’acte, à la date d’entrée en possession du bien par la personne lésée ;
  2. elle est conforme aux lois et règlements en vigueur ;
  3. elle s’est poursuivie dans les mêmes conditions ou dans des conditions n’étant pas à l’origine d’une aggravation du trouble anormal.

Le législateur a donc élargi le champ d’application de l’exemption, qui s’applique à présent à toutes les activités, quelle qu’en soit la nature, et notamment qu’elle revête ou non un caractère « économique ». S’agissant des autres critères, la loi nouvelle ne devrait pas apporter de bouleversement.

La spécificité pour les activités agricoles

En réponse aux préoccupations des agriculteurs, un régime spécifique aux activités agricoles a été consacré au nouvel article L 311-1-1 du Code rural et de la pêche maritime. Ainsi, les agriculteurs qui remplissent les deux premiers critères d’exemption (antériorité et conformité aux lois et règlements) sont exonérés de toute responsabilité pour trouble anormal de voisinage lorsque la modification de leur activité résulte de la mise en conformité de cette activité aux lois et aux règlements ; de même, en présence d’une modification de la nature ou de l’intensité de l’activité, l’agriculteur peut se prévaloir de la cause exonératoire d’antériorité si cette modification n’est pas substantielle. En l’absence de précision légale, l’appréciation du caractère substantiel des modifications relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges.

Mon avis personnel

D’application relativement souple, la théorie du trouble anormal de voisinage constitue aujourd’hui une voie d’action privilégiée en matière de protection de l’environnement.
Les juridictions, soucieuses de garantir une certaine qualité de vie, tendent en effet à assimiler les atteintes environnementales à des troubles de voisinage, contribuant ainsi à la préservation de l’équilibre environnemental — sauf lorsque la théorie de la préoccupation trouve à s’appliquer ou que l’atteinte demeure dans les limites des inconvénients normaux.

Exemple :
Il est possible d’agir non seulement contre un particulier, mais également contre l’exploitant d’une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE), dès lors que cette activité génère des nuisances — le plus souvent olfactives ou sonores —, et ce même lorsqu’elle fonctionne dans le respect des prescriptions administratives.
La compétence du préfet en matière d’ICPE ne fait pas obstacle à ce que la responsabilité civile de l’exploitant soit engagée devant le juge judiciaire, dès lors que son activité provoque des troubles excédant les inconvénients normaux du voisinage (Cass. 1re civ., 15 mai 2001, n° 99-20.339 ; Cass. 1re civ., 13 juill. 2004, n° 02-15.176).

À ce titre, le juge judiciaire considère régulièrement que les nuisances sonores émises par un parc éolien peuvent constituer des troubles anormaux du voisinage, ouvrant droit à indemnisation (CA Toulouse, 8 juill. 2021, n° 20/01384), voire justifiant, dans les cas les plus graves, la démolition des éoliennes (TGI Montpellier, 4 févr. 2020, n° 06/05229).

Remarque :
En présence de troubles causés par une ICPE, il est recommandé aux victimes de saisir simultanément le juge judiciaire — afin d’obtenir réparation du préjudice subi — et l’autorité préfectorale, pour solliciter la modification des conditions de fonctionnement de l’installation classée et faire cesser les nuisances.
En cas de refus du préfet, un recours devant le juge du plein contentieux des ICPE reste ouvert : celui-ci dispose de pouvoirs étendus lui permettant, le cas échéant, d’imposer lui-même les modifications nécessaires.

Fondements juridiques

  • C. civ., art. 544
  • CSP, art. R. 1336-4 à R. 1336-13 (bruits de voisinage)
  • CSP, art. R. 1337-6 à R. 1337-10-2 (bruit du voisinage)
  • CCH, art. L. 113-8 (nuisances dues à certaines activités)

Schéma procédural

Saisine du conciliateur de justice

Aux termes de l’article 750-1 CPC, la saisine du conciliateur est obligatoire.

