L’article 6, 1 de la convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CESDH) prévoit que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.
Les principales composantes d’un procès équitable sont
- le respect du contradictoire
- l’égalité des armes
- l’impartialité
- et la célérité
Impartialité de la justice
Généralités
L’article 6, 1 de la CESDH qui prévoit que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial est le texte le plus souvent invoqué au soutien de l’exigence d’impartialité. Celle-ci figure également à l’article 10 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme du 10 décembre 1948, à l’article 14, 1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966, et à l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Elle est reprise aux articles L 111-5 à L 111-11 du Code de l’organisation judiciaire.
Appréciation de l’impartialité
L’article L 111-6 du Code de l’organisation judiciaire contient un certain nombre de causes de récusation en raison du risque de partialité du juge, dont la liste n’est pas limitative (Cass. 2e civ. 27-5-2004 n° 02-15.726 : Bull. civ. II n° 245).
L’impartialité doit s’apprécier objectivement au regard des fonctions exercées et des actes accomplis par les personnes composant la formation de jugement (Cass. 2e civ. 23-9-2010 n° 0917.114 : Bull. civ. II n° 158 ; Cass. 2e civ. 4-6-2020 n° 19-10.443 F-PBI). Il y a soupçon de partialité lorsqu’un doute raisonnable peut naître dans l’esprit du justiciable.
Ainsi, l’exigence d’impartialité sera-t-elle méconnue lorsqu’un juge est appelé à statuer au fond, alors qu’il a déjà connu du même dossier dans le cadre d’un référé aux fins de provision (Cass. ass. plén. 6-11-1998 n° 94-17.709 : Bull. ass. plén. n° 5). En effet, le juge des référés apprécie, en ce cas, le caractère évident de l’obligation. Il aborde ainsi la substance des droits invoqués, ce qui ne serait pas le cas si son office s’est borné à gérer le dossier ou à ordonner des mesures conservatoires. De même, le conseiller de la mise en état qui est appelé à statuer sur des mesures sollicitées au cours de l’instance d’appel, ne peut ensuite connaître en formation collégiale du recours à l’encontre de l’une de ses ordonnances (Cass. 2e civ. 6-5-1999 n° 96-10.407 : Bull. civ. II n° 77 ; Cass. 2e civ. 10-9-2009 n° 08-14.004 : Bull. civ. II n° 209). Plus évident encore, un magistrat ne peut siéger en appel dès lors qu’il a participé à une décision en première instance portant sur le même litige (Cass. 1e civ. 11-3-1997 n° 92-16.866 : Bull. civ. I n° 87 ; Cass. 2e civ. 1-10-2020 n° 19-17.922 F-PBI). La Cour de cassation a néanmoins admis que le défaut d’impartialité d’une juridiction appelée à connaître de la contestation de la mesure d’exécution forcée d’une décision de justice ne pouvait pas résulter du seul fait qu’elle avait précédemment connu de l’appel formé contre cette décision. Le demandeur n’ayant produit aucun élément de nature à faire peser sur les magistrats visés un soupçon légitime de partialité, sa demande a été rejetée (Cass. 2e civ. 3-4-2014 n° 14-01.414 : Bull. civ. II n° 95). Le fait qu’un juge se soit déjà prononcé dans un litige procédant d’un contentieux sériel n’est pas en soi de nature à porter atteinte à son impartialité pour connaître des autres litiges de ce même contentieux (Cass. 2e civ. 7-4-2016 n° 15-16.091 F-PB). De même le défaut d’impartialité d’un juge ne peut résulter du seul fait qu’il ait rendu une ou plusieurs décisions défavorables à la partie qui demande la récusation ou favorables à son adversaire (Cass. 2e civ. 21-1-2016 n° 15-01.541 F-PB).
Des erreurs de procédure ou des applications erronées des règles de droit, qui ne pourraient donner lieu qu’à l’exercice de voies de recours, ne sauraient établir la partialité ni des magistrats qui ont rendu les décisions critiquées, ni des magistrats de la cour d’appel, pris dans leur ensemble, ni faire peser un doute légitime sur leur impartialité (Cass. 2e civ. 24-11-2016 n° 16-01.646 F-PB).
L’examen de l’existence de présomptions de pratiques anticoncurrentielles autorisant les visite et saisie par la même formation de jugement que celle appelée à statuer sur le bien-fondé des griefs retenus et de la sanction prononcée au titre de ces pratiques est de nature à faire naître un doute raisonnable sur l’impartialité de la juridiction (Cass. com. 21-6-2011 n° 09-67.793 : RJDA 11/11 n° 961 ; Cass. com. 14-2-2012 n° 11-11.750 : RJDA 6/12 n° 622).
