OnlyFans, MYM et les plateformes similaires ont bouleversé l’économie des contenus en ligne. Elles permettent à un créateur de diffuser des photos, vidéos et interactions personnalisées en échange d’une rémunération directe via un système d’abonnement.
Cette industrie pèse aujourd’hui plusieurs milliards d’euros et attire autant de créateurs que de partenaires commerciaux. Mais elle génère aussi des litiges de plus en plus nombreux : suspension de comptes, revenus bloqués, exploitation par des agences, diffusion illégale de contenus, usurpation d’identité, attaques pénales, ou encore redressements fiscaux.
Cet article propose une analyse complète du cadre juridique applicable et des solutions concrètes pour se défendre efficacement en cas de litige lié à OnlyFans ou MYM.
OnlyFans : comprendre le fonctionnement juridique
Nature du service : un réseau social payant
OnlyFans et MYM sont des plateformes permettant la diffusion de contenus exclusifs. L’abonné paie un accès mensuel et peut, en plus, acheter des contenus ou messages privés supplémentaires.
La majorité des créateurs y publient des contenus à caractère sexuel, mais juridiquement, il s’agit avant tout d’un service de diffusion de contenus numériques soumis aux règles des contrats électroniques.
Le fonctionnement repose sur une relation triangulaire :
– le créateur publie du contenu et contractualise avec la plateforme ;
– la plateforme encaisse les paiements et reverse une commission au créateur ;
– l’abonné achète une prestation auprès de la plateforme, non directement auprès du créateur.
Ce système engendre des litiges spécifiques : opacité des décisions automatisées, blocages de revenus, interprétation des CGU, requalification d’activité, responsabilité contractuelle de l’agence, etc.
Comprendre les risques juridiques pour un créateur
L’activité d’un créateur OnlyFans expose à des risques variés :
– risques pénaux liés au contenu publié ou aux interactions ;
– risques civils liés à la diffusion non autorisée de contenus ;
– risques commerciaux liés aux agences et prestataires ;
– risques de concurrence déloyale et parasitisme ;
– risques fiscaux et douaniers ;
– risques cyber (piratage, vol de contenus, usurpation d’identité).
Avant d’analyser les litiges, il est essentiel de comprendre les risques pénaux les plus importants, car ce sont ceux qui génèrent la plus grande anxiété chez les créateurs.
Les risques pénaux liés à l’activité OnlyFans
Le risque pénal lié au proxénétisme et à la prostitution
Le créateur qui diffuse du contenu sexuel ne commet pas, en soi, une infraction.
C’est un point essentiel.
L’article 225-5 du Code pénal réprime le proxénétisme, défini comme :
– aider, assister ou protéger la prostitution d’autrui ;
– tirer profit de la prostitution d’autrui ;
– recevoir des subsides provenant de la prostitution ;
– exercer une pression pour pousser quelqu’un à se prostituer.
La question est de savoir si le caming ou la vente de contenu sexuel constituent de la prostitution.
La jurisprudence répond clairement : non.
Dans un arrêt du 18 mai 2022, la Chambre criminelle a jugé que la prostitution implique un contact physique. Or, le caming et la diffusion de contenus numériques ne comportent pas de contact corporel.
Ils ne relèvent donc pas de la prostitution ni du proxénétisme.
Le risque pénal survient surtout :
– pour des agences abusives qui exploitent un créateur ;
– pour une personne qui contrôlerait le compte d’un modèle en tirant profit de son activité sexuelle.
Pour le créateur lui-même, le risque est faible s’il agit seul et en autonomie.
Le risque pénal lié à la pédopornographie
C’est le risque le plus grave.
L’article 227-23 du Code pénal réprime toute fixation, diffusion ou transmission de l’image d’un mineur à caractère pornographique.
À retenir :
– un modèle doit être impérativement majeur, preuve à l’appui ;
– des contenus à esthétique trop “juvénile” créent une zone de risque ;
– le créateur peut être pénalement responsable même si un abonné envoie volontairement une image illicite ;
– la vigilance sur les collaborations est essentielle.
C’est un domaine où l’erreur peut entraîner des poursuites immédiates.
Le risque pénal lié au cyberharcèlement
Les créateurs reçoivent régulièrement :
– insultes,
– menaces,
– tentatives d’intimidation,
– commentaires malveillants.
L’article 222-33-2-2 du Code pénal sanctionne le harcèlement en ligne dès lors que les propos répétés dégradent les conditions de vie de la victime.
