Comment engager la responsabilité du notaire ?

Qu’est-ce que la responsabilité civile professionnelle (RCP) du notaire et pourquoi est-elle importante ?

Le notaire est un officier public qui a pour mission de rédiger et d’authentifier des actes juridiques, tels que les contrats de mariage, les donations, les ventes immobilières, les successions, etc. Il a également un rôle de conseil auprès de ses clients, qu’il doit éclairer sur les conséquences juridiques, fiscales et patrimoniales de leurs engagements.

En raison de l’importance de ses fonctions, le notaire est soumis à une obligation d’assurer sa responsabilité civile professionnelle, c’est-à-dire de couvrir les dommages qu’il pourrait causer à ses clients ou à des tiers par ses fautes, ses négligences ou ses erreurs professionnelles du notaire dans l’exercice de son activité. Cette obligation est prévue par l’article 13 du décret du 20 mai 1955.

La responsabilité civile professionnelle du notaire est donc un élément essentiel pour garantir la sécurité juridique des actes notariés et la protection des intérêts des clients.

Mais comment engager la responsabilité civile professionnelle du notaire en cas de préjudice ?

Quelles sont les conditions et les modalités pour obtenir réparation ? C’est ce que nous allons voir dans cet article.

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Les cas où la responsabilité civile professionnelle du notaire peut être engagée

La responsabilité civile professionnelle du notaire peut être engagée dans trois cas principaux : les fautes du notaire dans l’authentification des actes, les manquements du notaire à son devoir de conseil, et les erreurs du notaire dans les formalités postérieures à l’acte.

Défaut d’authentification des actes

L’authentification des actes est la principale fonction du notaire. Elle consiste à donner aux actes qu’il reçoit une force probante et une force exécutoire, c’est-à-dire à les rendre incontestables et opposables à tous. Pour cela, le notaire doit respecter certaines règles de forme et de fond, telles que la vérification de l’identité et de la capacité des parties, la mention des mentions obligatoires, la lecture et la signature de l’acte, etc.

Si le notaire commet une faute dans l’authentification des actes, il engage sa responsabilité civile professionnelle à l’égard de ses clients, mais aussi à l’égard des tiers qui auraient pu subir un préjudice du fait de l’acte. Par exemple, si le notaire ne vérifie pas la validité du titre de propriété du vendeur d’un bien immobilier, il peut être responsable envers l’acquéreur qui découvre que le bien est grevé d’une hypothèque ou d’une servitude.

Défaut d’efficacité technique et pratique des actes qu’il instrumente

En tant que rédacteur d’actes, le notaire est soumis à des obligations qui ont pour objectif d’assurer l’efficacité de l’acte en question. La qualité de rédacteur d’actes donne lieu à diverses obligations qui constituent le prolongement de sa mission. Cette obligation d’efficacité de l’acte est le prolongement de sa mission de rédacteur. En d’autres termes, la mission du notaire n’est pas simplement de rédiger l’acte : il doit, en plus, veiller à ce qu’il produise tous ses effets. Le notaire doit veiller à l’efficacité technique et pratique des actes qu’il instrumente. ( Civ. 1re, 23 janv. 2008, n° 06-17.489, D. 2008. 483 ; 2 juill. 2014, n° 13-19.798).

Les manquements du notaire à son devoir de conseil

Le notaire, rédacteur d’un acte, est tenu d’informer et d’éclairer les parties sur la portée, les effets et les risques, notamment juridiques et fiscaux, de l’acte par lequel elles s’engagent mais il n’a pas à apprécier l’opportunité économique de l’opération (notamment, Cass. 1e civ. 1-2-2023 no 20-16.905 F-D ; Cass. 1e civ. 23-11-2022 no 19-24.632 FS-D ; dans le même sens, Règl. professionnel du notariat, ann. art. 22.1).

Il incombe au notaire de prouver qu’il a exécuté son devoir d’information et de conseil (Cass. 1e civ. 8-1-2020 no 18-23.948 F-D).

Sur l’acte en tant que tel

Le notaire a également un devoir de conseil envers ses clients, qu’il doit informer et éclairer sur le contenu et les conséquences des actes qu’ils signent. Ce devoir de conseil s’étend à tous les aspects juridiques, fiscaux et patrimoniaux des actes, et implique que le notaire adapte son conseil à la situation personnelle de chaque client.

Si le notaire manque à son devoir de conseil, il engage sa responsabilité civile professionnelle à l’égard de ses clients qui ont subi un préjudice du fait de leur ignorance ou de leur erreur sur les effets de l’acte. Par exemple, si le notaire ne conseille pas à un couple de choisir un régime matrimonial adapté à leur situation, il peut être responsable en cas de divorce ou de décès de l’un des époux.

Le notaire qui donne la forme authentique à la convention des parties est tenu de les conseiller même s’il s’est contenté de retranscrire un accord auquel elles sont déjà parvenues sans son aide (Cass. 1e civ. 22-1-2002 no 99-16.875 F-D ; Cass. 1e civ. 6-2-2013 no 12-12.123 F-D). Ainsi, le notaire qui rédige un acte de prêt ne peut voir sa responsabilité écartée aux seuls motifs que le prêt a été négocié directement entre les parties qui ont signé les actes sous signature privée préalables et que le déblocage des fonds devait intervenir hors de sa comptabilité (Cass. 1e civ. 3-4-2007 no 06-13.304 FS-PB : RJDA 10/07 no 1030).

Sur les actes interdépendants

Le notaire n’est en principe pas tenu de conseiller les parties au sujet des contrats conclus sans son intervention.

SAUF si lorsque l’opération à laquelle il a prêté son concours est liée à un acte antérieur, créant un lien de dépendance entre les actes successifs : il doit alors examiner les actes initiaux et appeler l’attention des parties sur leurs stipulations (Cass. 1e civ. 19-11-2009 no 08-19.173 FS-PBI : RJDA 3/10 no 292). En revanche, quand les parties ont décidé, lors de la signature d’un acte de vente d’un fonds de commerce devant notaire, de dissocier cette vente de la cession d’un bail, le devoir de conseil du notaire ne s’étend pas à l’opération que les parties ont exclu de réaliser à l’occasion de la vente qu’elles lui ont demandé d’authentifier (Cass. 1e civ. 11-3-2010 no 09-13.047 F-D).

Il faut donc déterminer dans quelle mesure le notaire a participé à l’opération globale.

Les erreurs du notaire dans les formalités postérieures à l’acte

Le notaire est également responsable des formalités qui doivent être accomplies après la signature de l’acte, telles que l’enregistrement, la publicité foncière, le paiement des droits et taxes, le respect des délais, etc. Ces formalités sont indispensables pour assurer la validité et l’opposabilité de l’acte, ainsi que pour éviter les sanctions fiscales ou pénales.

Si le notaire commet une erreur dans les formalités postérieures à l’acte, il engage sa responsabilité civile professionnelle à l’égard de ses clients qui ont subi un préjudice du fait de l’inefficacité ou de la nullité de l’acte, ou du paiement de pénalités ou d’intérêts de retard. Par exemple, si le notaire ne publie pas dans les délais le contrat de vente d’un bien immobilier, il peut être responsable envers l’acquéreur qui se voit opposer une saisie ou une vente forcée du bien par un créancier du vendeur.

Responsabilité contractuelle ou délictuelle du Notaire ?

Lorsqu’il agit en qualité d’officier ministériel, les fautes commises par le notaire engagent sa responsabilité délictuelle (Cass. 1re civ., 6 juin 2018, n° 17-13.975). Tous les actes accomplis dans l’exercice de cette mission, entendue strictement, relèvent ainsi d’un même bloc de responsabilité extra-contractuelle.

Pour déterminer la nature de la responsabilité notariale, la jurisprudence examine, dans chaque affaire, la mission effectivement accomplie. Lorsque le notaire manque à une obligation inhérente à sa fonction d’officier public, la responsabilité est nécessairement délictuelle ou quasi délictuelle (Cass. req., 16 févr. 1910 : D. 1912, 1, p. 183 ; Cass. civ., 9 mai 1916 : D. 1921, 1, p. 24 ; Cass. civ., 21 juill. 1921 : D. 1925, 1, p. 29 ; Cass. req., 28 mai 1936 : S. 1936, 1, p. 253 ; Cass. req., 6 janv. 1943 : JCP N 1947, II, 3831, note Maguet ; Cass. 1re civ., 5 janv. 1968 : JCP N 1968, II, 15404 ; Cass. 1re civ., 12 avr. 2005, n° 03-14.842 ; Cass. 1re civ., 23 janv. 2008, n° 06-17.489 ; Cass. 1re civ., 2 juill. 2014, n° 13-19.798).

