L’obligation de délivrance du bailleur au locataire (contrat de location)

Le bailleur est obligé par la nature du contrat de délivrer au locataire le bien loué (C. civ. art. 1719).

L’aménagement contractuel de l’obligation de délivrance par une clause

La prohibition des clauses vidant l’obligation de délivrance de son effet

Cette obligation étant inhérente au bail, aucune disposition contractuelle ne peut exonérer totalement le bailleur (Cass. 1e civ. 11-10-1989 no 88-14.439). Le bailleur ne peut donc pas s’affranchir de son obligation de délivrer les lieux loués par le biais d’une clause générale prévoyant que le locataire prend les lieux en l’état (Cass. 3e civ. 5-6-2022 no 00-19.037 FS-PB) ou s’interdit d’exercer tout recours contre le bailleur (Cass. 3e civ. 2-7-2013 no 12-21.353 F-D). De telles clauses sont privées d’efficacité.

L’acceptation des clauses aménageant l’obligation de délivrance

Les parties peuvent certes aménager l’obligation de délivrance, notamment en transférant au locataire la charge de certains travaux ou de réparations nécessités par l’état de l’immeuble ou en privant le locataire de tout recours en ce qui concerne les réparations ou travaux visés.

Le contrôle très strict du sens de la clause

La clause doit être suffisamment précise (Cass. 3e civ. 11-10-2018 no 17-18.553 D) et ne doit pas aboutir à vider de sa substance l’obligation de délivrance à laquelle le bailleur est tenu pendant toute la durée du bail, par exemple en mettant à sa charge des travaux rendus nécessaires par les vices affectant la structure de l’immeuble (Cass. 3e civ. 9-7-2008 no 07-14.631 FS-PBRI : RJDA 11/08 no 1092).

Focus sur la clause de non-recours

Une clause de non-recours n’exonère pas le bailleur de son obligation de délivrance (Cass. 3e civ. 10-4-2025 no 23-14.974 FS-B, Sté DoubleTrade c/ Sté Allianz IARD).

Cass. 3e civ. 10-4-2025 no 23-14.974 FS-B, Sté DoubleTrade c/ Sté Allianz IARD : Un locataire agit contre le propriétaire de locaux qu’il loue à usage de bureau en vue d’obtenir le remboursement d’une partie des loyers et l’indemnisation de ses préjudices nés d’un manquement du bailleur à son obligation de délivrance, notamment en raison de nombreuses infiltrations d’eau. Pour écarter cette demande, une cour d’appel se fonde sur une clause du bail par laquelle le locataire a renoncé à tout recours pour les dégâts causés dans les locaux loués aux objets mobiliers, marchandises ou matériels quelle qu’en soit l’origine, du fait de la privation de jouissance ou de troubles de jouissance des lieux loué. Pour les juges du fond, cette clause prive le locataire de toute demande d’indemnisation sur le fondement d’un manquement du bailleur à son obligation de délivrance. La Cour de cassation censure la décision : une clause de non-recours, qui n’a pas pour objet de mettre à la charge du locataire certains travaux d’entretien ou de réparation, n’a pas pour effet d’exonérer le bailleur de son obligation de délivrance. En l’espèce, les désordres dont le locataire se plaignait (des infiltrations d’eau) n’avaient pas nécessairement pour origine des vices structurels des locaux, de sorte qu’une clause distincte consacrée aux travaux aurait peut-être pu mettre à sa charge les réparations en question, sans entrer en conflit avec l’obligation de délivrance.

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