Méconnaît également l’article 6, 1 de la CESDH le conseil de prud’hommes qui statue en des termes incompatibles avec l’exigence d’impartialité – employeur « rouleau compresseur », « estocade finale » (Cass. soc. 12-6-2014 n° 13-16.236 : Bull. civ. V n° 141). Le fait qu’une partie exerce habituellement les fonctions de défenseur syndical de salariés devant le conseil de prud’hommes où l’affaire est portée est de nature à créer un doute sur l’impartialité de cette juridiction (Cass. soc. 24-6-2014 n° 13-13.609 : Bull. civ. V n° 154).
En revanche, l’appartenance à un syndicat professionnel n’est pas suffisante en soi à faire naître un doute raisonnable sur l’impartialité du juge (Cass. 2e civ. 24-6-2004 n° 02-14.509 : Bull. civ. II n° 325, pour un magistrat de carrière ; Cass. soc. 19-12-2003 n° 02-41.429 : RJS 3/04 n° 338, pour un conseiller prud’homal pourtant adhérent à la même organisation syndicale que l’une des parties).
Par ailleurs, le simple fait qu’un magistrat soit « ami » sur un réseau social avec un autre magistrat ou avec un avocat ne permet pas de mettre en doute son impartialité. Il a en effet été jugé que ce terme « ami » ne renvoie pas à des relations d’amitié au sens traditionnel et que l’existence de contacts entre différentes personnes par l’intermédiaire des réseaux sociaux ne suffit pas à caractériser une partialité particulière, le réseau social étant simplement un moyen de communication spécifique entre des personnes qui partagent les mêmes centres d’intérêt et, en l’espèce, la même profession (Cass. 2e civ. 5-1-2017 n° 16-12.394 F-PI : RJDA 3/17 n° 218 ; Cass. 2e civ. 28-9-2017 n° 16-17.583 F-D).
De même, la seule circonstance qu’une requête à fin d’autorisation de prise à partie a été déposée contre les juges n’est pas de nature à constituer une cause permettant de douter de leur impartialité (Cass. 2e civ. 6-12-2018 n° 17-27.634 F-PB).
Pour qu’il y ait atteinte au principe d’impartialité, il faut que la liberté d’appréciation du magistrat ait pu être altérée par son intervention précédente dans le même dossier. Cette précédente intervention n’entraîne pas une sanction systématique ; tout dépend du point de savoir quelle a été la profondeur d’analyse dans la précédente intervention de l’intéressé.
Ainsi, lorsqu’un magistrat, en qualité de juge des libertés et de la détention (JLD), a autorisé l’administration fiscale à procéder à une visite domiciliaire et à des saisies puis est intervenu dans la même affaire en qualité de président de la formation de jugement, il y a lieu de rechercher si ses fonctions successives l’ont amené à connaître des mêmes faits, ce qui serait de nature à constituer une cause permettant de douter de son impartialité (Cass. 2e civ. 4-6-2020 n° 19-10.443 F-PBI).
Par ailleurs, dans une procédure collective, il est de principe que le juge-commissaire est exclu de la formation chargée de statuer sur recours contre ses propres ordonnances (C. com. art. R 621-22, R 631-16 et R 641-11). Il en découle que la seule présence de ce magistrat parmi les membres du tribunal appelés à statuer sur un plan d’apurement du passif n’est pas de nature à faire naître un doute raisonnable sur l’impartialité de la juridiction et partant, n’est pas contraire aux dispositions de l’article 6, 1 de la CESDH (Cass. com. 19-2-2013 n° 11-28.256 : Gaz. Pal. 4 mai 2013 jur. p. 16 note N. Fricero). Il appartient au justiciable de démontrer en quoi la présence du juge-commissaire justifierait objectivement ses allégations sur le risque de partialité. Cette objection a été retenue lorsqu’a été relevée la présence du juge-commissaire lors de l’audience sur la faillite personnelle du débiteur ou du dirigeant (Cass. com. 16-10-2001 n° 98-12.568 : RJDA 3/02 n° 288). Plus généralement, et s’agissant de la saisine d’office de la juridiction en matière de procédure collective, le Conseil constitutionnel a décidé que cette disposition était inconstitutionnelle puisque, bien qu’elle fût inspirée par des motifs d’intérêt général, la loi n’instituait pas des garanties propres à assurer le respect du principe d’impartialité (Cons. const. 7-12-2012 n° 2012-286).