En revanche, la responsabilité est contractuelle lorsque le notaire accepte des missions dépassant celles imposées par la loi, notamment lorsqu’il intervient comme mandataire ou, plus rarement, gérant d’affaires (Cass. 1re civ., 6 déc. 1949 : JCP N 1950, II, 5245 ; CA Versailles, 24 sept. 2009, n° 08/0146 ; CA Paris, 27 mars 2013, n° 12/11998, en matière disciplinaire : le notaire ne peut signer un acte simultanément comme officier public et mandataire d’une partie).
Dans cette logique, la jurisprudence a retenu la responsabilité du notaire en qualité de mandataire (Cass. civ., 8 mai 1944 : S. 1945, 1, p. 88 ; Cass. civ., 1er juill. 1958 : JCP N 1959, II, 10945 ; Cass. 1re civ., 22 sept. 2011, n° 09-15.991 ; Cass. 1re civ., 16 nov. 2016, n° 15-25.416), tandis que d’autres décisions ont refusé cette qualification (Cass. 1re civ., 26 juin 1989 : Bull. civ. I, n° 209 ; Journ. not. 1989, art. 58300, n° 5, note J. de Poulpiquet ; Cass. 1re civ., 17 nov. 2011, n° 10-19.973 ; Cass. 1re civ., 2 juill. 2014, n° 13-20.310 ; Cass. 3e civ., 29 oct. 2015, n° 14-23.475).

La doctrine résume ainsi l’approche jurisprudentielle : à la dualité des fonctions du notaire correspond un double régime de responsabilité, et le fondement applicable dépend exclusivement des circonstances de l’espèce (V. R. Nerson, Journ. not., 1966).

Cette analyse conduit naturellement à constater l’absence de règle unique. La nature de la responsabilité dépend du rôle exact assumé par le notaire lors de la survenance du dommage. La Cour de cassation l’a exprimé clairement : « si les obligations du notaire qui tendent à assurer l’efficacité de l’acte instrumenté par lui et constituent le prolongement de sa mission de rédacteur d’actes relèvent de sa responsabilité délictuelle, il en va différemment lorsque celui-ci a souscrit une obligation contractuelle envers son client » (Cass. 1re civ., 12 avr. 2005, n° 03-14.842 ; JCP N 2005, n° 21, act. 232 ; Defrénois 2005, 38301, note J.-L. Aubert ; Rev. notaires 2005, n° 5, p. 4, note H. Slim).
À l’inverse, la responsabilité reste délictuelle en cas de restitution erronée de droits d’enregistrement ou de défaut de paiement du prix de vente d’un immeuble (Cass. 1re civ., 19 sept. 2007, n° 04-16.086 ; Cass. 1re civ., 2 juill. 2014, n° 13-19.798 ; Cass. 1re civ., 23 janv. 2008, n° 06-17.489).
Dans le même sens, R. Bigot a souligné l’émergence d’un critère nouveau : le « prolongement » de l’acte instrumenté (RLDC 2008/45, n° 2810).

Cette dualité n’instaure néanmoins ni cumul, ni option : le juge n’a pas le choix du fondement, lequel s’impose à lui à l’issue de l’analyse des faits.

Appréciation critique de la solution dualiste

Si ce schéma paraît, en théorie, satisfaisant, sa mise en œuvre se révèle délicate. La frontière entre la mission de service public du notaire et les missions d’intérêt privé qu’il peut assumer pour ses clients est souvent difficile à tracer. Les deux aspects se combinent en effet dans un même résultat : l’élaboration de l’acte notarié.
De plus, la Cour de cassation inclut désormais dans le domaine délictuel les prolongements de l’acte instrumenté, c’est-à-dire toutes les diligences destinées à en garantir l’efficacité juridique. Or certaines de ces diligences — par exemple la prise de garanties — pourraient tout autant relever d’un mandat.

Enfin, cette dichotomie est fragilisée par l’extension constante du devoir de conseil. L’omniprésence de cette obligation, dans des domaines autrefois réservés au mandat ou à la gestion d’affaires, tend à brouiller la frontière entre sphère contractuelle et sphère délictuelle, au point que la distinction perd progressivement de sa netteté.

Les conditions pour mettre en œuvre la responsabilité civile professionnelle du notaire

Pour mettre en œuvre la responsabilité civile professionnelle du notaire, il faut réunir trois conditions : la preuve de la faute du notaire, la preuve du préjudice subi par le client, et la preuve du lien de causalité entre la faute et le préjudice.

Que dit la jurisprudence sur la condamnation du notaire ?

La preuve de la faute du notaire

La faute du notaire s’apprécie en fonction des obligations professionnelles qui lui incombent, et qui sont définies par la loi, les règlements, les usages et la déontologie de la profession. Il appartient au client qui invoque la responsabilité civile professionnelle du notaire de rapporter la preuve de la faute, sauf dans le cas du devoir de conseil, où c’est au notaire de prouver qu’il a bien rempli son obligation.

La faute du notaire peut être une faute intentionnelle, c’est-à-dire commise avec la volonté de nuire ou de tirer un profit personnel, ou une faute non intentionnelle, c’est-à-dire commise par imprudence, négligence ou ignorance. La faute du notaire peut être celle du notaire lui-même, ou celle d’un de ses collaborateurs, tels que les clercs ou les salariés de l’étude. Dans ce cas, le notaire est responsable des fautes de ses subordonnés, car il est le seul à authentifier les actes.

Il y aura faute chaque fois qu’il y a manquement des obligations d’un notaire envers son client.

La preuve du préjudice subi par le client

Le préjudice subi par le client est la conséquence dommageable de la faute du notaire. Il doit être certain, actuel et personnel, c’est-à-dire qu’il doit être établi avec certitude, qu’il doit exister au moment de la demande de réparation, et qu’il doit affecter directement le client. Il appartient au client qui invoque la responsabilité civile professionnelle du notaire de rapporter la preuve du préjudice, en produisant des éléments de nature à en évaluer l’importance.

Le préjudice subi par le client peut être de nature patrimoniale ou extrapatrimoniale, c’est-à-dire qu’il peut porter atteinte à son patrimoine ou à ses droits non pécuniaires, tels que son honneur, sa réputation, sa vie privée, etc. Par exemple, le préjudice d’un client peut être la perte d’une chance de conclure une affaire, la diminution de la valeur d’un bien, le paiement de frais supplémentaires, l’atteinte à son image, etc.

La preuve du lien de causalité entre la faute et le préjudice

Le lien de causalité entre la faute du notaire et le préjudice du client est le rapport de cause à effet qui existe entre les deux. Il doit être direct et certain, c’est-à-dire que la faute du notaire doit être la cause unique ou principale du préjudice, et que le préjudice doit être la conséquence nécessaire et prévisible de la faute. Il appartient au client qui invoque la responsabilité civile professionnelle du notaire de rapporter la preuve du lien de causalité, en démontrant que sans la faute du notaire, le préjudice n’aurait pas eu lieu.

Le lien de causalité entre la faute du notaire et le préjudice du client peut être rompu par l’intervention d’un fait extérieur, qui est indépendant de la volonté du notaire et qui a contribué à la réalisation du dommage. Ce fait extérieur peut être le fait d’un tiers, le fait du client lui-même, ou le fait du prince, c’est-à-dire un événement imprévisible et irrésistible, tel qu’un cas fortuit, une force majeure, ou un changement de législation. Dans ce cas, le notaire est exonéré de sa responsabilité civile professionnelle, sauf si le fait extérieur était prévisible ou évitable.

Et en cas d’acte d’un notaire salarié ?

Lorsqu’un notaire exerce en qualité de salarié, il n’engage pas personnellement sa responsabilité civile professionnelle pour les actes qu’il accomplit. Conformément à l’article 6 du décret du 15 janvier 1993, c’est le titulaire de l’office notarial qui répond des actes réalisés par son notaire salarié dans le cadre de ses fonctions.

Il est juridiquement impossible d’assigner directement le notaire salarié, car celui-ci agit sous l’autorité du notaire titulaire. En cas d’erreur ou de manquement, c’est donc le titulaire de l’office qui assume la responsabilité civile et doit indemniser le client pour le préjudice subi.

➡ En pratique, toute action en responsabilité doit être engagée contre le titulaire de l’office notarial — et non contre le salarié — pour espérer obtenir réparation.

Le titulaire de l’office est civilement responsable du fait de l’activité professionnelle exercée pour son compte par le notaire salarié.

