Dans une procédure orale, peu importe que des conclusions écrites aient été transmises entre les parties, il est toujours possible à l’audience de commencer par une demande à titre liminaire (in limine litis).
L’exception peut être soulevée lors des débats à l’audience, avant toute référence aux prétentions au fond, peu important que des conclusions écrites aient été préalablement déposées sur la recevabilité de l’action ou sur des questions de fond, dans la mesure où, dans ces procédures, les conclusions ne sont qu’indicatives (Cass. 2e civ. 16-10-2003 n° 01–13.036 : Bull. civ. II n° 311 ; Cass. 2e civ. 1-10-2009 n° 08-14.135 : Bull. civ. II n° 233).
Cour de cassation, Chambre civile 2, 16 Octobre 2003 – n° 01-13.036 “Les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées avant toute défense au fond. Devant le tribunal de commerce, la procédure étant orale, les prétentions peuvent être formulées au cours de l’audience et il en est notamment ainsi des exceptions de procédure. Il s’ensuit que l’exception d’incompétence soulevée oralement par une partie à l’audience du tribunal de commerce, avant toute référence à ses prétentions au fond formulées par écrit, doit être déclarée recevable.“
Procédure orale sans mise en état : jusqu’à l’audience
Si la procédure est orale , le fait de déposer des conclusions au fond avant l’audience des plaidoiries, n’empêche pas la partie de soulever ce jour-là une exception d’incompétence, pourvu que ce soit dans l’ordre de l’ article 74 du Code de procédure civile . En effet, de nombreuses juridictions du fond considéraient que c’est au moment de l’audience de plaidoirie qu’il fallait se placer pour apprécier l’ordre des arguments ( CA Toulouse, 12 févr. 1992 : RTD civ. 1993, p. 192 , R. Perrot. – CA Colmar, 2 sept. 2013, n° 13/0561 et n° 13/02097 : JurisData n° 2013-018381 . – TGI Roubaix, 14 sept. 1994 : Gaz. Pal. 1998, 1, p. 97 . – T. com. Pontoise, 23 mai 1996 : Gaz. Pal. 1998, 1, p. 96 . – T. com. Paris, 19 janv. 2000 : Procédures 2000, comm. 187 , H. Croze).
Cette jurisprudence a été, un temps, condamnée par la Cour de cassation qui jugeait que l’exception d’incompétence devait toujours être soulevée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, indépendamment du caractère oral de la procédure ( Cass. 2e civ., 6 mai 1999, n° 96-22.143 : JurisData n° 1999-001950 ; Bull. civ. II, n° 82 ; JCP G 2000, II, 10291 , Auclair ; RTD civ. 1999, p. 700 , R. Perrot. – Cass. com., 6 juin 2000, n° 97-22.330 : Bull. civ. IV, n° 120 ; Procédures 2000, comm. 181 , R. Perrot ; Gaz. Pal. 2002, somm. p. 241 , E. du Rusquec).
Pour autant, l’arrêt le plus récent rendu en matière de procédure semble revenir sur la jurisprudence antérieure et rejoindre la position des juges du fond : l’exception d’incompétence pourrait être soulevée lors des débats, même si des conclusions ont été préalablement formulées par écrit, dès lors que l’exception est soulevée à la barre avant toute fin de non-recevoir ou défense au fond ( Cass. 2e civ., 16 oct. 2003, n° 01-13.036 : JurisData n° 2003-020557 ; Procédures 2003, comm. 148 , R. Perrot ; Bull. civ. II, n° 311 ; D. 2004, p. 454, S. Mary). Une cour d’appel a jugé en ce sens mais à propos d’une exception de nullité. Dès lors qu’à l’audience, l’intimé a soulevé oralement des exceptions de procédure avant sa défense au fond, le dépôt antérieur de conclusions au fond est indifférent, celles-ci n’étant devenues opérantes qu’à partir du moment où elles avaient été reprises verbalement à l’audience. Les exceptions de procédure sont donc recevables ( CA Colmar, 23 oct. 2006, n° 3A05/02585 : JurisData n° 2006-332607 ).