Action en référé

  • assignation en référé devant le président du tribunal judiciaire signifiée à la partie adverse par voie d’huissier de justice ;
  • remise du second original de l’assignation au greffe de la juridiction ;
  • instruction de l’affaire au cours d’une procédure orale et contradictoire ;
  • ordonnance de référé ;
  • signification de l’ordonnance de référé.

Action au fond devant le tribunal judiciaire

  • assignation à comparaître signifiée à la partie adverse par acte d’huissier de justice ;
  • remise du second original de l’assignation au greffe du tribunal ;
  • constitution de l’avocat du défendeur ;
  • instruction ;
  • audience de plaidoirie ;
  • jugement ;
  • signification du jugement.

Préparation

Que souhaite le client ?

Dès la préparation du dossier, il convient de déterminer avec le client l’objectif de la démarche contentieuse : souhaite-t-il avant tout faire cesser le trouble, obtenir une indemnisation, ou les deux ?

Il faut également l’informer des procédures envisageables selon les circonstances de l’affaire :
l’action en référé, si l’urgence ou l’existence d’un trouble manifestement illicite le justifie ;
l’action au fond, lorsque l’objectif est d’obtenir la condamnation de l’auteur du trouble ou la réparation intégrale du préjudice.

Il peut être utile, en outre, de présenter au client les étapes de la procédure, les délais moyens, ainsi que les coûts et aléas propres à ce type de contentieux.

Remarque :
Le point essentiel à aborder avec le client concerne le caractère anormal du trouble. Son appréciation relève du pouvoir souverain du juge du fond, de sorte qu’il est indispensable de réunir un ensemble d’éléments factuels permettant d’en établir la réalité et l’intensité.
Il convient donc d’identifier, avec le client, toutes les preuves disponibles (constats d’huissier, témoignages, enregistrements, rapports techniques, échanges de courriels) et de prévoir, le cas échéant, les mesures complémentaires à solliciter (expertise, constat, mesures acoustiques, etc.).

Enfin, il faut examiner avec précision le préjudice invoqué, afin de vérifier qu’il réunit bien les caractères du préjudice indemnisable : certitude, lien de causalité direct et caractère personnel.

Contrôles préalables

Généralités

Avant tout, il convient d’identifier avec le client l’origine des nuisances, afin de déterminer la juridiction compétente :
– si elles proviennent d’un particulier ou d’une installation classée exploitée dans des conditions normales, la compétence revient au juge civil ;
– si elles trouvent leur origine dans un ouvrage public, la compétence appartient au juge administratif.

S’agissant du contentieux des antennes-relais, le juge judiciaire demeure compétent pour connaître des litiges opposant un opérateur de communications électroniques à des usagers ou à des tiers sollicitant la réparation des dommages causés par l’implantation ou le fonctionnement d’une antenne qui ne présente pas le caractère d’un ouvrage public.
Il peut également être saisi pour faire cesser les troubles anormaux de voisinage résultant d’une implantation irrégulière, d’un fonctionnement non conforme aux prescriptions administratives, ou encore de nuisances excédant les inconvénients normaux du voisinage — à l’exclusion toutefois des questions tenant à la protection de la santé publique ou aux brouillages préjudiciables relevant de la police spéciale des ondes (T. confl., 14 mai 2012, n° C 3844 P).

Le juge administratif, quant à lui, est seul compétent pour les demandes tendant au déplacement, à l’enlèvement d’une antenne ou à l’interruption de ses émissions, mesures relevant de cette police spéciale (CE, ass., 26 oct. 2011, n° 326492, Cne de Saint-Denis ; n° 329904, Cne des Pennes-Mirabeau ; n° 341767-341768, SFR).
Il a également été jugé que la qualité de personnes morales de droit privé des titulaires d’autorisations, qu’elles soient ou non chargées d’une mission de service public, ne modifie pas cette répartition des compétences (Cass. 1re civ., 10 déc. 2014, n° 13-25.692).

Lors de la préparation du dossier, il importe ensuite de vérifier avec le client plusieurs éléments déterminants pour l’engagement de la responsabilité pour trouble anormal de voisinage :
– les preuves du caractère anormal du trouble ;
– l’existence et l’étendue du préjudice ;
– la date d’installation du client par rapport à celle du début de l’activité génératrice de nuisances.