Article 6 Décret n°93-82 du 15 janvier 1993 portant application de l’article 1er ter de l’ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 et relatif aux notaires salariés
« Le titulaire de l’office est civilement responsable du fait de l’activité professionnelle exercée pour son compte par le notaire salarié. »

Les modalités de la réparation du préjudice causé par le notaire

La réparation du préjudice causé par le notaire consiste à indemniser le client qui a subi un dommage du fait de la faute du notaire. Elle dépend des garanties offertes par l’assurance responsabilité civile professionnelle du notaire, des recours possibles contre le notaire ou son assureur, et des délais pour agir en responsabilité civile professionnelle contre le notaire.

La réparation intégrale du préjudice

La responsabilité notariale est régie par le principe de réparation intégrale (Cass. 1re civ., 9 nov. 2004, n° 02-12.506 : JurisData n° 2004-025552 . – Cass. 1re civ., 29 nov. 2005 : Bull. civ. I, n° 451 . – Cass. 1re civ., 30 oct. 2013, n° 12-20.997 : JurisData n° 2013-024178 ; Resp. civ. et assur. 2014, comm. 21 , par H. Groutel. – Cass. 1re civ., 2 juill. 2014, n° 13-17.894 : Resp. civ. et assur. 2014, repère 10 , par H. Groutel. – Cass. 1re civ., 21 juin 2017, n° 15-17.059 . – Cass. 1re civ., 5 avr. 2018, n° 17-14.114 ).

La perte de chance

La perte d’une chance se définit comme « la disparition certaine d’une éventualité favorable ». Elle constitue un dommage actuel et certain dès lors qu’elle prive une personne d’une probabilité raisonnable d’obtenir un avantage ou d’éviter un préjudice (Cass. 1re civ., 5 févr. 2014, n° 12-29.476 ; Cass. 1re civ., 30 avr. 2014, n° 13-16.380).

Encore faut-il que la chance perdue soit réelle, sérieuse et raisonnable. La jurisprudence l’exige de manière constante (Cass. 2e civ., 23 juin 1993, n° 91-20.728 ; Bull. civ. II, n° 233 ; CA Versailles, 1re ch., 6 avr. 2006, n° 05/02768 ; Cass. 1re civ., 27 juin 2006, n° 04-14.938).

Dans le domaine de l’activité notariale, de nombreux exemples illustrent les contours de ce préjudice particulier. La perte de chance a ainsi été reconnue pour :

  • ne pas avoir pu réaliser un acte à la date ou aux conditions prévues (Cass. 1re civ., 10 mars 1964, Bull. civ. I, n° 141 ; Journ. not., 1965, art. 47446, p. 259 ; Cass. 1re civ., 5 avr. 2018, n° 17-14.114, s’agissant de la perte de chance d’obtenir des avantages fiscaux) ;
  • ne pas avoir pu obtenir une garantie hypothécaire ou un cautionnement (Cass. 2e civ., 23 juin 1993, n° 91-20.728 ; CA Paris, 1re ch., 13 avr. 2005) ;
  • ne pas avoir pu être indemnisé par une compagnie d’assurances (CA Paris, 1re ch., 24 janv. 2006, n° 04/24008 ; CA Aix-en-Provence, 3 mai 2006) ;
  • être exposé à un manque à gagner dont l’évaluation demeure incertaine (Cass. 3e civ., 18 févr. 2016, n° 15-12.719 ; Cass. 3e civ., 1er juin 2017, n° 16-14.428 ; Cass. 3e civ., 1er juin 2017, n° 16-14.427 ; Cass. 3e civ., 1er juin 2017, n° 16-14.420) ;
  • ne pas avoir pu éviter des poursuites judiciaires (CA Montpellier, 1re ch., 7 déc. 2004, n° 03/04727) ;
  • pour un acquéreur, ne pas avoir pu négocier un prix plus bas lorsque le terrain objet de la vente s’est révélé non constructible (CA Paris, 1re ch., 24 janv. 2006, n° 04/24566).

Les garanties offertes par l’assurance responsabilité civile professionnelle du notaire

Quel dédommagement de la part du notaire pouvez-vous obtenir ?

L’assurance responsabilité civile professionnelle du notaire est obligatoire et collective. Elle est gérée par la Caisse centrale de garantie des notaires (CCGN), qui est un organisme professionnel qui a pour mission de garantir les actes notariés et de couvrir les risques liés à l’exercice de la profession. L’assurance responsabilité civile professionnelle du notaire couvre les dommages causés aux clients ou aux tiers par les fautes, les négligences ou les erreurs du notaire ou de ses collaborateurs, dans la limite d’un plafond fixé par la CCGN.

L’assurance responsabilité civile professionnelle du notaire ne couvre pas les dommages causés par les fautes intentionnelles du notaire, ni les dommages résultant de la violation des règles de la concurrence, de la publicité ou de la déontologie. Elle ne couvre pas non plus les dommages causés par les fautes du notaire dans l’exercice d’activités annexes, telles que la gestion de patrimoine, le conseil fiscal, ou la médiation. Dans ces cas, le notaire doit souscrire une assurance complémentaire.

Les recours possibles contre le notaire ou son assureur

Le client qui a subi un préjudice du fait de la faute du notaire peut exercer un recours contre le notaire ou son assureur, selon les modalités suivantes :

  • Le recours amiable : il consiste à adresser une réclamation écrite au notaire ou à son assureur, en exposant les faits, les motifs et les demandes du client. Ce recours permet de tenter de trouver une solution à l’amiable, sans passer par la voie judiciaire. Il peut être accompagné d’une demande de médiation ou de conciliation, qui sont des modes alternatifs de règlement des litiges, basés sur le dialogue et la négociation entre les parties, avec l’aide d’un tiers impartial et neutre.
  • Le recours judiciaire : il consiste à saisir le tribunal compétent pour demander la condamnation du notaire ou de son assureur à indemniser le client. Ce recours nécessite l’assistance d’un avocat, qui représentera le client devant le juge. Le tribunal compétent dépend de la nature et du montant du litige.

Les délais pour agir en responsabilité civile professionnelle contre le notaire

Le client qui souhaite agir en responsabilité civile professionnelle contre le notaire doit respecter certains délais, qui sont fixés par la loi. Ces délais sont les suivants :

  • Le délai de prescription : il s’agit du délai au-delà duquel le client ne peut plus exercer son action en justice contre le notaire ou son assureur. Ce délai est de cinq ans à compter du jour où le client a connu ou aurait dû connaître les faits ayant causé le dommage, selon l’article 2224 du code civil. Ce délai peut être interrompu ou suspendu par certains événements, tels que la reconnaissance de la responsabilité par le notaire, la demande de médiation ou de conciliation, ou la citation en justice.
  • Le délai de déclaration : il s’agit du délai dans lequel le client doit informer le notaire ou son assureur de son intention d’engager sa responsabilité civile professionnelle. Ce délai n’est pas fixé par la loi, mais il est généralement prévu par le contrat d’assurance du notaire. Il est conseillé au client de déclarer le sinistre dans les plus brefs délais, afin de faciliter l’instruction du dossier et d’éviter les contestations.

Exemples de fautes du notaire engageant sa responsabilité

Défaut de conseil ayant entraîné la perte d’une chance d’éviter un redressement fiscal 

Cass. 1re civ., 13 mars 2024, n° 19-21.360

Une SCI donne un terrain à bail à construction à une société, en vue d’y édifier un bâtiment à usage d’hôtel et des équipements sportifs. Après avoir acquis les biens qui lui avaient été donnés à bail à construction, la société s’est vu notifier un redressement fiscal, l’ Administration ayant considéré que la vente au preneur de l’immeuble entraînait une résiliation anticipée du bail, par confusion du bailleur et du preneur, justifiant l’imposition de la valeur des constructions au titre des revenus fonciers de l’année de cession. La SCI assigne alors le notaire instrumentaire ainsi que l’expert-comptable intervenu dans l’opération, en soutenant que celle-ci aurait pu être réalisée, sans conséquence fiscale , par une cession de parts sociales. La cour d’appel de Bordeaux, le 2 juillet 2019, a retenu le manquement de ces professionnels à leur devoir de conseil et les a condamnés in solidum à payer des dommages et intérêts au titre d’une perte de chance aux époux P., détenteurs des parts exposés à la majoration de leur impôt foncier du fait du redressement susvisés intervenus volontairement à l’instance.
La Cour de cassation approuve cette décision : après « avoir fait ressortir la volonté des époux [P] de poursuivre des activités hôtelières dans un autre établissement avec le concours des banques et relevé, sans inverser la charge de la preuve, qu’ils ne démontraient pas de façon certaine que les solutions alternatives, fiscalement avantageuses pour eux mais impliquant une modification de l’organisation patrimoniale du projet, auraient été acceptées par les acquéreurs et les prêteurs, la cour d’appel a pu retenir que le défaut de conseil imputable au notaire et à l’expert-comptable avait engendré une perte de chance pour les époux [P] d’éviter le redressement fiscal dans la proportion des deux tiers ». Les juges du fond ont dès lors « implicitement mais nécessairement estimé… que les époux [P] se seraient, dans la proportion inverse d’un tiers, peut-être engagés dans les mêmes conditions dans l’opération ayant donné lieu au redressement fiscal, et écarté le moyen soutenant qu’ils auraient renoncé à cette opération s’ils avaient été mieux informés ».

