La détention provisoire permet d’incarcérer un individu mis en examen ou jugé mais de manière non encore définitive avant le prononcé d’une décision définitive.
En raison de l’atteinte aux libertés individuelles et de sa difficile conciliation avec la présomption d’innocence, son prononcé est en théorie très encadré.
Les conditions de placement d’un individu en détention provisoire sont énoncées aux articles 143-1 et 144 du CPP.
La détention provisoire doit être exceptionnelle.
Si aucun recours contre l’ordonnance de placement en détention provisoire n’a été exercé ou n’a abouti, et qu’en raison d’un changement de circonstances de fait, les conditions posées par les articles 143-1 et 144 du CPP ne sont plus réunies, le mis en examen ou son avocat peut, à toute période de la procédure, déposer une demande de mise en liberté .
La mise en liberté d’un détenu provisoire peut également être justifiée par son état de santé, à condition qu’il n’existe pas de risque grave de renouvellement de l’infraction.
Cette faculté de demander la mise en liberté est également ouverte au ministère public. La partie civile n’est pas avisée de cette demande .
Il est fondamental de signaler que la loi n° 2021-403 du 8 avril 2021 tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention – faisant suite à une condamnation de la France par la CEDH (CEDH, 30 janv. 2020) en raison de ses conditions de détention indignes et de l’absence de voie de recours efficaces, ainsi qu’à une QPC du 2 octobre 2020 – a introduit un recours devant le juge contre les conditions indignes de détention aux article 803-8 et 144-1 du CPP.
Dans quels cas demander sa mise en liberté ?
Lorsque la situation du détenu a changé au regard de l’article 144 du CPP
La personne placée en détention provisoire peut :
en toute matière demander sa mise en liberté (CPP, art. 148, mod. L. 2016-731 du 3 juin 2016) ;
le faire à tout moment et autant de fois qu’elle le souhaite sous réserve du respect de l’article 148, alinéa 1 du CPP tel que modifié par la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 ;
Il est à préciser que les exigences de forme posée aux articles 148-1 et suivants du Code de procédure pénale doivent être strictement respectées et que la Cour de cassation a d’ailleurs récemment rappelé que le non respect de l’exigence de la déclaration au greffe d’une demande de mise en liberté prévue à l’article 148-6 du Code de procédure pénale était une formalité substantielle en considérant que « si le document déposé porte la mention déclaration au greffe, si ce mémoire a été signé par le conseil de l’intéressé, et s’il porte le cachet horodateur du greffe assorti de la date et de l’heure de dépôt, ainsi que la signature du greffier, la demande de mise en liberté qu’il contient a été présentée sans que n’ait été formalisée une déclaration au greffe » (Cass. crim., 4 janv. 2022, n° 21-85.822).
sa demande est recevable sous conditions qu’elle :
s’engage à se représenter à tous les actes de la procédure aussitôt qu’elle en sera requise, et à tenir informé le juge d’instruction de tous ses déplacements (CPP, art. 147),
justifie d’un changement de situation ayant une incidence sur les conditions ayant fondé son placement en détention provisoire au regard de l’article 144 du CPP.
Un tel changement sera caractérisé si la détention provisoire n’est plus « l’unique moyen de » (CPP, art. 144) :
« 1° Conserver les preuves ou les indices matériels qui sont nécessaires à la manifestation de la vérité ;
2° Empêcher une pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ;
3° Empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs ou complices ;
4° Protéger la personne mise en examen ;
5° Garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice ;
6° Mettre fin à l’infraction ou prévenir son renouvellement ;
7° Mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l’ordre public provoqué par la gravité de l’infraction, les circonstances de sa commission ou l’importance du préjudice qu’elle a causé. Ce trouble ne peut résulter du seul retentissement médiatique de l’affaire. Toutefois, le présent alinéa n’est pas applicable en matière correctionnelle. »
Lorsqu’une demande de mise en liberté est refusée, cela n’empêche pas de déposer d’autres demandes. Il convient tout de même d’user de cette faculté avec mesure et de ne déposer une nouvelle demande que si un changement de situation le justifie.