En cas de procédure en référé, il faudra s’assurer que la condition d’urgence est remplie ou qu’il existe un risque de dommage imminent, de façon à justifier des mesures conservatoires ou de cessation d’un trouble manifestement illicite.

Enfin, si le client souhaite obtenir une indemnisation, il conviendra de vérifier que le délai de prescription n’est pas expiré.

Délais pour agir/prescription

Principe général : prescription quinquennale

L’action pour trouble anormal de voisinage constitue non une action immobilière réelle mais une action en responsabilité civile extracontractuelle soumise à la prescription de cinq ans prévue à l’article 2224 du Code civil, issu de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 (Cass. 2e civ., 7 mars 2019, n° 18-10.074, F-D).
L’article 2224 du Code civil prévoit que :

« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »

La Cour de cassation a expressément jugé que cette action, fondée sur la théorie du trouble anormal de voisinage, « constitue une action en responsabilité extracontractuelle et non une action immobilière réelle » (Cass. 2e civ., 13 sept. 2018, n° 17-22.474).
Elle a également confirmé que le délai trentenaire n’était pas applicable et que seul l’article 2270-1 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008, l’était avant cette réforme.

En présence d’un trouble anormal de voisinage, la question du délai pour agir se pose rarement : dans la majorité des cas, l’action est introduite alors que le trouble persiste.
Toutefois, il arrive qu’une action en réparation soit engagée après la cessation du trouble ; dans ce cas, elle demeure soumise à la prescription quinquennale de droit commun prévue à l’article 2224 du Code civil.

Actions dirigées contre les constructeurs

Lorsque l’action est dirigée contre des constructeurs, elle est enfermée dans un délai de dix ans à compter de la réception des travaux (C. civ., art. 1792-4-3).
Pour autant, la Cour de cassation a rejeté l’application du délai de l’article 1792-4-3 à une action fondée sur le trouble anormal du voisinage, confirmant ainsi l’autonomie du régime de prescription propre à cette action (Cass. 3e civ., 16 janv. 2020, n° 16-24.352 ; Resp. civ. et assur. 2020, comm. 87, avis av. gén. Ph. Brun).

Point de départ du délai

Le point de départ du délai de prescription est fixé au jour où le titulaire du droit d’agir a eu connaissance du trouble, ou de l’aggravation du risque susceptible d’engendrer un trouble anormal de voisinage (Cass. 2e civ., 5 oct. 2017, n° 16-23.810 ; Cass. 3e civ., 1er févr. 2018, n° 16-26.085).
Il correspond donc au moment où le dommage s’est révélé à la victime, dès lors que celle-ci démontre qu’elle n’en avait pas eu auparavant connaissance (Cass. 3e civ., 6 avr. 2023, n° 22-12.928 ; Cass. 3e civ., 18 janv. 2005, n° 03-18.914).

Ainsi, le point de départ peut, dans certains cas, coïncider avec la date de publication d’une étude scientifique révélant l’existence ou l’ampleur du trouble.
La cour d’appel d’Aix-en-Provence a ainsi jugé que la publication d’une étude relative à la pollution atmosphérique constituait le point de départ de la prescription, le requérant n’ayant pas eu antérieurement conscience des dangers pour sa santé, bien qu’il sût que son habitation se trouvait à proximité d’installations classées (CA Aix-en-Provence, ch. 1-5, 13 juin 2024, n° 23/10427).

Plus largement, la jurisprudence considère que le délai court à compter de la découverte effective du trouble ou de la date à laquelle le demandeur aurait dû raisonnablement en avoir connaissance (CA Montpellier, 2e ch. civile, 12 janv. 2023, n° 21/06610).
Cette appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond.

Interruption du délai

Les causes ordinaires d’interruption de la prescription sont applicables à l’action pour trouble anormal de voisinage.
Ainsi, la reconnaissance du trouble par son auteur interrompt le délai de prescription, à condition qu’elle soit dépourvue d’ambiguïté (Cass. 3e civ., 7 janv. 2021, n° 19-23.262 ; Resp. civ. et assur. 2021, comm. 42).