L’exigence d’impartialité doit s’apprécier objectivement. L’arrêt frappé de pourvoi mentionne que l’affaire a été délibérée par la cour d’appel, composée de Mme X qui avait présidé la composition du tribunal ayant rendu le jugement déféré. En statuant ainsi, dans une composition comportant un magistrat qui avait déjà tranché le même litige en première instance, la cour d’appel a violé l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Cass. 3e civ. 21-9-2022 n° 21-20.629 F-D).
Sanction de l’absence d’impartialité
La sanction de l’absence d’impartialité peut se présenter soit par la mise en œuvre de la récusation ou une demande de renvoi pour cause de suspicion légitime, soit par l’exercice des voies de recours contre la décision du ou des magistrats dont l’impartialité est mise en cause.
Récusation du juge ou renvoi pour cause de suspicion légitime
L’absence d’impartialité peut être sanctionnée par la récusation ou le renvoi pour cause de suspicion légitime (CPC art. 341 à 350 et art. 1027 pour la récusation d’un magistrat de la Cour de cassation).
La récusation est dirigée à l’encontre d’un juge. Le renvoi pour cause de suspicion légitime a pour objet de dessaisir une juridiction ou une formation de jugement pour cause de partialité de chacun de ses membres.
Sous réserve de dispositions particulières à certaines juridictions, la récusation d’un juge peut être demandée pour les causes suivantes (C. org. jud. art. L 111-6 sur renvoi de CPC art. 341) :
- – si ce juge lui-même ou son conjoint a un intérêt personnel à la contestation, est créancier, débiteur, héritier présomptif ou donataire de l’une des parties, est parent ou allié de l’une des parties ou de son conjoint jusqu’au quatrième degré inclusivement ou est chargé d’administrer les biens de l’une des parties ;
- – s’il y a eu ou s’il y a procès entre ce juge ou son conjoint et l’une des parties ou son conjoint ; si ce juge a précédemment connu de l’affaire comme juge ou comme arbitre ou s’il a conseillé l’une des parties ;
- – s’il existe un lien de subordination entre ce juge ou son conjoint et l’une des parties ou son conjoint ;
- – s’il existe un conflit d’intérêts (Cf. Ord. 58-1270 du 22-12-1958) ;
- – s’il y a amitié ou inimitié notoire entre ce juge et l’une des parties.
Les magistrats du ministère public, partie jointe, peuvent être récusés dans les mêmes cas (C. org. jud. art. L 111-6, dernier al.). Mais seul le juge qui exerce une fonction juridictionnelle peut être récusé de sorte que ne peut pas l’être le premier président de la cour d’appel statuant sur le recours formé contre une décision de rejet d’une demande d’aide judiciaire rendue par le bureau d’aide juridictionnelle (Cass. 2e civ. 17-9-2015 n° 15-01.497 F-PB : Bull. civ. II n° 201).
La partie qui entend se prévaloir d’un motif de partialité doit présenter une demande dès qu’elle a connaissance de la cause la justifiant, et ce à peine d’irrecevabilité. La demande ne peut pas être présentée après la clôture des débats (CPC art. 342).
À l’exception des actions portées devant la Cour de cassation, la récusation ou la demande de renvoi peut être présentée par la partie elle-même ou par son mandataire muni d’un pouvoir spécial. Dans les procédures où les parties sont obligatoirement représentées, l’avocat a seul qualité pour présenter la requête (CPC art. 343).
La demande doit être portée devant le premier président de la cour d’appel (CPC art. 344, al. 1). La demande doit être formée par acte remis au greffe de la cour d’appel (CPC art. 344, al. 1). En l’état actuel, la requête en récusation ne peut pas être adressée par le RPVA, les modalités techniques permettant le recours à la transmission électronique n’ayant pas été définies par un arrêté du garde des Sceaux pour une telle procédure (Cass. 2e civ. 6-7-2017 n° 17-01.695 F-PB).
Par exception, lorsqu’il s’agit d’une demande de récusation d’un magistrat de la Cour de cassation, la demande est formée devant son premier président par un avocat aux conseils dans les procédures où la représentation est obligatoire (CPC art. 1027) ; lorsque la demande vise le premier président de la cour d’appel, la demande doit faire l’objet d’une requête adressée au premier président de la Cour de cassation qui, après avis du procureur général, statue sans débat par une ordonnance (CPC art. 350).