Une mise en liberté pouvant être justifiée par la possibilité d’atteindre les mêmes objectifs que la détention provisoire par un contrôle judiciaire, il est important de sensibiliser son client pour que, lui ou son entourage, apporte des garanties qui viendront renforcer son dossier.
Quelles preuves rassembler ? Tout élément de preuve permettant d’appuyer la demande de mise en liberté et notamment toute pièce de personnalité justifiant la possibilité d’un placement sous contrôle judiciaire (CPP, art. 138, tel que modifié par L. n° 2016-1547, 18 nov. 2016) : attestation d’un employeur éventuel, d’un hébergeant…
Lorsque l’état de santé du détenu justifie sa mise en liberté
La personne placée en détention provisoire peut également (CPP, art. 147-1) :
en toute matière demander sa mise en liberté ;
à tous les stades de la procédure ;
lorsqu’une expertise médicale établit que :
cette personne est atteinte d’une pathologie engageant le pronostic vital, ou
que son état de santé physique ou mentale est incompatible avec le maintien en détention
à condition qu’il n’existe pas de risque grave de renouvellement de l’infraction.
Une mise en liberté peut également être prononcée si le client est atteint d’une pathologie engageant son pronostic vital ou si son état de santé physique ou mentale est incompatible avec le maintien en détention.
Preuves nécessaires : Un rapport d’expertise médicale établissant que :
- le client est atteint d’une pathologie engageant son pronostic vital ou ;
- que son état de santé physique ou mentale est incompatible avec son maintien en détention (CPP, art. 147-1).
Toute pièce justifiant la possibilité d’un placement sous contrôle judiciaire.
En cas d’urgence, un certificat médical établi par le médecin responsable de la structure sanitaire dans laquelle le client est pris en charge ou par le remplaçant de ce médecin suffira (CPP, art. 147-1, al. 2).
Quels sont les textes applicables ?
CPP, art. 137-1 à 137-4, 143-1 à 148-8 et 191 à 207, 803-7(crée parL. n° 2016-731, 3 juin 2016)
Circ., n° 00-14 F1, 11 déc. 2000, présentant les dispositions de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes concernant l’instruction, la détention provisoire, le juge des libertés et de la détention et le jugement correctionnel.
A qui présenter la demande de mise en liberté (DML) ?
S’agissant de la compétence territoriale, ce sera toujours la compétence de la juridiction du même ressort que celle qui a prononcé la mise en détention provisoire.
Pour les demandes formulées au cours de l’instruction
Juge d’instruction
Compétence du juge d’instruction pour statuer sur la demande de mise en liberté du détenu pendant l’instruction et jusqu’à l’ordonnance de règlement.
Juge des libertés et de la détention (JLD)
Compétence du JLD pour statuer sur la demande de mise en liberté du détenu provisoire, après un refus du juge d’instruction d’accéder à cette demande .
Chambre de l’instruction
en cas de non-respect du délai de 5 jours pour statuer imposé au juge d’instruction (Cass. crim., 9 janv. 2007, n° 06-87.705 : JurisData n° 2007-037143) ;
en cas de non-respect du délai de 3 jours pour statuer, imposé au JLD (CPP, art. 148) ; le détenu provisoire est forclos pour saisir directement la chambre de l’instruction s’il n’a pas usé de cette faculté avant que le juge d’instruction ou le juge des libertés n’ait statué (Cass. crim., 12 avr. 2005, n° 05-80.686 : JurisData n° 2005-028279 ; Bull. crim. 2005, n° 124) ;
en cas d’expiration du délai de 4 mois depuis la dernière comparution devant le juge d’instruction (CPP, art. 148-4).
Pour les demandes formulées après la clôture de l’instruction (CPP, art. 148-1)
Quand la demande de mise en liberté est formulée alors qu’une juridiction de jugement est saisie :
- demande faite avant toute audience : compétence de la chambre de l’instruction ;
- demande faite au cours de l’audience de jugement : compétence de la juridiction de jugement saisie (y compris la cour d’assises si la demande de mise en liberté est formée pendant la session au cours de laquelle le détenu est jugé).