L’impact d’une expertise sur la prescription

L’article 2241 du Code civil prévoit que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
L’article 2242 précise que l’interruption résultant d’une demande en justice produit ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance.

En présence d’une assignation en référé, le délai pour agir n’est interrompu que pendant la durée de l’instance à laquelle met fin l’ordonnance nommant un expert.
L’effet interruptif cesse donc au jour où le litige trouve sa solution : en cas de référé-expertise, à la date à laquelle l’ordonnance de référé est rendue (ex. : Civ. 3e, 25 mai 2011, n° 10-16.083).

L’effet interruptif de l’assignation s’épuise ainsi avec le prononcé de l’ordonnance de référé désignant l’expert (Civ. 3e, 5 janv. 2022, n° 20-22.670).
Cette ordonnance fait courir un nouveau délai de prescription identique au précédent, sans qu’il y ait lieu de déduire la période écoulée entre l’assignation en référé-expertise et la décision nommant l’expert dans la computation du délai de prescription (en ce sens : CA Orléans, ch. civile, 16 déc. 2019, n° RG 18/00450 ; CA Aix-en-Provence, ch. 1-4, 14 déc. 2023, n° RG 23/01265).

La prescription est toutefois suspendue lorsque le juge fait droit à une mesure d’instruction avant tout procès, conformément au premier alinéa de l’article 2239 du Code civil.
Un nouveau délai de cinq ans recommence à courir le lendemain du jour où la mesure d’instruction est exécutée, c’est-à-dire à la date du dépôt du rapport d’expertise (C. civ., art. 2231 et 2239).

En pratique, la chronologie se présente donc ainsi :

  • l’assignation en référé interrompt la prescription jusqu’à la date de l’ordonnance désignant l’expert ;
  • à compter de cette date, un nouveau délai de cinq ans débute ;
  • ce délai est aussitôt suspendu jusqu’au dépôt du rapport d’expertise ;
  • à cette dernière date, le délai recommence à courir intégralement.

Délai spécifique en matière environnementale

Il existe un délai de prescription particulier pour les obligations financières liées à la réparation des dommages causés à l’environnement par les installations, travaux, ouvrages et activités régis par le Code de l’environnement.
Initialement fixé à trente ans à compter du fait générateur du dommage, ce délai est, depuis 2016, de dix ans à compter du jour où le titulaire de l’action a connu ou aurait dû connaître la manifestation du dommage (C. envir., art. L. 152-1).

La jurisprudence à venir devra préciser si cet article peut servir de fondement à une action en responsabilité pour trouble anormal de voisinage.
Il conviendra donc, dans chaque situation, de déterminer au cas par cas le délai applicable, selon le fondement juridique retenu : articles 544 et 1240 du Code civil, ou article L. 152-1 du Code de l’environnement.

Articulation avec le délai de l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme

L’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme prévoit que le constructeur ne peut être condamné à des dommages et intérêts par un tribunal judiciaire que si, préalablement, le permis de construire a été annulé pour excès de pouvoir ou déclaré illégal par la juridiction administrative.
L’action en responsabilité civile doit alors être engagée au plus tard deux ans après l’achèvement des travaux.

Ce délai particulier n’est toutefois pas applicable à une action fondée sur la théorie du trouble anormal de voisinage (Cass. 3e civ., 20 juil. 1994, Bull. civ. III, n° 158 ; JCP 1994, I, 3809, obs. G. Viney ; Gaz. Pal. 23-24 déc. 1994, p. 20).
Il convient donc d’être particulièrement attentif au fondement juridique de l’action en responsabilité afin de ne pas confondre les régimes de délais applicables.

Pièces nécessaires

Il est nécessaire de réunir un certain nombre de pièces de manière à apporter :

  • la preuve du trouble : témoignage, procès-verbal, constat d’huissier, etc. ;
  • la preuve du préjudice : certificat médical, éléments comptables, attestation d’un refus d’achat ou de vente d’un produit ou d’un bien, dépréciation d’un bien, etc. ;
  • éventuellement, la preuve du non-respect des réglementations en vigueur de la part de l’exploitant de l’activité à l’origine des nuisances.

