Le créancier d’une obligation peut en poursuivre l’exécution en nature, après mise en demeure, sauf si cette exécution est impossible ou s’il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier (C. civ. art. 1221)
L’exécution forcée ne peut pas être ordonnée si elle est impossible
L’impossibilité peut être matérielle, morale, mais aussi juridique (M. Poumarède et P. Le Tourneau : Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz action 2023/2024, no 3212.32 ; CA Paris 21-12-2001 no 01-9384).
Ainsi, cette dernière peut résulter de décisions administratives, auxquelles il ne peut pas être fait obstacle, comme en l’espèce (Cass. 1e civ. 18-12-2024 no 24-14.750 FS-B, X c/ Société mahoraise des eaux Cass. 1e civ. 18-12-2024 no 24-14.751 FS-B, Y c/ Société mahoraise des eaux Cass. 1e civ. 18-12-2024 no 24-14.752 FS-B, Z c/ Société mahoraise des eaux)
En se fondant sur ces dispositions (Cass. 1e civ. 16-1-2007 no 06-13.983 F-PB), la Cour de cassation juge ici que la demande en rétablissement de la livraison d’eau potable au robinet doit être rejetée, l’exécution forcée en nature étant en l’espèce impossible, dès lors que les restrictions dans la distribution de l’eau décidées par l’autorité préfectorale s’imposaient au délégataire du service public.
Précisons que la cour d’appel s’était placée, pour rejeter cette demande, sur le terrain de la force majeure, en retenant notamment que l’ampleur de la sécheresse et les décisions préfectorales qui en avaient découlé constituaient un événement échappant au contrôle du distributeur, non raisonnablement prévisible lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne pouvaient pas être évités par des mesures appropriées (C. civ. art. 1218). La Haute Juridiction ne reprend pas cette argumentation, l’exécution forcée en nature étant en tout état de cause impossible.
L’exécution forcée ne peut porter que sur l’obligation prévue au contrat
Il résulte de l’article 1103 du Code civil, qui prévoit que les contrats tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits, et des articles 1217 et 1221 précités, que l’exécution forcée en nature, distincte d’une réparation en nature du préjudice résultant de l’inexécution contractuelle, ne peut porter que sur l’obligation prévue au contrat.
La sanction de l’exécution forcée en nature doit nécessairement porter sur la stricte obligation prévue par le contrat. Le juge ne peut pas lui substituer une prestation de « remplacement » non prévue au contrat, même proche dans ses modalités. (Cass. 1e civ. 18-12-2024 no 24-14.750 FS-B, X c/ Société mahoraise des eaux)
Or, en l’espèce, le contrat conclu entre les abonnés et le distributeur d’eau mettait à la charge de ce dernier le transport de l’eau dans les réseaux dont l’exploitation lui avait été déléguée en vue de sa distribution au robinet de l’usager et aucune stipulation ne lui imposait de livrer l’eau en bouteille ou en fontaine. La demande d’enjoindre au distributeur de mettre à disposition des fontaines à eau ou des bouteilles d’eau doit également être rejetée, ajoute la Cour de cassation.
Une prestation alternative en cas d’impossibilité de fournir la prestation principale prévue au contrat pourrait en revanche être envisagée par les parties et incluse dans leur convention. Une telle faculté est cependant très théorique en présence d’un contrat d’adhésion, comme c’était le cas en l’espèce.