Responsabilité de notaire en vente immobilière

La responsabilité du notaire, rédacteur d’un acte de vente immobilière, a, par exemple, été retenue pour avoir omis d’informer l’acquéreur :

  • – des risques de s’engager dans l’achat d’un terrain avant que le permis de construire ait acquis un caractère définitif, malgré la délivrance d’un certificat d’urbanisme (Cass. 1e civ. 20-3-2014 no 13-14.121 F-PB :) ;
  • – des incidences d’un refus de délivrance du certificat de conformité de l’immeuble aux exigences du permis de construire et du risque que l’acquéreur s’engageait à supporter (Cass. 1e civ. 17-6-2015 no 14-19.692 F-B : Bull. civ. I no 147) ;
  • – des incidences du classement de l’immeuble dans une zone du plan local d’urbanisme limitant l’usage d’habitation des immeubles de cette zone et interdisant de transformer en habitation une partie de l’immeuble vendu (Cass. 3e civ. 21-3-2019 no 17-23.713 FS-D :).
  • Le notaire qui communique une information tardive et incomplète, dépourvue de toute explication suffisante, à l’acheteur d’un terrain à bâtir concernant un projet de construction voisin, manque à son devoir d’information et de conseil (Cass. 1re civ., 17 sept. 2025, n° 23-20.489 F-D). Le notaire, rédacteur de l’acte de vente, est poursuivi par l’acheteur d’un terrain à bâtir pour manquement à son devoir d’information et de conseil. Ce dernier lui reproche de ne pas l’avoir averti de l’existence d’un projet de construction de logements sociaux sur une parcelle voisine, ce qui l’aurait empêché de négocier le prix d’achat à la baisse. Le notaire se défend en soutenant avoir remis à l’acquéreur, le jour même de la signature de l’acte authentique, une note d’urbanisme mentionnant le projet. Mais la Cour rejette cet argument. Elle considère que l’information ainsi fournie était tardive et incomplète, faute d’avoir été accompagnée d’explications suffisantes permettant à l’acquéreur d’en mesurer la portée. Le compromis de vente du 30 juin 2014 ne faisait aucune mention du projet de logements sociaux. Le projet d’acte notarié, transmis à l’acquéreur la veille de la signature, évoquait bien un certificat d’urbanisme mentionnant une note de renseignements d’urbanisme délivrée le 10 juillet 2014, mais cette note, non annexée au projet, était pourtant en possession du notaire. Enfin, celui-ci n’avait pas expliqué la teneur de cette note, se bornant à un simple renvoi à une pièce jointe, sans fournir la moindre explication concrète sur les conséquences du projet pour l’acquéreur. Ainsi, la Cour juge que le notaire n’a pas satisfait à son devoir d’information et de conseil (Cass. 1re civ., 17 sept. 2025, n° 23-20.489 F-D).

Pacte Dutreil

Concernant les pactes DUTREIL, la responsabilité du notaire peut être engagée dans les cas suivants :

  • Le Notaire n’a pas conseillé à ses clients le pacte Dutreil, les privant d’une chance d’obtenir un abattement fiscal de 75 %
  • Le Notaire a mal mis en oeuvre un Dutreil qui a été annulé par l’administration fiscale

Absence de proposition du dispositif Dutreil

La tentation est grande pour le Notaire de passer sous silence l’existence du dispositif Dutreil compte tenu de sa complexité et des risques pour le notaire dans sa mise en oeuvre.

Or, le professionnel encourt la responsabilité s’il ne propose pas le mécanisme fiscal le plus avantageux (Cass. civ., 9 déc. 2000, préc. : Dr. sociétés 2021, n° 4, comm. 44, Mortier). Le notaire doit éclairer le choix de son client en l’informant de la possibilité pour lui de bénéficier de l’exonération prévue par l’article 787 C du CGI même en présence d’un avocat consulté sur l’opération projetée (CA Paris, 25 avr. 2017, n° 15/13799 ; Cass. 1re civ., 14 nov. 2018, n° 17-20.946 ; CA Versailles, 27 oct. 2020, n° 18/08139 ; CA Paris, 15 janv. 2019). C’est ainsi qu’un notaire qui interroge l’héritier sur l’existence d’un engagement collectif souscrit du vivant du défunt, n’informe pas l’héritier, qu’en l’absence de cette souscription, il avait la possibilité de la faire lui-même dans les 6 mois à compter du décès. En d’autres termes, le notaire se contente d’interroger l’héritier sur l’existence d’un pacte déjà existant. Mais il omet d’indiquer que, faute d’un tel acte, l’héritier pouvait lui-même souscrire un engagement collectif dans un délai légal de six mois après le décès, afin de bénéficier du régime Dutreil. (CA Rouen, 14 janv. 2015, n° 14/01137. – Cass. 1re civ., 14 nov. 2018, n° 17-20.946 : – CA Montpellier, 1re ch., 20 févr. 2014, n° 11/07790 – CA Paris, pôle 2, ch. 1, 25 avr. 2017, n° 15/1379).

Mauvaise réalisation du Dutreil par le Notaire

Parmi les fautes les plus graves reprochées au notaire figure celle tenant à la constitution défectueuse d’un pacte Dutreil, entraînant la perte du bénéfice fiscal attaché au dispositif.

Dans une affaire récente (CA Limoges, 7 mars 2024, n° 22/00888), des époux avaient, avec l’aide de leur notaire, transmis la nue-propriété des titres de leur société à leurs enfants, en ayant souscrit un engagement collectif de conservation. L’administration fiscale a toutefois remis en cause l’exonération de 75 % prévue à l’article 787 B du CGI, au motif que les statuts ne limitaient pas les droits de vote de l’usufruitier, condition impérative en cas de démembrement. La cour d’appel a retenu la responsabilité civile du notaire pour manquement à son devoir d’information, de conseil et d’efficacité, en considérant que ce dernier aurait dû vérifier les statuts, alerter les clients et les accompagner dans la mise en conformité nécessaire. Ce type de manquement, fréquent en pratique, illustre le haut niveau d’exigence pesant sur le notaire en matière fiscale : il doit non seulement connaître les conditions du régime fiscal invoqué, mais surtout veiller à leur pleine effectivité, sous peine d’engager sa responsabilité professionnelle.

Focus prescription

  •   Montage fiscal : point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité. le dommage du demandeur au pourvoi ne s’était réalisé que le 7 janvier 2014, date de l’arrêt le condamnant définitivement au redressement fiscal, constituant ainsi le point de départ du délai de prescription quinquennal pour l’exercice de l’action en responsabilité contre les professionnels. (Cass. 1re civ., 29 juin 2022, n° 21-10.720, F-B)

Questions réponses

Où s’adresser pour se plaindre d’un notaire ?

La juridiction compétente pour statuer sur la responsabilité civile professionnelle du notaire est le tribunal judiciaire (anciennement appelé tribunal de grande instance).

Qui contacter en cas de problème avec un notaire ?

Il faut contacter un avocat spécialisé en contentieux qui saura défendre vos droits et vous permettre d’obtenir l’indemnisation qui vous est due.

Puis-je porter plainte contre un notaire ?

Vous pouvez déposer, tout seul ou via votre avocat, une plainte contre votre notaire auprès du Procureur de la République si vous estimez qu’il a commis à votre encontre une infraction pénal (abus de confiance, escroquerie, recel, fraude, etc.)

Comment assigner en pratique

Engager la responsabilité d’un notaire passe par une assignation qui peut viser différentes personnes ou entités, selon la stratégie procédurale choisie et les éléments de fait.

Le notaire

Il est possible d’assigner personnellement le notaire, en responsabilité civile professionnelle. Dans certains cas, on peut aussi diriger l’action contre la structure (société notariale) au sein de laquelle il exerçait lorsqu’il a commis la faute.