Quand la demande de mise en liberté est formulée alors qu’un pourvoi en cassation est formé :
- si le pourvoi est formé contre un arrêt de cour d’assises : compétence de la chambre de l’instruction ;
- si le pourvoi est formé contre une décision autre que celle d’une cour d’assises : compétence de la dernière juridiction qui a statué au fond.
Comment rédiger et déposer la demande de mise en liberté ?
Forme
Dans le cas d’une demande formulée durant l’instruction
Juge d’instruction d’abord
Dépôt de la demande au juge d’instruction par déclaration au greffe (CPP, art. 148-6, al. 1. et al. 2) ou LRAR envoyée au greffier lorsque la personne ou son avocat ne réside pas dans le ressort de la juridiction compétente (CPP, art. 148-6, al. 3) ou déclaration du détenu provisoire auprès du chef d’établissement pénitentiaire lorsque le prévenu ou l’accusé est détenu (CPP, art. 148-7).
Saisine du JLD ensuite
en cas de refus du juge d’instruction, la saisine du JLD est d’office ;
le juge d’instruction lui transmet le dossier de la procédure.
Saisine directe de la chambre de l’instruction :
en cas de non-respect des délais imposés au juge d’instruction et au JLD pour statuer (non-respect des délais de 3 et 5 jours), ou en cas d’expiration du délai de 4 mois depuis la dernière comparution devant le juge d’instruction, sans que l’ordonnance de règlement n’ait été rendue : saisine directe possible de la chambre de l’instruction ;
la demande est alors faite dans les formes des articles 148-6 et 148-7 au greffe de cette juridiction (CPP, art. 148-8, al. 1).
Dans le cas d’une demande formulée après la clôture de l’instruction
Demande formalisée auprès de la juridiction saisie par :
déclaration au greffe (CPP, art. 148-6, al. 1.et al. 2) ou LRAR envoyée au greffier lorsque la personne ou son avocat ne réside pas dans le ressort de la juridiction compétente (CPP, art. 148-6, al. 3) ou déclaration du détenu provisoire auprès du chef d’établissement pénitentiaire lorsque le prévenu ou l’accusé est détenu (CPP, art. 148-7).
OU
au cours de l’audience, la demande est formalisée par déclaration verbale constatée par le greffier ou par voie de conclusions, qu’il faut faire viser par le greffier au début de l’audience.
Quel est le contenu de la demande de mise en liberté ?
La demande de mise en liberté doit être justifiée et expliquer :
en quoi un changement de circonstances de fait a rendu la détention provisoire non justifiée au regard des conditions de l’article 144 du CPP (reprendre chaque objectif visé à l’article 144 du CPP et démontrer qu’il n’est plus l’unique moyen d’y parvenir) ou ;
que le client est atteint d’une pathologie engageant son pronostic vital ou que son état de santé est incompatible avec son maintien en détention et qu’il n’existe pas de risque grave de renouvellement de l’infraction (CPP, art. 147-1).
CA Montpellier, no 25/581 et , 1re ch. appels corr., 13 avr. 2023 c/ Ministère Public, M. Pons, près., M. Gelpi et Mme Guenot, cons. ; Me Gabeaud, av. : consultable sur https://lext.so/fUjo5x
La demande de mise en liberté doit contenir les éléments minimums permettant d’en apprécier la portée et la teneur, aux fins de permettre son instruction et son jugement dans les délais. Un courrier n’annonçant pas clairement son motif, ni dans son objet ni dans ses développements, au prix d’une rédaction spécieuse, ne constitue pas une demande de mise en liberté dès lors qu’elle ne permet pas au greffier de l’enregistrer sans avoir besoin de l’interpréter. Est dès lors irrecevable la demande de mise en liberté faite par courrier, déclarée dans la forme par lettre recommandée avec demande d’avis de réception conformément à l’article 148-6 du Code de procédure pénale, mais rédigée dans le but de tromper la vigilance du greffe de la juridiction quant à sa nature exacte. La formulation de la requête, évitant d’employer des termes simples tels que « demande de mise en liberté », et de ce fait empêchant d’en identifier la teneur exacte, constitue un procédé particulièrement déloyal, manifestement destiné à générer une erreur d’analyse.