Procédure orale avec mise en état selon calendrier du juge : jour des conclusions
Lorsque le recours à la mise en état écrite est décidé par le juge, ce n’est plus le jour où la demande est présentée oralement qui en fixe la date mais le jour de la communication des écrits. L’application de l’article 446-2 entraîne automatiquement l’application de l’article 446-4.
dans ce cas, les écritures devraient être ordonnées de la même façon que dans une procédure écrite et, si les parties comparaissent, l’exception de procédure soulevée lors des débats, mais ne figurant pas in limine litis dans les écritures, doit être déclarée irrecevable.
Un auteur fait observer que cette position est contestable en ce qu’elle se heurte à la généralité de l’article 74 du Code de procédure civile et qu’elle favorise la déloyauté des parties (L. Cadiet et E. Jeuland, Droit judiciaire privé : LexisNexis, 10e éd., 2017, n° 276).
La Cour de cassation n’a pas été insensible au risque et a retenu récemment qu’en procédure orale , que les parties aient été ou non dispensées de comparaître, la date de leur prétentions et moyens régulièrement présentés par écrit est celle de leur communication entre elles dès lors qu’un calendrier de mise en état a été élaboré par le juge ( Cass. 2e civ., 22 juin 2017, n° 16-17.118 ; JCP G 2017, 1547 , note N. Gerbay). C’est donc bien à cette date qu’il conviendra de se placer pour déterminer le moment de présentation de l’exception d’incompétence.
Il n’est pas nécessaire que les parties aient été dispensées de ocmparaitre à l’audience pour que cette règle s’applique.
Dispense de comparution à l’audience
Cette solution ne devrait pas s’appliquer dans le cas où les parties sont autorisées par le juge à présenter leurs prétentions et moyens par écrit, sans se présenter à l’audience (CPC art. 446-1, al. 2). On applique alors les règles de la procédure écrite
Quid de l’invocation dans les motifs des conclusions ?
Par ailleurs, il faut considérer également l’hypothèse dans laquelle l‘exception d’incompétence a été soulevée dans les motifs des conclusions , ladite exception ayant également été soulevée oralement à l’audience. Or, il importe peu que ce soit tenue auparavant une audience n’ayant pour objet qu’un incident sur une demande de communication de pièces, puisque selon l’article 74, alinéa 2, du Code de procédure civile , elle ne constitue pas une cause d’irrecevabilité ( CA Lyon, 22 févr. 2001, n° 2000/05767 : JurisData n° 2001-156091 ; Procédures 2001, comm. 235 , H. Croze).
La Cour de cassation a confirmé la souplesse de sa position en matière de procédure orale dans un arrêt du 6 avril 2006 ( Cass. 2e civ., 6 avr. 2006, n° 04-13.172 : JurisData n° 2006-033134 ; Procédures 2006, comm. 203 , R. Perrot). Dans cette affaire, un acheteur avait saisi le tribunal de commerce d’une demande d’indemnisation à l’encontre de son vendeur en raison de la défectuosité du produit vendu, lequel vendeur avait assigné aussitôt son fournisseur en intervention forcée et en garantie. À la question sur la possibilité pour le vendeur de décliner oralement à l’audience la compétence du tribunal de commerce, la Cour de cassation a répondu par l’affirmative. On peut être surpris par cette position dans la mesure où une assignation en intervention forcée et en garantie est assimilée par la jurisprudence à une défense au fond qui ôte à son auteur la possibilité de décliner ultérieurement la compétence de la juridiction saisie de la demande principale ( Cass. 2e civ., 6 mai 1999, n° 96-22.143 : JurisData n° 1999-001950 ; Bull. civ. II, n° 82 . – Cass. com., 6 juin 2000, n° 97-22.330 : Procédures 2000, comm. 181 , R. Perrot ; Bull. civ. IV, n° 120 . – Cass. 2e civ., 12 juin 2003, n° 01-11.824 : JurisData n° 2003-019458 ; Bull. civ. II, n° 190 ; D. 2003, p. 1806). L’explication réside dans le fait qu’ici l’assignation en intervention n’avait pas été placée au greffe, ce qui la privait de tout effet en tant que moyen de défense.