Si le notaire est à la retraite, son adresse personnelle peut être obtenue auprès de sa chambre régionale des notaires.

Mais attention : il n’est pas obligatoire d’assigner le notaire lui-même si l’on choisit d’exercer l’action directe contre son assureur, conformément à l’article L. 124-3 du Code des assurances :

« La victime dispose d’une action directe contre l’assureur de l’auteur du fait dommageable. »

Cela peut même s’avérer plus stratégique, notamment lorsque le notaire n’a pas transmis son dossier à l’assureur, car ce dernier disposera alors de moins d’éléments pour contester la demande (absence de direction de procès).

Si le notaire est décédé, il faut soit attaquer ses héritiers soit l’assureur

L’assureur

Le notaire est assuré, comme la quasi-totalité de ses confrères, auprès des MMA, à travers deux entités distinctes qu’il convient d’assigner ensemble :

  • MMA IARD (RCS 440 048 882)
  • MMA IARD Assurances Mutuelles (RCS 775 652 126)

Ces entités sont domiciliées à Niort, ce qui a une incidence sur la compétence territoriale. Conformément à l’article R. 114-1 du Code des assurances, la juridiction territorialement compétente est celle :

  • du domicile de l’assureur (Niort),
  • ou du domicile de l’assuré (le notaire), au choix du demandeur.

Le cas du notaire associé dans une société/structure (SCP, SELARL)

Exercice en commun de la profession notariale

La loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles (JO 30 nov. 1966), modifiée notamment par la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011, la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 et l’ordonnance n° 2016-394 du 31 mars 2016, a ouvert aux notaires la possibilité d’exercer en commun leur profession. Cette réforme, abondamment commentée (Fr. Terré, Les sociétés civiles professionnelles, commentaire de la loi n° 66-879, 29 nov. 1966 : JCP N 1967, I, 2103 ; L’exercice en commun de la profession de notaire, sociétés titulaires d’un office notarial, commentaire du décret n° 67-868 du 2 oct. 1967 : JCP N 1970, I, 2302 et 2327 ; Les sociétés d’exercice, actes du 53e congrès du SNN, Saint-Pétersbourg, 24-28 mai 2017), a profondément modifié l’organisation du notariat.

Elle répondait à un besoin clair : face à l’alourdissement de la responsabilité professionnelle et à la complexité croissante des dossiers, les notaires ont jugé nécessaire de rompre avec un exercice strictement individuel pour mutualiser les charges, les moyens et les risques.

Cette évolution a rencontré un succès constant. L’exercice collectif présente de nombreux avantages : meilleure répartition du travail, diminution des tâches matérielles, mutualisation des coûts de fonctionnement et renforcement des capacités organisationnelles. Aujourd’hui, environ 83 % des notaires exerçant sous une forme associée ont recours à une structure professionnelle. Parmi celles spécifiquement ouvertes aux notaires, les sociétés titulaires d’un office notarial (STON) dominent très largement, devant les sociétés de notaires.

Les 17 % restants correspondent aux sociétés d’exercice libéral à forme commerciale, permises par la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 (modifiée par la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011, la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 et l’ordonnance n° 2016-394 du 31 mars 2016), constituées majoritairement sous forme de SELARL (Les sociétés d’exercice, préc., p. 17).

L’éventail s’est encore élargi depuis l’article 63 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 (dite « loi Macron »), qui permet désormais aux notaires – comme à d’autres professions juridiques – de constituer des sociétés commerciales de droit commun, à l’exception de celles conférant la qualité de commerçant (M.-H. Monsérié-Bon, L’entrée des sociétés de droit commun dans le secteur des professions juridiques et judiciaires : Dr. sociétés 2016, alerte 53).

Incidences sur la responsabilité professionnelle

Le choix entre une société civile professionnelle et une société d’exercice libéral à forme commerciale n’est pas qu’organisationnel : il a une incidence directe sur le régime de responsabilité des notaires associés.

De manière générale, l’exercice en commun entraîne une augmentation mécanique de la garantie pour les victimes. Plus le nombre de personnes juridiquement susceptibles d’être recherchées est élevé, plus l’indemnisation est sécurisée. Ce principe s’applique à toutes les structures, sauf aux sociétés de moyens.

Dans une société de moyens, chaque notaire demeure pleinement indépendant dans l’exercice de ses fonctions. La mise en commun concerne uniquement les moyens matériels (locaux, personnel, matériels, charges), mais l’activité notariale elle-même – rédaction des actes, conseils, signature – reste personnelle à chaque associé. L’absence d’exercice réellement collectif empêche toute incidence sur la responsabilité : seul le notaire instrumentaire assume la réparation.

À l’inverse, dans toutes les structures professionnelles permettant un exercice en commun (SCP, SEL, STON, sociétés de droit commun autorisées), le nombre de personnes potentiellement responsables est accru. Pour autant, la responsabilité demeure, en principe, individuelle : chaque notaire répond des actes qu’il accomplit. La différence réside dans le fait que la structure elle-même – en tant que personne morale – peut également être engagée, ce qui renforce les garanties offertes aux tiers.

Principe d’une responsabilité individuelle du notaire associé d’une société

Que le notaire exerce au sein d’une société civile professionnelle titulaire d’un office de notaire (STON), d’une société de notaires ou d’une société d’exercice libéral à forme commerciale – qu’il s’agisse d’une société d’exercice libéral à forme anonyme (SELAFA), d’une société d’exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) ou d’une société d’exercice libéral par actions simplifiée (SELAS) –, le principe demeure inchangé : la responsabilité du notaire associé repose toujours sur la faute personnelle commise dans l’exercice de ses fonctions. Comme l’a souligné Y. Judeau (Régime juridique des structures d’exercice, Les sociétés d’exercice, préc., p. 30 et s.), certaines formes telles que la société d’exercice libéral en commandite par actions (SELCA) demeurent d’ailleurs très peu pratiquées en raison de la lourdeur de leur gestion et des difficultés qu’elles présentent en matière de transmission.

Le caractère individuel de la responsabilité est donc la règle. Chaque notaire répond personnellement des actes qu’il accomplit, indépendamment de la structure d’exercice qu’il a choisie.

Cette logique s’applique même lorsque le notaire se trouve, en pratique, seul à exercer son activité au sein d’une structure sociétaire. Il peut en effet exercer seul, non seulement dans le cadre d’une société de moyens, mais également dans une société civile professionnelle dont il serait l’unique associé ou dans une société d’exercice libéral unipersonnelle.

Cette possibilité résulte directement de la loi n° 99-515 du 23 juin 1999 qui, en son article 31, a supprimé l’alinéa 2 de l’article 1er de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative aux sociétés d’exercice libéral. Cet alinéa imposait que les SEL aient « pour objet l’exercice en commun de la profession ». Sa suppression a consacré la validité des sociétés d’exercice libéral unipersonnelles : les SELARL unipersonnelles (SELARLU) et les SELAS unipersonnelles (SELASU). Seule la SELAFA échappe à cette évolution, cette forme ne pouvant, par nature, être unipersonnelle..

Multiplication du nombre des débiteurs de l’indemnisation avec la société

Toutefois, l’existence d’une société civile professionnelle ou d’une société d’exercice libéral à forme commerciale est susceptible de se répercuter sur les modalités d’exercice de l’action en responsabilité civile : la présence d’une société professionnelle augmente le nombre des personnes tenues à réparation.

Les articles 16 de la loi du 29 novembre 1966 (pour les sociétés civiles professionnelles) et de la loi du 31 décembre 1990 (pour les sociétés d’exercice libéral à forme commerciale) disposent dans leurs alinéas 1 et 2 : « Chaque associé répond sur l’ensemble de son patrimoine des actes professionnels qu’il accomplit.La société est solidairement responsable avec lui […]. »

De ce fait, tout client, qui s’estime lésé par la faute d’un notaire associé peut agir contre le notaire lui-même, contre la société dont il fait partie ou joindre les deux actions.

Libre choix des poursuites donné au demandeur

Ce libre choix (sur ce libre choix, et par conséquent sur « la négation de toute hiérarchie au niveau des poursuites » en raison du silence des textes, V. A. Lamboley, La société civile professionnelle, Litec, 1974, n° 95) est en pratique exercé de manière cohérente : la jurisprudence montre que les actions sont, le plus souvent, dirigées soit uniquement contre le notaire associé fautif, soit contre ce notaire et la société appelée en garantie. Tel est notamment le cas dans les décisions suivantes : Cass. 1re civ., 23 nov. 2004, n° 03-13.038 ; CA Paris, 3 mai 2017, n° 16/21963, précisant qu’« l’assignation d’un notaire, en qualité d’associé d’une SCP, ne vaut pas appel à la cause implicite de la société » (JCP N 2018, 1238, note C. Corgas-Bernard).