Instruction du dossier par la juridiction
Examen de la demande par le juge d’instruction
Le juge d’instruction doit statuer dans les 5 jours au plus après avoir communiqué le dossier au procureur, les réquisitions de ce dernier figurant au dossier et étant alors en principe transmises à l’avocat du détenu.
Examen de la demande par la chambre de l’instruction
La demande de mise en liberté passe par le filtre du président de la chambre de l’instruction :
en cas de demande de mise en liberté manifestement irrecevable : le président de la chambre de l’instruction peut refuser, par ordonnance motivée non susceptible de recours, qu’il soit statué sur cette demande (CPP, art. 148-8, al. 2) ;
si le président de la chambre de l’instruction estime que la demande n’est pas manifestement irrecevable : délai de 20 jours à compter du lendemain du dépôt au greffe de la demande pour que la chambre de l’instruction statue, sur réquisitions écrites et motivées du procureur général ;
Si ce délai de 20 jours n’est pas respecté, le détenu sera libéré d’office, sauf si des vérifications relatives à sa demande ont été ordonnées (CPP, art. 148, al. 5).
Audience
Lorsque la demande est formulée avant la clôture de l’instruction
Devant le juge d’instruction et devant le juge des libertés et de la détention
Il n’y a pas d’audience organisée devant ces magistrats :
lors du dépôt de la demande de mise en liberté , l’avocat peut s’adresser directement au cabinet d’instruction pour demander si le juge d’instruction accepte de le recevoir, afin de soutenir la demande de mise en liberté de son client. Selon ses disponibilités et ses pratiques, le juge d’instruction peut accéder à une telle demande ;
le JLD ne reçoit généralement pas les avocats. Cette absence de débat contradictoire préalable à sa décision n’est pas contraire à la CEDH (Cass. crim., 26 févr. 2003, n° 02-88.131 : JurisData n° 2003-018244).
Devant la chambre de l’instruction
Avant l’audience devant la Cour, il convient :
de se faire communiquer les réquisitions du parquet ;
d’établir un mémoire et de le communiquer la veille au plus tard à l’heure de fermeture du greffe. L’article 198 du Code de procédure pénale modifié par la loi n° 2020-1729 du 22 décembre 2021 prévoit désormais que l’envoi du mémoire peut être effectué soit par dépôt au greffe avec indication du jour et de l’heure, soit par télécopie ou courrier recommandé AR au greffe, au Parquet et aux parties, lesquels doivent tous l’avoir reçu au plus tard la veille de l’audience.
La comparution personnelle du détenu est de droit s’il en fait la demande , directement ou par l’intermédiaire de son avocat. Cette demande doit être présentée en même temps que la demande de mise en liberté adressée à la chambre de l’instruction.
La loi n° 2020-1729 du 22 décembre 2021 précise désormais à l’article 199 du Code de procédure pénale que lorsque le mis en examen comparait devant la chambre de l’instruction, elle ne peut être entendue qu’après avoir été informée de son droit de se taire sur les faits qui lui sont reprochés.
Le débat se déroule en audience publique, sauf opposition prévue à l’article 199 alinéa 2 du CPP.
Le débat est contradictoire : l’avocat du détenu provisoire a le droit de présenter des observations après le rapport du conseiller et les réquisitions du procureur général (CPP, art. 199, al. 3). Le détenu provisoire, présent pendant les débats, ainsi que son avocat qui a demandé à présenter des observations sommaires doit avoir la parole en dernier (Cass. crim., 28 mai 2002, n° 01-85.684, n° 96-84.639 : JurisData n° 2002-014955 ; Bull. crim. 2002, n° 119).
Devant une juridiction statuant après clôture de l’instruction
La juridiction de jugement saisie de la demande de mise en liberté , examine cette demande au cours de débats contradictoires, en auditionnant le détenu provisoire et/ou son avocat, et le ministère public (CPP, art. 148-2, al. 1).
Si le prévenu a déjà comparu devant la juridiction moins de 4 mois auparavant, l’audition du détenu peut être refusée (CPP, art. 148-2, al. 1).