Phase précontentieuse

Bien qu’il n’y ait aucune phase précontentieuse prévue en matière de trouble anormal de voisinage, toute tentative de règlement amiable du litige (conciliation, médiation) peut être mise en œuvre avant de saisir le juge.

Il est ainsi possible de recourir à un « conciliateur » dont les conditions de nomination ont été fixées par le décret n° 78-381 du 20 mars 1978.

Remarque : Par ailleurs, si une première tentative de règlement amiable s’est révélée infructueuse, il peut être intéressant de conseiller au client de procéder à une mise en demeure dans la perspective d’une éventuelle allocation de dommages et intérêts décidée par un juge.

Compétence

Compétence matérielle

L’action en responsabilité pour trouble anormal de voisinage doit être présentée devant le tribunal judiciaire.

Compétence territoriale

En matière de trouble anormal de voisinage, le tribunal compétent est de façon classique celui du lieu de résidence du défendeur.

Attention : Toutefois, s’il apparaît que le trouble porte atteinte à la propriété en elle-même, une action réelle pourra être engagée, laquelle action se différencie d’une action engagée en raison d’un trouble à la personne (action personnelle en responsabilité civile). Une telle action impliquera alors l’application de l’article 44 du Code de procédure civile qui prévoit la compétence exclusive du tribunal du lieu où est situé l’immeuble en matière d’actions réelles immobilières.

Enfin, si l’on considère que le fondement textuel de l’action pour trouble anormal de voisinage, malgré son origine prétorienne, est l’article 1240 du Code civil, alors, il pourra être possible d’agir également devant le tribunal dans le ressort duquel le dommage a été subi (CPC, art. 46).

Parties

Le trouble anormal de voisinage constituant un différend entre particuliers, les parties au litige sont, d’une part, la personne qui subit le trouble (demanderesse) et, d’autre part, celle ou celles qui en sont directement à l’origine (défenderesse).

Un syndicat de copropriétaires peut agir contre un copropriétaire sur le fondement du trouble anormal de voisinage.
La responsabilité est alors engagée de plein droit à l’encontre de l’actuel propriétaire du lot, même s’il n’est pas personnellement l’auteur du trouble (Cass. 3e civ., 11 mai 2017, n° 16-14.665 ; Cass. 3e civ., 11 mai 2017, n° 16-14.339).
Inversement, le syndicat des copropriétaires peut voir sa propre responsabilité engagée envers des tiers lorsque les troubles proviennent de travaux réalisés sous sa maîtrise d’ouvrage (Cass. 3e civ., 11 mai 2000, n° 98-18.249).

Rédaction de l’acte de saisine

L’instance est introduite par le biais d’une assignation, signifiée à la partie adverse par l’intermédiaire d’un huissier. Les mentions obligatoires sont précisées aux articles 54, 56, 752 et 753 du Code de procédure civile. L’assignation seule ne suffit cependant pas à saisir le tribunal. Il faut, en effet, remettre au greffe une copie de l’assignation, au moins 15 jours avant la date de l’audience (CPC, art. 754).

L’instance peut également être introduite par requête lorsque le montant des demandes n’excède pas 5 000 €. Les mentions obligatoires sont précisées aux articles 54, 57 et 757 du Code de procédure civile. Le tribunal est saisi par la remise au greffe de la requête (CPC, art. 756).

Décision

Forme et contenu de la décision

À l’issue de la procédure en référé, le tribunal rend une ordonnance qui peut imposer à l’auteur du trouble d’y mettre un terme en attendant la décision au fond. Le juge des référés peut également condamner l’auteur du trouble à verser au demandeur des dommages et intérêts à titre de provision.

Le juge du fond rend, quant à lui, un jugement dans lequel il peut enjoindre à l’auteur du trouble d’y mettre un terme et, selon les cas, lui infliger des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par le demandeur.