L’assurance de responsabilité civile professionnelle étant obligatoire (D. n° 55-604 du 20 mai 1955, mod. 23 févr. 2007, art. 13 : « chaque notaire est tenu d’assurer sa responsabilité professionnelle… »), il existe en réalité peu de risques pour la victime à agir exclusivement contre le notaire associé. Cette assurance couvre les notaires exerçant individuellement ou au sein d’une société civile professionnelle notariale ou d’une société d’exercice libéral, ainsi que les sociétés elles-mêmes (L. 29 nov. 1966 ; D. 2 oct. 1967).

En principe, sauf faute intentionnelle du notaire, l’assureur prend le relais de l’officier public condamné : l’indemnisation demeure donc garantie. En revanche, il peut être judicieux d’agir également contre la société titulaire de l’office lorsque l’origine du dommage réside dans une faute intentionnelle (civile ou pénale) ou, plus largement, lorsque l’un des associés a commis des actes prohibés par son statut ou ses règles professionnelles.

En effet, si « l’assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré » (C. assur., art. L. 113-1, al. 2), rien n’interdit d’engager la responsabilité de la société dès lors que ses propres négligences ont permis la commission de la faute intentionnelle ou d’une activité manifestement interdite. Ce mécanisme peut conduire, indirectement, à l’intervention de l’assureur au titre des fautes intentionnelles d’un associé, par le biais de la responsabilité de la société.

Illustration jurisprudentielle

L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 15 mars 2005 (Cass. 1re civ., 15 mars 2005, n° 00-21.068 ; JCP N 2006, 1134, p. 591 s., note J. de Poulpiquet) en fournit un exemple éclairant.

Dans cette affaire, un notaire associé avait violé plusieurs interdictions professionnelles énoncées par le décret du 19 décembre 1945 (D. n° 45-0117, 19 déc. 1945, art. 13, 13-1 et 14) :

– il s’était immiscé, à des fins personnelles, dans des opérations de spéculation immobilière (art. 13, 2° et 3°) ;
– il avait reçu et conservé des fonds en s’engageant à en servir l’intérêt (art. 13, 5°) ;
– il avait contrevenu à l’interdiction de recevoir ou négocier des prêts non constatés par acte authentique (art. 14, 3°, 4° et 5°).

Ces comportements, volontairement « extra-notariaux », rendaient impossible toute mobilisation directe de la garantie de l’assureur si seule la responsabilité individuelle du notaire avait été recherchée.

Mais la SCP avait elle-même commis de graves négligences : elle avait intégré dans sa comptabilité les fonds issus des activités interdites, sans vérifier la régularité des reçus, et n’avait posé aucune question quant à l’origine de ces fonds alors même qu’aucun acte n’était établi au nom du débiteur prétendu. Ces fautes de surveillance étaient directement en lien avec le dommage.

De ce fait, la compagnie d’assurance de la société civile professionnelle a été condamnée à indemniser les victimes.

La responsabilité de la société n’est pas subsidiaire. Il n’est donc pas nécessaire d’agir d’abord contre le notaire fautif (Cass. 1re civ., 23 nov. 2004, n° 03-13.038).

Solidarité légale de la société pour les fautes de son notaire associé

La solidarité légale édictée contre la société est un moyen supplémentaire offert au demandeur pour renforcer ses possibilités d’indemnisation (pour les SCP, L. 29 nov. 1966, art. 16 , préc. – Et pour les SEL, art. 16, L. 31 déc. 1990 , mod. L. n° 2001-1168, 11 déc. 2001).

Elle pèse sur la société quels que soient les changements qui interviennent dans sa composition, et notamment le départ de l’associé fautif (Cass. 3e civ., 24 avr. 2003, n° 01-12.658).

En outre, dans les sociétés civiles professionnelles (à l’exception des sociétés de moyens), un dernier recours est donné au demandeur si, par impossible, les actions dirigées contre le notaire et la société n’ont pas abouti : les associés “répondent indéfiniment des dettes sociales à l’égard des tiers” ( L. 29 nov. 1966, art. 15, al. 1er, mod. par L. n° 2011-331, 28 mars 2011 ).

S’agissant des sociétés d’exercice libéral à forme commerciale, la responsabilité sociale est limitée au montant des apports. Dans cette double mesure, les notaires peuvent, par conséquent, en dernier ressort, participer à l’indemnisation des fautes professionnelles commises par un de leurs associés (sur l’ensemble de la question et sur la comparaison de la responsabilité des associés de SCP et de SEL, V. Travaux de l’Assemblée de liaison des Notaires de France, Des outils et des hommes : l’ouverture du notariat au monde économique moderne, t. 1 : Revue de l’Assemblée de liaison 1991, not. p. 32 à 35. – Y. Judeau, Régime juridique des structures d’exercice, Les sociétés d’exercice, préc., p. 30 et s. – J.-F. Barbièri, Exercice professionnel en SEL : responsabilités civiles : Journ. sociétés févr. 2014, dossier  » Le renouveau des SEL et des SPFPL « , p. 27. – A. Reygrobellet, Responsabilités professionnelles et sociétés d’exercice professionnel, Les Cahiers du chiffre et du droit : RJ com. 2013, p. 31 ).

L’existence d’une société professionnelle, en procurant aux demandeurs une pluralité de responsables, liés entre eux par l’exercice solidaire de leur fonction, renforce ainsi la sécurité offerte par la profession notariale. Elle en facilite également l’exercice car les associés ont la possibilité de se remplacer mutuellement.

Exercice sous forme sociale et disparition « de facto » de la substitution

L’existence des sociétés professionnelles est la raison première de la disparition quasi-totale, de la substitution entre notaires.

Traditionnellement en effet, lorsqu’un notaire se trouve malade, absent ou empêché, il doit demander à l’un de ses confrères de le substituer (J.-Fr. Sagaut, M. Latina, Déontologie notariale : Defrénois/Lextenso, 3e éd. 2017).

Cette obligation déontologique de pure confraternité, sans rétribution, mais que l’on ne peut refuser, sans motif légitime, à un notaire de la même ville ou du même canton, est consacrée à l’article 18 du Règlement national du notariat (arrêté du garde des Sceaux du 22 mai 2018 : JO 25 mai 2018), lequel précise que “le notaire substitué conserve la responsabilité de l’acte reçu par le confrère substituant sauf négligence ou faute purement personnelle de celui-ci”.

Désormais, le développement des structures sociétaires rend pratiquement inutile le recours à ce procédé : un notaire associé reçoit l’acte à la place de celui qui est empêché. Faire appel à la substitution impliquerait, ce qui paraît une hypothèse d’école, que tous les associés soient absents ou empêchés au même moment.

Notaire successeur

Exigence d’une faute personnelle

En principe, le notaire qui succède à un autre notaire ne peut être rendu responsable des fautes commises par celui-ci (V. P. Espagno, La responsabilité civile des notaires : Thèse Toulouse, 1953, n° 30). Peu importe que son prédécesseur ait commis des agissements répréhensibles : ces fautes sont personnelles et ne peuvent en aucune façon se transmettre passivement (V. CA Nîmes, 3e ch., 21 mars 1975 : Gaz. Pal. Rec. 1975, 1, p. 10, obs. G. Raymond ; Journ. not. 1976, p. 789 , art. 52991, note J. de Poulpiquet. – CA Toulouse, 7 avr. 2008, n° 07/03479 . – Cass. 1re civ., 27 nov. 2008, n° 05-17.740 – Cass. 1re civ., 29 juin 2016, n° 15-17.591). Il ne pourrait en aller autrement qu’à la condition de doter une étude de notaire de la personnalité morale. Or c’est à l’évidence impossible : un office notarial n’est pas une entité distincte. Il n’existe pas en dehors de son titulaire. Dès lors, seul ce dernier peut être déclaré responsable, conformément aux règles classiques de la responsabilité civile, c’est-à-dire à la condition d’avoir personnellement commis une faute ayant entraîné un préjudice. Un office de notaire peut seulement être considéré comme le cadre matériel et juridique au sein duquel surgit cette responsabilité.