Lorsque la cause justifiant la demande est découverte à l’audience, la demande doit être formée par déclaration consignée par le greffier dans un procès-verbal, qui est adressé sans délai au premier président et dont la copie est conservée au dossier (CPC art. 344, al. 2). Est donc irrecevable la demande formée par requête un mois après l’audience au cours de laquelle les faits qui auraient établi la partialité de la juridiction se sont produits (Cass. 2e civ. 27-2-2020 n° 18-26.083 F-PBI).
Si la demande de récusation concerne plusieurs juges, elle doit être formée par un même acte sauf révélation postérieure (CPC art. 349).
La demande doit indiquer les motifs et être accompagnée des pièces justificatives à peine d’irrecevabilité (CPC art. 344, al. 3).
Il résulte de cette disposition qu’une demande de récusation qui n’indique pas les motifs de la demande est irrecevable sans qu’il soit possible d’indiquer ces motifs dans des conclusions ultérieures (Cass. 2e civ. 26-9-2019 n° 17-13.035 F-PBI) ; cette solution, rendue sous l’empire du droit antérieur au décret 2017-892 du 6 mai 2017, est à notre avis transposable, l’ancienne version de l’article 344 du CPC comme la version actuellement en vigueur prévoyant l’irrecevabilité de la demande en l’absence de motivation.
Le président de la juridiction faisant l’objet d’une demande de renvoi pour cause de suspicion légitime ou à laquelle appartient le magistrat dont la récusation est demandée ainsi que le magistrat concerné sont avisés par tout moyen par le premier président de la requête dont il est saisi. Selon le cas, le président de la juridiction ou le magistrat concerné est invité à présenter ses observations. Lorsque le magistrat concerné s’abstient, le président de la juridiction en informe sans délai le premier président (CPC art. 345, al. 1 et 2).
La requête ne dessaisit pas le magistrat ou la juridiction mais le premier président peut ordonner qu’il soit sursis à statuer jusqu’à sa décision (CPC art. 345).
Le premier président statue sans débat dans le délai d’un mois à compter de sa saisine après avis du procureur général. Le greffier avise les intéressés de la décision rendue par tout moyen et sans délai. L’ordonnance rejetant la demande peut faire l’objet d’un pourvoi dans les quinze jours de sa notification par le greffe (CPC art. 346). En revanche, la décision qui admet la demande n’est pas susceptible de recours, fût-ce pour excès de pouvoir (Cass. 2e civ. 1-2-2018 n° 17-14.730 F-PB).
Attention
En cas de cassation, il convient d’être attentif au processus de saisine de la juridiction de renvoi : il résulte de l’article 1032 du CPC que la juridiction de renvoi est saisie par déclaration au greffe de cette juridiction. En l’absence de dispositions dérogeant à cette règle en matière de demande de récusation ou de renvoi pour cause de suspicion légitime, la juridiction de renvoi après cassation est saisie par déclaration effectuée au secrétariat de cette juridiction par la partie la plus diligente. Une saisine de cette juridiction par requête et non par déclaration déposée au greffe ne serait donc pas valable (Cass. 2e civ. 1-7-2021 n° 20-14.849 F-B).
1075
Si la demande de récusation est admise, il est procédé au remplacement du juge. Si la demande de renvoi pour cause de suspicion légitime est admise, l’affaire est renvoyée devant une autre formation de la juridiction initialement saisie ou devant une autre juridiction de même nature. Cette décision s’impose aux parties et au juge de renvoi. Les actes accomplis avant que la décision accueillant la demande de récusation ou de renvoi soit portée à la connaissance du juge ou de la juridiction ne peuvent être remis en cause. Mais se trouve non avenue la décision qui tranche tout ou partie du principal ou qui, sans trancher le principal, est exécutoire à titre provisoire (CPC art. 347).
Si la demande est rejetée, son auteur s’expose à une amende civile d’un maximum de 10 000 € et à des dommages-intérêts (CPC art. 348).
Un renvoi pour cause de sûreté publique peut être prononcé par la Cour de cassation sur réquisition du procureur général dans les conditions prévues par les articles 351 à 354 du CPC (CPC art. 351).
Précisions
- Une requête en récusation ne peut pas être déclarée irrecevable aux motifs qu’elle est identique à une première requête concernant les mêmes magistrats, qui a été rejetée et qui a autorité de chose jugée, dès lors qu’elle est présentée à l’occasion d’une procédure distincte opposant le demandeur à une autre partie (Cass. 2e civ. 27-6-2019 n° 18-18.112 F-PB).
