En droit des contrats, il n’est pas rare de voir les notions de nullité, caducité, résolution et résiliation utilisées de manière interchangeable. Pourtant, ces termes recouvrent des réalités juridiques bien distinctes, aux conséquences variées. Un contrat peut être annulé parce qu’il est entaché d’un vice, disparaître faute d’un élément essentiel, être rompu en raison de l’inexécution d’une partie ou simplement prendre fin pour l’avenir.
Comprendre ces différences est essentiel tant pour les praticiens du droit que pour toute personne engagée dans un contrat. Un vice au moment de la formation du contrat n’a pas les mêmes effets qu’une inexécution en cours d’exécution, et la manière dont le contrat prend fin peut avoir un impact sur les droits et obligations des parties.
Cet article propose d’explorer en détail ces quatre notions clés, d’analyser leur régime juridique et d’illustrer leurs conséquences pratiques.
Ce que j’en pense
Les distinctions entre ces différents termes sont très artificielles et sans réel fondement logique si bien qu’il est très courant que des personnes, pourtant éminemment brillantes comme le législateur et les juges, les confondent et les utilisent de manière alternative pour désigner finalement la même chose.
Il semblerait donc que ces distinctions subsistent surtout comme outil de sélection (et de torture parfois) des étudiants en droit et pour assouvir les fétichismes de certains chargés de TD un peu trop zélés.
Résolution et résiliation : aucune différence en pratique
Résiliation
Le terme « résiliation » est utilisé pour désigner deux situations
- D’une part, le terme « résiliation » est utilisé pour désigner une hypothèse particulière de résolution qui opère sans restitution (C. civ., art. 1229 ). Sous cet angle, la résiliation constitue l’espèce dont la résolution est le genre.
- D’autre part, la « résiliation » désigne l’hypothèse dans laquelle le contrat est rompu par la décision unilatérale de l’une des parties contractantes indépendamment de l’inexécution du contrat. Sous cet angle, la résiliation apparaît comme un mode de dissolution autonome par rapport à la résolution.
Le terme « résiliation » est utilisé :
- en cas d’anéantissement du contrat par le juge (C. civ., art. 285-1 ),
- dans les cas où l’une des parties décide de rompre unilatéralement le contrat (C. civ., art. 426 , 500 , 1780 , 1794 et 2423 ),
- en cas d’inexécution de l’obligation contractuelle (C. civ., art. 1622 , 1636 , 1638 , 1724 , 1729 , 1760 , 1766 et 1977 )
- et en cas de force majeure ou de cas fortuit (C. civ., art. 1722 ).
Résolution
D’un point de vue technique, la résolution désigne la dissolution du contrat en raison de l’inexécution d’une obligation contractuelle. Sous cet angle, la résolution se distingue des autres modes de dissolution du contrat par sa cause qui est l’inexécution contractuelle.
Le terme « résolution » est utilisé :
- en cas de cessation des effets d’une situation juridique extracontractuelle (C. civ., art. 352 , al. 2),
- en cas d’abus dans la fixation du prix dans le contrat (C. civ., art. 1164 ),
- dans le cas où les parties conviennent de mettre fin au contrat (C. civ., art. 1195 , al. 2), en cas d’inexécution de l’obligation contractuelle (C. civ., art. 1117 , 1225 à 1610 , 1642-1 , 1646-1 , 1654 , 1654 , 1656 , 1657 et 1658 ),
- en cas de force majeure qui empêche l’exécution de l’obligation (C. civ., art. 1118 )
- et en cas de danger de perte (C. civ., art. 1655 ).
La distinction originelle fondée sur le caractère rétroactif a disparu depuis la réforme
Jusqu’au 1er octobre 2016, résolution et résiliation étaient distinguées au regard de leur effet rétroactif, la Cour de cassation considérant que « si dans un contrat synallagmatique à exécution successive, la résiliation judiciaire n’opère que pour le temps où le contrat a été régulièrement exécuté, la résolution judiciaire pour absence d’exécution ou exécution imparfaite dès l’origine entraîne l’anéantissement rétroactif du contrat.
Or, l’article 1229, alinéa 3, a limité le jeu des restitutions quand l’exécution des prestations a procuré une utilité au fur et à mesure.
On considère aujourd’hui que l’effet rétroactif n’est attaché à la résolution quesi le juge a fixé sa prise d’effet à une date antérieure à l’assignation en justice ou si les parties l’ont prévu dans les clauses résolutoires, ce qui n’affecte pas le jeu des restitutions.
La résolution n’est depuis le 1er octobre 2016 plus forcément rétroactive !