Le créateur peut déposer plainte, demander un retrait de contenu, et engager la responsabilité civile de l’auteur.
Le risque pénal lié aux pratiques commerciales trompeuses
C’est un risque souvent ignoré mais très réel.
Les pratiques commerciales trompeuses sont réprimées par l’article L.121-2 du Code de la consommation.
Un créateur devient professionnel dès lors qu’il monétise son contenu.
Peut être constitué :
– le fait de faire croire à une interaction personnelle alors qu’un “chatter” répond ;
– le fait de masquer l’identité réelle de l’interlocuteur ;
– le fait d’employer des techniques d’incitation trompeuse à l’achat de contenus privés.
Aux États-Unis, plusieurs actions collectives ont déjà été engagées contre ce type de pratiques.
En France, le risque est réel si l’abonné peut démontrer une tromperie sur la nature de la prestation.
Les litiges les plus courants sur OnlyFans
L’activité OnlyFans/MYM génère une variété de litiges que l’on ne rencontre quasiment nulle part ailleurs. Cette partie synthétise les conflits les plus fréquents rencontrés par les créateurs, les agences et les abonnés, ainsi que les outils juridiques permettant d’y répondre.
Litiges avec la plateforme : suspension, blocage des revenus, restrictions
Suspension ou fermeture du compte
C’est le litige le plus courant.
OnlyFans ou MYM peuvent suspendre, limiter ou supprimer un compte pour des motifs très vagues :
– suspicion de violation des CGU ;
– automatisme lié à un algorithme (ex : âge du modèle “jugé trop jeune”) ;
– documents d’identité jugés non conformes ;
– signalement d’utilisateur ;
– comportement considéré comme “à risque”.
La conséquence est immédiate :
– perte d’accès au compte,
– impossibilité de publier,
– perte des abonnés,
– gel des revenus déjà générés.
Juridiquement, un créateur peut invoquer :
– une inexécution contractuelle,
– une rupture abusive des relations contractuelles,
– un défaut d’information,
– une atteinte disproportionnée à son activité économique.
La preuve passe par la récupération des courriels, des captures d’écran, et, si nécessaire, une mesure d’instruction visant les logs de la plateforme.
Revenus bloqués ou non reversés
Les plateformes peuvent bloquer plusieurs milliers d’euros en attendant des vérifications internes.
Certaines situations durent des semaines.
Ce blocage peut être contesté sur les fondements suivants :
– inexécution contractuelle ;
– enrichissement sans cause (si la plateforme conserve indûment des revenus) ;
– clause abusive dans les CGU ;
– rupture brutale de la relation économique si le créateur dépend financièrement de l’activité.
Le recours à l’article 145 du Code de procédure civile permet d’obtenir les données internes concernant le blocage.
Erreurs d’identité ou faux positifs de détection
Certaines suspensions reposent sur des alertes automatiques :
– visage “estimé” mineur,
– fausse concordance biométrique,
– incohérences dans les pièces justificatives.
Ces décisions automatisées peuvent être contestées en exigeant communication :
– de la logique décisionnelle,
– des alertes internes,
– des logs de détection.
Les plateformes sont tenues d’un minimum de transparence.
Litiges entre créateurs et agences ou managers
L’apparition d’agences de “management” OnlyFans a créé un nouveau type de contentieux. Beaucoup d’agences opèrent sans structure juridique claire, sans cadre contractuel sérieux, et sans respecter les règles fondamentales du droit commercial et du droit à l’image.
Contrats abusifs et déséquilibrés
La plupart des contrats proposés aux créateurs souffrent :
– de clauses de commission disproportionnées (30 à 60 %),
– d’un manque total de transparence sur la ventilation des revenus,
– d’une absence de durée définie,
– de clauses d’exclusivité invalides ou contestables,
– d’absence de cession de droits à l’image en bonne et due forme.
Ces contrats peuvent être annulés ou rééquilibrés sur le fondement :
– du déséquilibre significatif (art. 1171 C. civ. par analogie),
– de la responsabilité contractuelle,
– de la violation du devoir d’information précontractuelle.
Exploitation ou pression sur le créateur
Certaines agences se comportent comme de véritables intermédiaires imposant :
– des horaires,
– des contenus,
– des comportements en ligne,
– des objectifs financiers.
Ces situations soulèvent des problématiques proches du travail dissimulé.