La cour d’appel ayant relevé, par motifs propres et adoptés, non critiqués, que Mme A…, dont la responsabilité était invoquée en la seule qualité de notaire successeur, n’avait pas à répondre personnellement des fautes notariales en cause, qui relevaient des obligations de rédacteur d’acte de son prédécesseur, en a déduit que l’acquéreur était sans intérêt à agir contre celle-ci. (Cass. 1re civ., 29 juin 2016, n° 15-17.591.)

Cela est si vrai que la loi elle-même a rejeté cette possibilité puisque l’existence d’une société civile professionnelle ou d’une société d’exercice libéral à forme commerciale ne modifie en rien le principe de la responsabilité individuelle du notaire.

Ce n’est pas la société qui exerce la profession de notaire mais chaque associé pris individuellement (V. J. de Poulpiquet, V° Notaire : Rép. civ. Dalloz, 2e éd. 2003, n° 138 s.).

Ce n’est pas dire pour autant qu’un notaire ne puisse jamais être rendu responsable à l’occasion d’un acte reçu par son prédécesseur. Le notaire successeur, en effet, se doit de mener à bien les tâches commencées par celui qui l’a précédé (V. Cass. 1re civ., 23 nov. 1977 : JCP G 1977, II, 19243 , note M. Dagot). À partir du jour de sa prestation de serment, il doit vérifier l’état des actes en cours, accomplir toutes les formalités nécessaires, surveiller la bonne exécution des opérations juridiques entreprises par son prédécesseur (CA Nîmes, 3e ch., 21 mars 1975 , préc. – Cass. 1re civ., 23 nov. 1977 , préc. – CA Douai, ch. 3, 14 oct 2004, n° 03/02955 : JurisData n° 2004-254545 . – Rapp. CA Toulouse, 7 avr. 2008, n° 07/03479 , préc., relevant l’absence de mission du notaire initial dans laquelle son successeur aurait pu être substitué).

S’il néglige ces obligations, sa responsabilité peut être retenue mais c’est toujours alors en raison de son fait personnel et non en raison de la faute commise par celui auquel il a succédé (V. Cass. 1re civ., 23 nov. 1977).

Renforcement des obligations personnelles du notaire successeur

Les tribunaux avaient eu cependant tendance à accorder un certain pouvoir exonératoire aux fautes imputables au notaire prédécesseur. Il en allait ainsi, notamment lorsque celui-ci avait commis une erreur soit dans la désignation du bien faisant l’objet de l’acte, soit dans son origine de propriété. Le notaire successeur était alors parfois dispensé de son obligation personnelle de contrôle. La jurisprudence admettait qu’il puisse se fier aux stipulations contenues dans l’acte authentique précédent : celui-ci  » s’imposait, avec toutes ses énonciations  » au notaire successeur  » qui n’avait pas obligation d’en vérifier l’exactitude et devait les tenir pour constantes  » ( CA Paris, 16e ch. A, 24 mars 1992 : JurisData n° 1992-021332 ; Defrénois 1993, art. 35623, p. 1141 , note M.-C. Forgeard).
Avec la proclamation du caractère impératif du devoir de conseil, dont rien ne peut désormais décharger le notaire , cette jurisprudence est révolue.

Désormais, tout officier public commet une faute en ne vérifiant pas la qualité de propriétaire du vendeur ou en reprenant dans son acte l’origine de propriété erronée d’un acte authentique antérieur (V. Cass. 1re civ., 12 févr. 2002, n° 99-11.106 : JurisData n° 2002-012954 ; JCP G 2002, IV, 1522 ; JCP N 2002, n° 58, p. 461 ; Dr. & patr. 2002, n° 417, p. 2 ; Bull. civ. I, n° 54 ; Resp. civ. et assur. 2002, comm. 177 ), dès lors à tout le moins qu’il dispose d’indices lui permettant de  » douter de la véracité ou de la cohérence des informations ainsi recueillies  » ( Cass. 1re civ., 6 févr. 2013, n° 11-27.842 : JurisData n° 2013-001763 ; JCP N 2013, n° 8, act. 294 : servitude non aedificandi n’apparaissant sur aucun des titres successifs que le notaire se devait d’examiner).

Il incombe par conséquent au notaire successeur, comme à tout autre notaire , de vérifier les origines de propriété antérieures ; il ne peut en aucun cas se fier aux clauses d’un acte indiquant l’absence de charges ou de servitudes. Rien ne peut le dispenser d’effectuer toutes les recherches qui sont de sa compétence afin de sauvegarder les droits de ses clients.

La faute commise par le notaire prédécesseur est sans influence sur l’appréciation de la responsabilité du notaire successeur. L’une n’exclut pas l’autre mais elles peuvent s’additionner conduisant ainsi à une responsabilité partagée.

Responsabilité partagée avec le prédécesseur

Sa responsabilité peut être aussi partagée avec son prédécesseur lorsque tous deux ont commis une faute à l’occasion de la réalisation d’une même opération juridique qui s’est inscrite dans une certaine durée.

Exemple : Ainsi, dans une affaire soumise à la Cour de cassation (Cass. 1re civ., 28 oct. 1991, n° 90-14.965 : JurisData n° 1991-002815 ; Bull. civ. I, n° 288 ; Defrénois 1992, art. 35335, p. 1077 , n° 103, obs. J.-L. Aubert), il était reproché au notaire successeur de ne pas avoir procédé au renouvellement de l’inscription du privilège du vendeur, alors que son prédécesseur avait reçu tacitement mandat de le faire.
La Cour de cassation a approuvé les juges du fond d’avoir, dans ce cas particulier, retenu deux fautes, imputables successivement à chacun des deux notaires : le premier  » n’avait pas pris, au moment de sa cessation de fonction, toutes les dispositions et précautions qui s’imposaient dans un dossier en cours d’exécution…  » ; le second, qui était en fonction à l’échéance de l’inscription du privilège et qui avait à ce moment pleine connaissance du dossier,  » aurait dû, à tout le moins, rappeler en temps utile aux vendeurs la nécessité de renouveler leur garantie « .

Le notaire successeur a donc l’obligation, après son entrée en fonction, de prendre connaissance des dossiers afin de relayer effectivement le notaire auquel il succède. La jurisprudence assure ainsi la continuité du  » service public  » notarial : les obligations incombant au notaire prédécesseur sont transmises avec les affaires en cours. Elles deviennent celles du notaire -successeur.

Notaire en second ou en concours

Le notaire intervient en second dans des hypothèses peu nombreuses et strictement prévues par la loi.

En revanche, il intervient, de façon courante, en concours avec un autre officier public, en qualité de notaire personnel de l’une des parties à l’acte.

Il importe de distinguer ces deux hypothèses.

Le notaire attributaire de la minute est dit  » notaire instrumentaire  » ou  » notaire en premier  » ; il est nommé en premier dans le préambule de l’acte. Le notaire en concours ou en participation est dit  » notaire en second  » (RPN, art. 26.3.2. – A. n° JUSC2402635A, 29 janv. 2024, art. 26.3.2).

Notaire en second

La loi prévoit l’intervention d’un notaire en second, soit lorsqu’une ou plusieurs parties ne peuvent ou ne savent signer, soit à l’occasion d’actes solennels pour lesquels la présence de deux notaires ou de deux témoins s’impose.
§ 5Actes concernant des personnes ne pouvant ou ne sachant signer
Lorsque le notaire en second intervient à l’occasion d’actes concernant des personnes qui ne savent ou ne peuvent signer, son rôle est limité : il remplace les témoins ; il a pour fonction de  » légaliser  » officiellement la signature de son confrère (V. P. Espagno, La Responsabilité civile du notaire : Thèse Toulouse, 1953, n° 25). Il ne peut, par conséquent, voir sa responsabilité retenue qu’à l’occasion d’une opération précise : la signature de l’acte. L’ article 9 de la loi du 25 Ventôse An XI (mod. L. 12 août 1902 . – L. n° 66-1012, 28 déc. 1966 . – D. n° 71-941, 26 nov. 1971 ) dispose en effet que la présence du second notaire ou des deux témoins n’est requise qu’au moment de la lecture de l’acte par le notaire et de la signature des parties ou de leur déclaration de ne savoir ou de ne pouvoir signer.
La tâche du notaire en second est donc très limitée : n’intervenant en aucune façon dans la rédaction de l’acte, il n’a aucun conseil à donner aux parties, aucune vérification à effectuer. Sa responsabilité ne peut par conséquent être retenue que dans l’hypothèse d’une contestation portant sur la lecture de l’acte, sur le recueil des signatures ou sur les signatures elles-mêmes.

ctes pour lesquels la loi impose la présence de deux notaires ou de deux témoins
Il en va de même lorsque le notaire en second intervient à l’occasion d’actes solennels dont la réception nécessite la présence de deux notaires ou de deux témoins ( L. 25 Ventôse An XI, art. 9 ) : il s’agit depuis la loi n° 66-1012 du 28 décembre 1966 des testaments authentiques, des actes de révocation de testament et des procurations données en vue de cette révocation.
Ici encore son rôle est minime : il participe à la réception de l’acte, à titre de bienveillance à l’égard de son confrère, uniquement pour remplacer les témoins. N’étant aucunement intervenu dans son élaboration, sa responsabilité ne peut être recherchée que dans l’hypothèse où l’une des parties contesterait la régularité de lecture ou de signature de l’instrumentum.