Caractères et effets de la décision

La décision du juge du fond est revêtue de l’autorité de la chose jugée, ce qui n’est pas le cas d’une ordonnance de référé. Dans tous les cas, les parties restent tenues de s’y conformer. En application du droit commun, la partie qui a interjeté appel n’a pas à exécuter la condamnation la concernant, à moins que l’exécution provisoire n’ait été ordonnée.

La procédure se termine normalement par le prononcé du jugement.

La décision du juge peut être contestée en appel selon les modalités du droit commun. Cependant, si l’exécution provisoire a été ordonnée, il convient de noter que l’appel ne suspend pas dans ce cas ladite exécution.

Checklist

  • rassembler les éléments de preuve de l’anormalité du trouble ;
  • rassembler les éléments de preuve de l’existence du préjudice ;
  • vérifier la date de survenance du trouble par rapport à celle de l’installation du client ;
  • vérifier le fondement textuel (C. civ., art. 544 et 1240. – C. envir., art. L. 152-1) qui sera choisi pour déterminer ensuite le tribunal territorialement compétent et le délai pour agir.

Le syndicat des copropriétaires et l’action pour trouble anormal de voisinage

Le syndicat des copropriétaires peut agir contre l’un de ses membres sur le fondement du trouble anormal de voisinage, sans être tenu de fonder son action sur la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété.

Dans une affaire relative à des infiltrations d’eau dans le parking d’une copropriété, provenant d’une terrasse appartenant à l’un des copropriétaires mal étanchéifiée, la cour d’appel d’Aix-en-Provence avait rejeté la demande du syndicat. Elle estimait que la responsabilité d’un copropriétaire ne pouvait être engagée que sur le fondement des dispositions de la loi du 10 juillet 1965 et non sur celui du régime jurisprudentiel des troubles anormaux de voisinage.

La Cour de cassation a censuré cette position, jugeant qu’un syndicat des copropriétaires peut agir à l’encontre d’un copropriétaire sur le fondement du trouble anormal de voisinage (Cass. 3e civ., 11 mai 2017, n° 16-14.339, FS-PBI, Syndicat des copropriétaires Le Vermeil c/ Sté de gestion d’Isola 2000).

Cette solution s’inscrit dans la ligne d’une jurisprudence constante selon laquelle le principe « nul ne doit causer à autrui un trouble de voisinage » s’applique à tous les occupants d’un immeuble en copropriété, quel que soit leur titre d’occupation (Cass. 2e civ., 17 mars 2005, n° 04-11.279, FS-PB).
Le syndicat des copropriétaires peut d’ailleurs être lui-même tenu responsable des troubles provenant des parties communes ou de travaux réalisés sous sa maîtrise d’ouvrage (Cass. 3e civ., 24 janv. 1973, n° 72-10.585 ; Cass. 3e civ., 12 févr. 1992, n° 89-19.297 ; Cass. 3e civ., 11 mai 2000, n° 98-18.249).
Inversement, il peut invoquer ce même principe pour agir en réparation contre un tiers à l’origine d’un trouble subi collectivement par les copropriétaires (Cass. 3e civ., 10 oct. 1984, n° 83-14.811 ; Cass. 3e civ., 6 mars 1991, n° 88-16.770 ; Cass. 3e civ., 12 oct. 1994, n° 92-17.284).
Il résulte de la décision du 11 mai 2017 qu’il en est de même lorsque l’auteur du trouble est lui-même copropriétaire.

Le syndicat peut certes agir sur le fondement de la loi du 10 juillet 1965 (notamment ses articles 9 et 15), mais l’intérêt du régime du trouble anormal de voisinage réside dans son caractère objectif : il n’exige pas la preuve d’une faute, seulement celle d’une nuisance excédant les inconvénients normaux du voisinage (Cass. 3e civ., 5 oct. 1994, n° 92-12.031).
Le respect des normes légales, réglementaires ou contractuelles — y compris du règlement de copropriété — n’exclut donc pas, à lui seul, la reconnaissance d’un trouble anormal de voisinage (Cass. 3e civ., 18 févr. 2009, n° 07-21.005).