Décision du juge
5.1. Décision en réponse à une demande formulée en cours d’instruction
5.1.1. Délai et forme de la décision
Décision du juge d’instruction ou du JLD :
Le juge d’instruction rend dans les 5 jours au plus après avoir communiqué le dossier au procureur :
soit une ordonnance motivée de libération du détenu : notification de la décision puis libération du détenu ;
soit il transmet par ordonnance motivée au JLD, la demande de mise en liberté (CPP, art. 148, al. 3).
Le délai de 5 jours court à compter du lendemain du jour où le dossier a été communiqué au procureur (Cass. crim., 19 mars 1985, n° 85-90.391 : JurisData n° 1985-700683 ; Bull. crim. 1985, n° 114).
Le JLD rend son ordonnance motivée dans les 3 jours ouvrables après réception du dossier (CPP, art. 148, al. 3) : notification de l’ordonnance du JLD à la personne concernée, qui en reçoit copie intégrale contre émargement au dossier de la procédure (CPP, art. 137-3, al. 2).
Si une demande de mise en liberté ou l’appel d’une ordonnance de refus de mise en liberté est en cours, les délais de 5 et de 3 jours ne commencent à courir qu’à compter de la décision rendue.
Attention : Le JLD ne peut rejeter une demande de mise en liberté , sans que le demandeur ou son avocat ait pu avoir communication de l’avis du juge d’instruction et des réquisitions du ministère public (Cons. const., déc. 17 déc. 2010, n° 2010-62 QPC : JO 19 déc. 2010, p. 22372, réserve d’interprétation relative à l’article 148 du CPP).
Décision de la chambre de l’instruction :
La chambre de l’instruction, qui a été saisie directement, car les délais impartis au juge d’instruction ou au JLD n’ont pas été respectés ou que le délai de 4 mois depuis la dernière comparution devant le juge d’instruction a expiré sans que l’ordonnance de règlement n’ait été rendue, doit statuer dans les 20 jours de sa saisine, faute de quoi le détenu provisoire est mis d’office en liberté sauf si des vérifications concernant sa demande ont été ordonnées (CPP, art. 148, al. 5).
Elle rend un arrêt qui doit être motivé et qui doit respecter les formes prescrites par l’article 216 du CPP. Il doit être porté à la connaissance des avocats des parties dans les 3 jours par LRAR (CPP, art. 217). Le non-respect de ce délai a pour effet de retarder le point de départ du délai de pourvoi en cassation.
5.1.2. Contenu de la décision
Dans le cas où plusieurs demandes de mise en liberté seraient formulées par un même détenu provisoire, une décision commune peut répondre à ces différentes demandes.
En cas de refus de la demande de mise en liberté :
l’ordonnance du juge d’instruction ou du JLD, ou l’arrêt de la chambre de l’instruction, doit justifier précisément que les conditions des articles 143-1 et 144 du CPP sont remplies ou que la mise en liberté ne peut être ordonnée au regard de l’article 147-1 du CPP ;
si la détention est de plus d’un an en matière criminelle, et de plus de 8 mois en matière correctionnelle, l’ordonnance du juge d’instruction ou du JLD, ou l’arrêt de la chambre de l’instruction, devra en outre préciser que la poursuite de l’information est justifiée et la durée prévisible d’achèvement de la procédure (CPP, art. 145-3). L’arrêt qui ne comporte pas d’indication particulière justifiant la poursuite de l’information doit donc être censuré (Cass. crim. 22 févr. 2011, n° 10-88.186 : JurisData n° 2011-003148).
En cas d’acceptation de la demande de mise en liberté , l’ordonnance du juge d’instruction ou du JLD, ou l’arrêt de la chambre de l’instruction, n’a pas à être spécialement motivé.
La décision de mise en liberté peut être assortie d’un placement sous contrôle judiciaire ou d’une assignation à résidence avec surveillance électronique. (CPP, art. 147-1, al. 3 et art. 148, al. 4).
Le détenu est quant à lui remis en liberté après un délai de 4 heures, sauf si le procureur de la République utilise la procédure de référé-détention (CPP, art. 148-1-1. – V. « Recours ou contestation »).