Résolution et résiliation sont interchangeables
Les termes résolution et résiliation sont fréquemment utilisés de manière interchangeable afin de désigner les cas dans lesquels le contrat est dissous en raison de l’inexécution de l’obligation contractuelle.
Cette confusion se retrouve dans les textes issus de l’ordonnance du 10 février 2016 qui semblent avoir utilisé les deux termes résolution et résiliation afin de désigner la même situation juridique. En effet, l’article 1229 du code civil dispose que « lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat, il n’y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n’ayant pas reçu sa contrepartie ; dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation ». D’après le rapport présenté au président de la République, « la résiliation est donc simplement un cas déterminé de résolution aux contours clairement délimités par le texte, applicable tant aux contrats instantanés qu’aux contrats à exécution successive, et se caractérisant par son absence de restitution ».
Les termes « résolution » et « résiliation » sont utilisés par le législateur afin de désigner l’hypothèse dans laquelle une situation juridique a été dissoute (sans qu’il ne puisse être dit que le contrat est dissous, voir ci dessous).
Ma proposition de vocabulaire
Afin d’éviter le risque de confusion entre les modes de dissolution distincts, il serait opportun de désigner:
- la dissolution du contrat pour inexécution entrainant des restitutions par le vocable « résolution »
- la dissolution du contrat par volonté unilatérale qui n’entraine pas de restitution par le vocable « résiliation »
Caducité
La caducité peut se définir comme ” l’état d’un acte juridique valable mais privé d’effet en raison de la survenance d’un fait postérieurement à sa création ” (ss dir. S. Guinchard et T. Debard, Lexique des termes juridiques : Dalloz, éd., 2022-2023). L’ article 1186 du Code civil indique, lui, qu’” un contrat valablement formé devient caduc si l’un de ses éléments essentiel disparaît “.
La caducité est donc tout à fait différente de la nullité puisqu’elle ne trouve pas sa cause dans un défaut de formation de l’acte juridique. Mais, comme la nullité, elle va le priver d’effet. Dans la mesure où elle sanctionne un événement postérieur à la création de l’acte, on pourrait dire qu’elle est plus proche de la résolution que de la nullité mais elle se distingue de l’une et de l’autre par son caractère habituellement non rétroactif. La caducité éteint le contrat pour l’avenir, mais, à la différence de la nullité ou de la résolution , elle ne remet pas le passé en cause. L’ article 1187 nouveau du Code civil énonce ainsi : ” La caducité met fin au contrat. Elle peut donner lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9 “.
Il n’est donc pas question de rétroactivité. La caducité s’apparente donc plus à la résiliation mais ne doit pas être confondue avec elle puisque la résiliation est liée à l’inexécution du contrat.
Les distinctions
Dissolution et résolution/résiliation
Il convient de ne pas confondre la dissolution avec la résolution ou la résiliation. Si la dissolution est le genre, la résolution et la résiliation en sont les espèces.
Autrement dit, la résolution/résiliation est un des modes de dissolution du contrat.
En effet, les modes de dissolution du contrat peuvent être classés, en fonction de leur cause, en deux catégories :
- les modes de dissolution à raison de l’absence d’une condition requise pour la validité du contrat (C. civ., art. 1178 , al.1er)
- et les modes de dissolution à raison d’une circonstance postérieure à la formation du contrat. C’est à cette seconde catégorie qu’appartiennent la résolution et la résiliation.
Nullité et résolution/résiliation
La nullité sanctionne l’absence d’une condition requise pour la validité du contrat. Elle provoque la dissolution du contrat de manière rétroactive et le contrat annulé « est censé n’avoir jamais existé » (C. civ., art. 1178 , al. 2).
En revanche, la résolution et la résiliation provoquent la dissolution d’un contrat valablement formé pour une cause postérieure à sa formation.
À la différence de la nullité, qui sanctionne une irrégularité inhérente à la formation d’un acte juridique, la résolution frappe le contrat en raison de la survenance d’une circonstance postérieure à sa formation : survenance d’un événement incertain que les parties avaient érigé en condition résolutoire ou inexécution par l’une des parties de ses obligations contractuelles. Toutefois, la frontière entre l’action en nullité pour vice du consentement et l’action en résolution pour défaut de conformité entre la chose promise et la chose délivrée reste parfois floue. En effet, l’acheteur qui établit la non-conformité prouve par la même occasion l’erreur dont il a été victime, dans la mesure où il croyait certainement, lorsqu’il s’est engagé, que la chose que lui fournirait le vendeur serait conforme à ce qui avait été stipulé.