Exemples jurisprudentiels

Quand la Centrale de Traitement de l’Air devient un cauchemar : responsabilité du syndicat de copropriétaires pour nuisances sonores (TJ Marseille, 18 sept. 2025)

Dans une affaire récente (Tribunal judiciaire de Marseille, 18 septembre 2025, n° 23/09815), un couple de copropriétaires a obtenu la condamnation de son syndicat de copropriétaires pour des nuisances sonores persistantes causées par la Centrale de Traitement de l’Air (CTA) située sur la terrasse technique de l’immeuble.
Le jugement, non définitif, ordonne la réalisation d’une étude réparatoire, la mise en œuvre de travaux correctifs et l’indemnisation des préjudices subis.

Le contexte factuel : des nuisances durables malgré les alertes

Les demandeurs, propriétaires d’un duplex sous la terrasse technique, avaient signalé dès 2020 un « ronronnement de moteur » continu provenant de la CTA.
Malgré plusieurs interventions ponctuelles du syndic, les nuisances persistaient.
Une expertise judiciaire fut ordonnée en référé ; son rapport confirma des niveaux sonores proches ou supérieurs aux seuils réglementaires, en raison de ventilateurs et de pompes défectueux.
Le couple assigna ensuite le syndicat de copropriétaires au fond, sollicitant la mise en œuvre des préconisations de l’expert et l’indemnisation de leurs préjudices.

Le principe de responsabilité sans faute pour trouble anormal de voisinage

Le tribunal a rappelé le fondement du trouble anormal de voisinage, aujourd’hui consacré à l’article 1253 du Code civil : nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage.
Il s’agit d’un régime de responsabilité objective, indépendant de toute faute.
Trois éléments suffisent : un rapport de voisinage, un trouble anormal et un lien de causalité avec le préjudice invoqué.

En l’espèce, le syndicat a été jugé responsable de plein droit, le bruit provenant d’une installation collective située sur les parties communes.
La conformité de cette installation aux normes acoustiques n’a pas suffi à l’exonérer : le juge rappelle que le respect des seuils réglementaires n’empêche pas la qualification de trouble anormal dès lors que l’intensité, la répétition ou la durée du bruit excèdent la tolérance normale.

Le rôle déterminant de l’expertise judiciaire

Le rapport d’expertise a permis d’établir :

  • le caractère continu et récurrent des nuisances, notamment nocturnes ;
  • leur origine mécanique ;
  • et la vétusté de l’installation.

Le juge a retenu un trouble grave, prolongé et objectivement anormal, persistant depuis plus de quatre ans malgré les alertes répétées adressées au syndic.
Il en a déduit un manquement durable du syndicat à son obligation d’entretien des parties communes.

Condamnations prononcées

Le tribunal a ordonné :

  • le remplacement des deux pompes et des quatre ventilateurs défectueux ;
  • la mise en place de supports acoustiques adaptés ;
  • un diagnostic complet des boîtes à ressort sous les aéroréfrigérants ;
  • puis une étude acoustique de réception après travaux, afin de vérifier la cessation du trouble.

Ces mesures sont assorties d’une astreinte de 150 € par jour de retard, reflet de l’ancienneté du litige et de la nécessité d’une exécution rapide.

Le syndicat a en outre été condamné à indemniser les copropriétaires :

  • 24 840 € pour le préjudice de jouissance, calculé sur la base de 15 % de la valeur locative sur 69 mois ;
  • 2 000 € pour préjudice moral (1 000 € chacun) ;
  • et 6 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
    Il supporte également les dépens, y compris les frais d’expertise.

Portée de la décision

Ce jugement illustre avec force que le respect des normes acoustiques ne protège pas l’auteur du trouble contre une action fondée sur le trouble anormal de voisinage.
Il confirme le rôle central de l’expertise judiciaire, instrument essentiel pour objectiver l’anormalité du trouble, établir le lien de causalité et calibrer les réparations à ordonner.
Enfin, il souligne la rigueur accrue à l’égard des syndicats de copropriétaires, tenus de veiller à la jouissance paisible des lots et au bon entretien des installations collectives.

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