La dépendance économique est un critère essentiel : une agence peut endosser une responsabilité civile ou pénale si elle exerce une pression excessive.
Rétention abusive des accès ou des contenus
C’est un litige majeur.
Après rupture du contrat, certaines agences :
– refusent de rendre les identifiants ;
– continuent de répondre aux abonnés “à la place du modèle” ;
– exploitent d’anciens contenus ;
– poursuivent l’activité en se faisant passer pour le créateur.
Juridiquement, ces comportements peuvent être qualifiés :
– de parasitisme économique,
– d’usurpation d’identité,
– de contrefaçon,
– de concurrence déloyale,
– de retenue abusive de données.
Les créateurs peuvent obtenir :
– la restitution immédiate du compte,
– l’interdiction d’utiliser le contenu,
– des dommages-intérêts pour perte de revenus.
Parasitisme économique : un fondement central dans les litiges OnlyFans
Le parasitisme économique est souvent la qualification la plus efficace en cas :
– d’imitation du style ou de l’univers visuel d’un créateur ;
– d’exploitation de sa notoriété par un concurrent ou une agence ;
– de diffusion d’extraits modifiés de ses contenus ;
– d’utilisation de son image pour attirer du trafic ;
– d’imitation du “persona” numérique.
Contrairement à la contrefaçon, le parasitisme ne nécessite pas une reproduction fidèle d’un contenu.
Il repose sur :
– l’existence d’investissements économiques réels du créateur, et
– l’appropriation injustifiée de ces investissements par un tiers.
C’est un fondement souple, puissant, parfaitement adapté aux contenus numériques.
Litiges entre créateurs et abonnés
Pratiques commerciales trompeuses
Compte tenu du caractère payant des interactions, un créateur peut être accusé de pratiques commerciales trompeuses s’il :
– laisse croire à une interaction personnelle alors que ce n’est pas lui qui répond,
– dissimule son identité réelle,
– promet un service inexistant,
– incite à l’achat de contenus privés sous un faux prétexte.
La juridiction compétente est celle du consommateur, et la preuve repose sur les échanges et les conditions de vente.
Harcèlement, chantage, menaces
Les créateurs sont souvent victimes :
– de messages insistants,
– de demandes sexuelles non sollicitées,
– de menaces de divulgation,
– de tentatives d’extorsion.
Les qualifications possibles :
– harcèlement moral,
– tentative d’extorsion,
– menaces réitérées,
– atteinte à la vie privée.
La plainte pénale peut être complétée d’une action civile en réparation.
Litiges liés aux contenus : piratage, fuites, usurpation
Piratage et diffusion illégale de contenus
Les contenus OnlyFans fuité via :
– Telegram,
– Twitter,
– sites pirates.
La stratégie efficace repose sur trois axes :
- Retrait immédiat (DMCA, notifications, hébergeurs).
- Constat d’huissier pour figer la preuve.
- Action civile (contrefaçon, responsabilité, parasitisme).
La perte de revenus peut être évaluée précisément grâce aux statistiques de la plateforme.
Usurpation d’identité numérique
Des tiers créent parfois :
– des faux comptes,
– des profils “fake” vendant du contenu sous l’identité du créateur.
Juridiquement :
– atteinte à la réputation,
– tromperie commerciale,
– parasitisme,
– usage illicite de l’image.
Une action rapide permet de faire supprimer les comptes et d’obtenir réparation.
Litiges avec prestataires : photographes, vidéastes, développeurs, community managers
Ces litiges sont fréquents lorsque :
– les droits d’auteur ne sont pas régularisés,
– un photographe réutilise les images,
– un community manager diffuse des contenus sans autorisation,
– des factures ne sont pas réglées.
Chaque collaboration doit être encadrée par :
– une cession de droits explicite,
– un contrat précisant la finalité des images,
– une obligation de discrétion.
Fisc, URSSAF, douanes : les litiges administratifs du créateur
Redressements fiscaux
Les créateurs dépassant 20 000 €/mois peuvent faire l’objet :
– d’une requalification en BNC professionnel,
– d’une régularisation de TVA,
– d’un redressement CFE.
URSSAF
– Travail indépendant non déclaré,
– absence de statut clair,
– requalification.
Douanes
Pour les créateurs vendant des sextoys ou produits dérivés :
– saisies pour non-conformité,
– suspicion de marchandise prohibée,
– sanctions administratives.
Ces litiges peuvent être contestés avec des recours adaptés.