Caducité et résolution/résiliation
Prévue aux articles 1186 et 1187 du code civil, la caducité est un mode de dissolution du contrat qui résulte de la disparition de l’un des éléments essentiels du contrat (C. civ., art. 1186 , al. 1er) ou de la disparition de l’un des contrats qui participent à la réalisation de la même opération économique (C. civ., art. 1186 , al. 2).
À l’instar de la résolution ou de la résiliation, la caducité provoque la dissolution du contrat à raison d’une circonstance postérieure à la formation du contrat.
Toutefois, la caducité se distingue de la résolution et de la résiliation par sa cause qui est la disparition d’un élément relatif à la structure du contrat et dont la permanence est nécessaire à son maintien.
En revanche, la résolution et la résiliation provoquent la dissolution du contrat pour une raison autre que l’altération de sa structure.
Par ailleurs, il semble que la caducité se distingue de la résolution et de la résiliation par sa portée. Dans un arrêt récent, la Cour de cassation a décidé que les clauses prévues en cas de résiliation du contrat sont inapplicables en cas de caducité (Civ. 2 juill. 2020, no 17-12.611). Cette solution semble contraster avec celle qui est applicable en cas de résolution (C. civ., art. 1230 ) et de résiliation.
Mutuus dissensus et résolution/résiliation (très rare)
Qualifié de « résolution » (C. civ., art. 1195 , al. 2) ou de « résiliation amiable » (Y. PICOD, Contrats et obligations. – Force obligatoire du contrat. – Bonne foi, J.-Cl. Civ., 2019, no 36), le mutuus dissensus désigne la situation dans laquelle le contrat prend fin par le consentement mutuel des parties (sur le mutuus dissensus, V. R. VATINET, Le mutuus dissensus, RTD civ. 1987. 256). Comme la résolution et la résiliation, il provoque la dissolution du contrat à raison d’une circonstance postérieure à la formation du contrat. Toutefois, il se distingue de la résolution et de la résiliation par son caractère amiable en ce sens qu’il résulte de l’échange des consentements de toutes les parties au contrat.
Tableau synthétique
Libellé | Nullité | Caducité | Résolution | Résiliation |
---|---|---|---|---|
Articles du Code civil | 1178 à 1185 | 1186 et 1187 | Voir ci-dessous | Voir ci-dessous |
Nature de la défaillance | Sanction du non-respect d’une condition de validité d’un contrat lors de sa formation (erreur, dol, violence…) | Acte régulièrement formé initialement, mais qui, en raison de la survenance d’une circonstance postérieure, perdrait un élément essentiel à son existence | Elle sanctionne une inexécution d’un contrat à exécution instantanée (vente par exemple) | Elle sanctionne une inexécution d’un contrat à exécution successive (location par exemple) |
Fait générateur | Existence d’un vice du consentement au stade de la formation du contrat | Survenance d’un fait postérieurement à la formation d’un acte juridique | Inexécution d’une obligation née d’un contrat synallagmatique | Inexécution d’une obligation née d’un contrat successif ou acte volontaire d’une partie liée par un contrat successif |
Moment de la défaillance | À la formation du contrat | Pendant l’exécution du contrat | Pendant l’exécution du contrat | Pendant l’exécution du contrat |
Effets de la sanction | Anéantissement rétroactif des obligations nées du contrat vicié : L’acte est anéanti, tant pour ses effets futurs que pour ses effets passés | Elle met fin au contrat, de sorte qu’elle n’opère que pour l’avenir Suppression des effets de l’acte juridique, lequel demeure toutefois valable | La résolution met fin au contrat, sans que son existence soit rétroactivement mise en cause. En principe, les parties sont tenues de restituer l’intégralité des prestations reçues Anéantissement rétroactif des obligations nées du contrat synallagmatique sujet à débat | Comme pour la résolution, la résiliation met fin au contrat, sans que son existence soit rétroactivement mise en cause. Les parties ne devront restituer que les prestations reçues sans contrepartie, à savoir celles reçues postérieurement à l’inexécution Suppression pour l’avenir du contrat successif |
Effet rétroactif | Oui | Non | Potentiellement | Potentiellement |
Effet sur les clauses post-contractuelles | ||||
Illustration/exemple | Lorsqu’un particulier à acheter un tableau suite à une erreur, un dol ou sous la violence | Lorsqu’un légataire décède avant le testateur | Lorsqu’un consommateur se voit livrer une console de jeu alors qu’il avait commandé un tableau | Lorsqu’un fournisseur d’accès à Internet ne voit plus ses factures honorées par son client |
Sources
Répertoire de droit civil Nullité – Yves PICOD