- Les procédures de récusation ou de renvoi pour cause de suspicion légitime instituées par les articles 341 et suivants du CPC ne s’appliquent pas à l’Autorité de la concurrence. En effet, le recours en annulation ou en réformation des décisions de cette Autorité devant la cour d’appel de Paris (C. com. art. L 464-8) confère à cette dernière juridiction le pouvoir de statuer sur tout grief tiré d’une atteinte à l’impartialité de l’Autorité, qu’il concerne la phase d’instruction ou la phase décisionnelle de la procédure (Cass. 2e civ. 30-9-2021 n° 20-18.672 FS-BR).
Voies de recours contre la décision d’un juge soupçonné de partialité
L’absence d’impartialité peut être sanctionnée par l’exercice des voies de recours contre la décision du ou des juges soupçonnés. Toutefois, la Cour de cassation a considéré que la partie qui ne faisait pas usage de la possibilité de récuser un magistrat, alors qu’elle était en mesure de le faire, n’est plus recevable à invoquer devant elle une violation de l’article 6, 1 de la CESDH (Cass. ass. plén. 24-11-2000 n° 99-12.412 : Bull. ass. plén. n° 10). Cela impose à la partie concernée de faire valoir la cause de récusation avant la clôture des débats, à supposer qu’elle ait connaissance de la difficulté et qu’elle puisse vérifier la composition de la juridiction.
Le grief de partialité est parfois associé à des moyens de droit tirés de principes classiques de procédure civile comme l’obligation de motivation des jugements (CPC art. 455). Ainsi, est prononcée la nullité d’un jugement aux motifs qu’il reprend en tous points les conclusions d’une partie et qu’en statuant ainsi, par une apparence de motivation de nature à faire peser un doute sur l’impartialité de la juridiction, il a violé l’article 6 de la CESDH ainsi que les articles 455 et 458 du CPC (CA Paris 13-5-2015 n° 13/00700, ch. 5-4).
Prise à partie des juges n’appartenant pas au corps judiciaire
Cas de prise à partie
Les juges qui n’appartiennent pas au corps judiciaire peuvent être pris à partie dans les cas suivants (C. org. jud. art L 141-2 et L 141-3) :
– s’il y a dol, fraude, concussion ou faute lourde, commis soit dans le cours de l’instruction, soit lors des jugements ;
– s’il y a déni de justice.
Il y a déni de justice lorsque les juges refusent de répondre aux requêtes ou négligent de juger les affaires en état et en tour d’être jugées.
Procédure de prise à partie
La requête aux fins d’autorisation de la procédure de prise à partie doit être portée devant le premier président de la cour d’appel dans le ressort de laquelle siège le juge intéressé (CPC art. 366-1). Elle doit être présentée par un avocat. À peine d’irrecevabilité, elle doit contenir l’énoncé des faits reprochés au juge et être accompagnée des pièces justificatives (CPC art. 366-2). Lorsque le requérant invoque un déni de justice, il doit, à peine d’irrecevabilité, produire deux sommations de juger délivrées par huissier ou commissaire de justice au greffe de la juridiction. Le greffier vise l’original et le transmet au juge. La sommation doit être réitérée passé un délai de huit jours (CPC art. 366-9).
Le premier président, après avoir recueilli l’avis du procureur général près la cour d’appel, vérifie que la demande est fondée sur un des cas de prise à partie prévus par la loi (CPC art. 366-3).
En cas de refus d’ouverture de la procédure, la décision est susceptible d’un recours devant la Cour de cassation dans les quinze jours de son prononcé. Le recours est formé, instruit et jugé selon la procédure sans représentation obligatoire (CPC art. 366-5).
La décision du premier président autorisant la procédure de prise à partie fixe le jour où l’affaire sera examinée par deux chambres réunies de la cour. Le greffe porte par tout moyen la décision à la connaissance du juge et du président de la juridiction à laquelle il appartient (CPC art. 366-4).
Le juge, dès qu’il a connaissance de la décision autorisant la procédure de prise à partie, doit s’abstenir jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la prise à partie (CPC art. 366-6).
Le requérant doit assigner le juge pour le jour fixé. À peine d’irrecevabilité de la demande, une copie de la requête, de la décision du premier président et des pièces justificatives doivent être jointes à l’assignation. Une copie de l’assignation est adressée au ministère public par lettre recommandée AR à la diligence de l’huissier ou commissaire de justice (CPC art. 366-7).
À l’audience, la représentation et l’assistance des parties s’exercent dans les conditions prévues par l’article 931 (procédure sans représentation obligatoire). La cour statue après avis du ministère public (CPC art. 366-8).
Précisions
L’État est civilement responsable des condamnations en dommages et intérêts qui sont prononcées à raison de ces faits contre les juges, sauf son recours contre ces derniers (C. org. jud. art. L 141-3).