5.2. Décision de la juridiction en réponse à une demande formulée après la clôture de l’instruction
5.2.1. Délai et forme de la décision
La personne n’a pas encore été jugée en premier ressort : le délai pour statuer est de 10 jours ou 20 jours à compter de la réception de la demande (CPP, art. 148-2, al. 2), selon que la juridiction saisie est du premier ou du second degré.
La personne a été jugée en premier ressort et est en instance d’appel : le délai pour statuer est de 2 mois à compter de la demande .
La personne a été jugée en second ressort et a formé un pourvoi en cassation : le délai pour statuer est de 4 mois à compter de la demande .
Si une précédente demande de mise en liberté est en cours, le point de départ du délai n’est pas la demande , mais le jour de la décision rendue sur la précédente demande (CPP, art. 148-2, al. 3).
Les décisions statuant sur les demandes de mise en liberté formulées seront des jugements s’ils sont rendus par le tribunal correctionnel ou des arrêts s’ils sont rendus par la chambre d’instruction ou la cour d’assises.
5.2.2. Contenu de la décision
La décision doit être motivée au regard de l’article 144 du CPP ou de l’article 147-1 du CPP .
La décision de mise en liberté peut être assortie d’un placement sous contrôle judiciaire ou d’une assignation à résidence avec surveillance électronique. (CPP, art. 147-1, al. 3 et art.148, al.4).
La décision qui ordonne la mise en liberté immédiate d’une personne dont la détention provisoire est irrégulière en raison du non-respect des délais ou formalités prévus par le CPP, peut placer la personne sous contrôle judiciaire si cette mesure est indispensable pour assurer l’un des objectifs énumérés à l’article 144 (CPP, art. 803-7, créé par L. n° 2016-731, 3 juin 2016).
Exemple : La cour d’assises peut motiver un refus de mise en liberté, si une telle mesure risque de nuire au bon déroulement du procès, notamment si le détenu risque de faire pression sur des témoins (Cass. crim., 9 févr. 2000, n° 99-83.310 : Bull. crim 2000, n° 63).
Fin de la procédure
6.1. Lorsque la situation du détenu a changé au regard de l’article 144 du CPP
Seule la condamnation définitive du détenu met fin à sa possibilité de déposer des demandes de mise en liberté (Cass. crim., 24 avr. 2003, n° 03-80.582 : JurisData n° 2003-019022 ; Bull. crim. 2003, n° 88 ; JCP G 2003, IV, 2124).
6.2. Lorsque l’état de santé du détenu justifie sa mise en liberté
Après une mise en liberté justifiée par une raison médicale, l’évolution de l’état de santé du client peut constituer un élément nouveau permettant qu’il fasse l’objet d’une nouvelle décision de placement en détention provisoire, dès lors que les conditions de l’article 144 sont réunies (CPP, art. 147-1, al. 4).
Recours ou contestation contre la décision du juge
7.1. Recours du détenu
7.1.1. Appel du détenu
Appel des ordonnances de refus de mise en liberté rendues en cours d’instruction :
Le détenu provisoire ou son avocat peuvent interjeter appel des ordonnances du juge d’instruction ou du JLD rejetant une demande de mise en liberté ou assortissant la mise en liberté d’un placement sous contrôle judiciaire (CPP, art. 186, al. 1.– Cons. const, déc. 13 juill. 2011, n° 2011-153 QPC : JO 14 juill. 2011, p. 12251).
Le délai d’appel est de 10 jours à compter de la notification ou de la signification de la décision (CPP, art. 186, al. 4).
Le retard du JLD pour notifier l’ordonnance de refus de mise en liberté diffère le point de départ du délai d’appel et ne permet pas une saisine directe de la chambre de l’instruction (Cass. crim., 12 avr. 2005, n° 05-80.686 : JurisData n° 2005-028279 ; Cass.crim., 25 sept.2013, n° 13-85-072).
La déclaration d’appel doit être faite au greffier de la juridiction qui a rendu la décision attaquée : elle doit être signée par le greffier et par l’appelant lui-même, ou par un avoué près la juridiction qui a statué, ou par un avocat ou par un fondé de pouvoir spécial (CPP, art. 502, modifié par L. n° 2016-731, 3 juin 2016).
Le détenu provisoire a également la possibilité de transmettre sa déclaration d’appel au chef de l’établissement pénitentiaire : cette déclaration est constatée, datée et signée par ce dernier et par l’appelant, s’il ne peut signer, il en sera fait également mention par le greffier. Cette déclaration est adressée sans délai, en original ou en copie, au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée (CPP, art. 503).
La chambre de l’instruction doit statuer dans les plus brefs délais et au plus tard dans les 15 jours de l’appel, à défaut, le détenu sera remis en liberté d’office, sauf si des vérifications étaient nécessaires ou en cas de circonstances imprévisibles et insurmontables faisant obstacle au jugement de l’affaire dans le délai prévu (CPP, art. 194, al. 4).
Les vérifications nécessaires permettent à la chambre d’apprécier le bien-fondé de la demande du détenu provisoire. Tel est le cas d’une requête déposée par l’avocat du détenu dans l’intérêt de son client (Cass. crim., 12 avr. 2005, n° 05-80.431 et n° 05-80.432 : JurisData n° 2005-028280 ; Bull. crim. 2005, n° 123).
Les circonstances imprévisibles et insurmontables sont des évènements extérieurs au service de la justice.
Lorsqu’elle statue sur un appel, la chambre de l’instruction peut, lors de l’audience et avant la clôture des débats, se saisir de toute demande de mise en liberté sur laquelle le juge d’instruction ou le JLD n’a pas encore statué. La chambre de l’instruction se prononcera sur l’appel et la demande dans une seule décision (CPP, art. 207, in fine).
La chambre de l’instruction doit motiver sa décision au regard de l’article 144 du CPP ou de l’article 147-1 du CPP.
Appel des décisions de refus de mise en liberté rendues après la clôture de l’instruction :
Les décisions de refus de mise en liberté après la clôture de l’instruction rendues par les juridictions du premier ressort sont susceptibles d’appel.
Les arrêts de la cour d’assises statuant sur la détention provisoire de l’accusé ne sont pas susceptibles d’appel (Circ. CRIM 00-14 F1, 11 déc. 2000, art. V.1.1).
Le délai d’appel est de 24 heures et la cour doit statuer dans les 20 jours (Cass. crim., 8 juin 1999 : Bull. crim. 1999, n° 122).
Il en est de même que pour l’appel des décisions de refus de mise en liberté rendues avant la clôture de l’instruction (CPP, art. 502).
La procédure d’appel des décisions des juridictions correctionnelles statuant sur les demandes de mise en liberté n’est pas soumise à la procédure prévue par les articles 507 et 508 du CPP. Elle est régie par les articles 148-1, 148-2 et 501 du CPP.
La cour d’appel sera compétente pour statuer sur les appels des jugements rendus par le tribunal correctionnel.
7.1.2. Pourvoi en cassation du détenu
Le pourvoi en cassation est une voie de recours ouverte contre les seules décisions juridictionnelles rendues en dernier ressort. Il est la seule voie de recours contre les arrêts de la chambre de l’instruction.
Le délai de pourvoi est de 5 jours francs et commence à courir à compter du prononcé de la décision ou de sa signification (CPP, art. 568).
Tant que le juge d’instruction n’a pas clôturé son information, le délai de pourvoi court à compter du jour de la notification de l’arrêt de la chambre de l’instruction (Cass. crim., 4 mars 1997, n° 96-83.636 : JurisData n° 1997-005672 ; Bull. crim. 1997, n° 82).
Le mémoire exposant les moyens de cassation doit, à peine de déchéance du pourvoi, et sauf décision du président de la chambre criminelle, être déposé dans un délai de 1 mois à compter de la réception du dossier (CPP, art. 567-2, al. 2).
La chambre criminelle doit statuer dans les 3 mois qui suivent la réception du dossier à la Cour de cassation, faute de quoi l’inculpé est mis d’office en liberté (CPP, art. 567-2, al. 1).
La déclaration de pourvoi doit être faite auprès du greffier de la juridiction qui a rendu la décision attaquée et selon les formes prévues à l’article 576 du CPP.
La décision d’accéder ou de refuser une demande de mise en liberté est une question de fait qui échappe au contrôle de la Cour de cassation, dès lors qu’elle est fondée sur un motif légitime (Cass. crim., 10 févr. 1966 : Bull. crim. 1966, n° 40).
Le contrôle de la Cour de cassation porte uniquement sur la motivation.
Un pourvoi ne sera donc utilement formé qu’en cas de défaut de motivation d’une décision, indépendamment de son bien-fondé.
Recours du ministère public (Appel du ministère public)
Suite à la notification d’une ordonnance de mise en liberté du JLD ou du juge d’instruction, contraire à ses réquisitions, le procureur de la République :
peut estimer, malgré ses réquisitions de maintien en détention,ne pas avoir à s’opposer à la mise en liberté immédiate de la personne, et, sans préjudice de son droit de former ultérieurement appel dans le délai prévu par l’article 185 du CPP (5 jours suivant la notification de la décision), retourner l’ordonnance au magistrat qui l’a rendue en mentionnant sur celle-ci qu’il ne s’oppose pas à sa mise à exécution. La personne est alors mise en liberté, si elle n’est pas détenue pour autre cause (CPP, art. 148-1-1) ;
peut interjeter appel de l’ordonnance devant le greffier du JLD ou du juge d’instruction (CPP, art. 185). La personne mise en examen est avisée de la date d’audience. Sa comparution personnelle à l’audience est de droit (CPP, art. 199, tel que modifié par L. n° 2016-731, 3 juin 2016).
peut, s’il interjette appel dans un délai de 4 heures à compter de cette notification, à peine d’irrecevabilité, saisir dans le même temps le premier président de la cour d’appel (ou en cas d’empêchement, le magistrat qui le remplace) d’un référé-détention (CPP, art. 148-1-1 et 187-3) afin de déclarer l’appel suspensif :
Le premier président de la cour d’appel statue, au vu des éléments du dossier, par une ordonnance motivée insusceptible de recours, au plus tard le 2e jour ouvrable suivant la demande : s’il ne statue pas dans ce délai, la personne est remise en liberté d’office, sauf si elle est détenue pour autre cause :
s’il estime que le maintien en détention de la personne est manifestement nécessaire au vu d’au moins deux critères prévus par l’article 144 du CPP, jusqu’à ce que la chambre de l’instruction statue sur l’appel du ministère public, il ordonne la suspension des effets de l’ordonnance de mise en liberté jusqu’à cette date et la personne reste détenue jusqu’à l’audience de la chambre devant laquelle sa comparution personnelle est de droit ;
la chambre de l’instruction doit alors se prononcer dans les plus brefs délais et au plus tard dans les 10 jours de l’appel, faute de quoi la personne est remise d’office en liberté si elle n’est pas détenue pour autre cause ;
dans le cas contraire, il ordonne sa mise en liberté dans les mêmes limites.
Absence de recours des parties civiles
Les parties civiles ne peuvent pas contester les ordonnances statuant sur une demande de mise en liberté ou sur un contrôle judiciaire (CPP, art. 186).
Quelles sont les techniques pour obtenir sa mise en liberté à 100 % ?
Jouer sur le délai court de réponse de la chambre de l’instruction
Cette astuce est donnée directement par Madame Isabelle COUDERC, vice-présidente chargée de l’instruction au Tribunal Judiciaire de Marseille et coordonnatrice à la JIRS : “en envoyant un courrier contenant une saisine directe de la chambre de l’instruction avec la seule mention « Greffe de la cour d’appel », qui peut donc concerner le greffe commercial ou social : si ce courrier n’est pas immédiatement orienté vers la chambre de l’instruction pour être traité dans les délais, l’intéressé devra être remis en liberté.”
Monsieur Franck RASTOUL, Procureur général de la cour d’appel d’Aix, explique également cette technique dans le Le reportage de l’oeil du 20h : la DML est adressée par l’avocat par LRAR en indiquant uniquement “Greffe de la cour d’appel”, sans préciser lequel. Le temps que le bon greffe, celui de la chambre de l’instruction, reçoive le courrier, le délai peut avoir expiré et la remise en liberté doit alors être automatique.