Il n’en va pas de même en revanche pour l’acte de renonciation anticipée à l’action en réduction et pour celui de renonciation anticipée à l’action en retranchement des avantages matrimoniaux excessif. La loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 a en effet ajouté à la liste des actes solennels l’acte “authentique spécifique” de renonciation anticipée par l’héritier à l’action en réduction ( C. civ., art. 930, al. 1er ) et, suivant le même formalisme, de renonciation au retranchement par les enfants d’une précédente union ( C. civ., art. 1527, al. 3 ). Or, ces actes doivent être reçus par deux notaires et la renonciation signée séparément par chaque renonçant, en présence des seuls notaires. Ces actes sont ainsi désormais  » les plus solennels  » qu’aient jamais reçus les officiers publics. Dès lors, ils paraissent très proches, sur le terrain de la responsabilité civile, des actes reçus en concours par deux notaires.

Notaire en concours

Le concours entre deux notaires répond à une double nécessité : psychologique, parce qu’un contractant souhaite souvent être assisté par « son » notaire afin de garantir la protection maximale de ses intérêts ; et pratique, car cette intervention n’entraîne aucun surcoût. Le tarif des actes est légalement fixé et l’émolument global est réparti entre les notaires intervenants selon les règles en vigueur. Chacun d’eux peut consentir une remise sur sa part et assume proportionnellement la franchise prévue par son contrat d’assurance responsabilité civile (D. n° 2016-230, 26 févr. 2016 ; A. 26 févr. 2016 : JO 28 févr. 2016 ; F. Hébert, JCP N 2016, 1240 ; M. Latina et J.-Fr. Sagaut, La déontologie notariale, Defrénois, 2017 ; J.-F. Pillebout et J. Yaigre, Droit professionnel notarial, LexisNexis, 2015, p. 50 et 125 ; Règlement national du notariat, 22 mai 2018, art. 35 à 37).

Le concours n’est possible qu’entre deux notaires (Règl. national, art. 36-1), et demeure exclu pour certains actes tels que les attestations immobilières après décès, certificats de propriété, procès-verbaux d’adjudication judiciaire et actes tarifés à émolument fixe (art. 36-4).

Selon l’article 26.3.1 du règlement professionnel, il y a concours lorsque plusieurs notaires « contribuent à l’authenticité » d’un acte dont la minute est attribuée à l’un d’eux. Le notaire en concours est désigné comme tel dans le préambule et signe l’acte ou, en cas d’acte électronique à distance, le recueil de signatures.

Lorsque deux notaires instrumentent en concours, le second notaire assume intégralement les mêmes responsabilités que le premier. Chacun doit non seulement conseiller son propre client, mais aussi intervenir dans l’efficacité et la sécurité juridique de l’acte. Longtemps, la jurisprudence a toutefois modulé l’étendue du devoir de conseil en fonction du rôle effectif de chaque notaire et du degré de confiance accordé par les parties. Ce raisonnement menait fréquemment à un partage de responsabilité : lorsque le client avait choisi d’être assisté par son notaire personnel, la responsabilité du notaire en premier pouvait être allégée, voire écartée.

Cette approche, fondée sur une conception relative du devoir de conseil, reposait sur l’idée que chaque intervenant devait répondre avant tout envers son propre client, surtout si ce dernier avait fait appel, de manière expresse, à un autre conseiller.

Revirement de jurisprudence

Cette conception individualisée a été abandonnée par l’arrêt de principe du 26 novembre 1996 (Cass. 1re civ., 26 nov. 1996, n° 94-13.989 ; Bull. civ. I, n° 418 ; JCP N 1996, p. 74). La Cour de cassation y affirme que « les notaires, professionnellement tenus de veiller à l’efficacité des actes qu’ils établissent et d’éclairer les parties sur leurs conséquences, ne sont pas dispensés de leur devoir de conseil par la présence d’un autre conseiller, fût-il lui-même notaire ».
Ce principe a été réaffirmé (Cass. 3e civ., 28 nov. 2007, n° 06-17.758 ; Bull. civ. III, n° 213 ; JCP E 2008, n° 3, p. 21 ; RLDC 2008, n° 45, p. 24 s. ; Rapp. Cass. 1re civ., 26 oct. 2004, n° 03-16.358).

Le devoir de conseil est ainsi devenu objectif et général : il pèse de manière identique sur chacun des notaires intervenants, quelles que soient les attentes subjectives des parties.

Illustration

Dans l’affaire du 26 novembre 1996, l’acte avait été reçu par le notaire du vendeur, tandis que les acquéreurs étaient conseillés par un autre notaire. L’immeuble était inachevé et la SCI venderesse fut liquidée. Les acquéreurs assignèrent le notaire rédacteur, mais la cour d’appel rejeta leur action au motif qu’ils avaient été conseillés par leur propre notaire. La Cour de cassation censura : même assistés d’un notaire-conseil, les acquéreurs étaient fondés à rechercher la responsabilité du notaire instrumentaire.
Le devoir de conseil, devenu absolu, demeure indissociable de la fonction notariale.

Application au concours

En présence de deux notaires en concours, chacun est tenu d’une obligation de conseil envers toutes les parties, sans distinction, en raison de son devoir d’impartialité (Cass. 1re civ., 6 juill. 2016, n° 15-20.418). Les notaires en concours sont responsables in solidum envers la victime.

Attention : portée de l’obligation in solidum

La généralisation du devoir de conseil n’implique pas pour autant que tous les notaires supporteront définitivement la même part de responsabilité. L’obligation in solidum impose de distinguer l’obligation à la dette (vis-à-vis du client-victime) de la contribution à la dette (entre coauteurs) (V. J. Flour, J.-L. Aubert et E. Savaux, Droit civil, Obligations, t. 3, Sirey, 9e éd., 2015, p. 340).

Concrètement :
– chacun des notaires peut être condamné à réparer l’intégralité du dommage envers la victime ;
– mais celui qui paie peut ensuite exercer un recours contre l’autre notaire ;
– les juges apprécient alors la part définitive de chacun en fonction de l’importance causale de leurs fautes respectives.

Autrement dit, la solidarité dans l’intérêt du client n’efface pas l’analyse individualisée des fautes au stade du recours entre professionnels.

En résumé :

  • Il est possible d’assigner le notaire seul, la structure notariale, l’assureur seul, ou les deux ensemble.
  • L’action directe contre l’assureur permet d’éviter certaines complications liées à l’intervention du notaire lui-même.
  • En pratique, on recommande d’assigner les deux entités MMA, au choix du tribunal compétent (Niort ou domicile du notaire).

Quel recours face à un notaire qui traîne ?

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Comment sortir d’une succession bloquée ?

Conclusion

La responsabilité civile professionnelle du notaire est un mécanisme qui permet de garantir la sécurité juridique des actes notariés et la protection des intérêts des clients. Elle peut être engagée en cas de faute, de manquement ou d’erreur du notaire dans l’exercice de son activité, qui cause un préjudice au client ou à un tiers. Pour mettre en œuvre la responsabilité civile professionnelle du notaire, il faut réunir trois conditions : la preuve de la faute, la preuve du préjudice, et la preuve du lien de causalité. La réparation du préjudice dépend des garanties offertes par l’assurance responsabilité civile professionnelle du notaire, des recours possibles contre le notaire ou son assureur, et des délais pour agir en responsabilité civile professionnelle contre le notaire.

En résumé, voici les points essentiels à retenir :

  • La responsabilité civile professionnelle du notaire est obligatoire et collective, et couvre les dommages causés par les fautes, les négligences ou les erreurs du notaire ou de ses collaborateurs, dans la limite d’un plafond fixé par la CCGN.
  • La responsabilité civile professionnelle du notaire peut être engagée dans trois cas principaux : les fautes du notaire dans l’authentification des actes, les manquements du notaire à son devoir de conseil, et les erreurs du notaire dans les formalités postérieures à l’acte.
  • Pour mettre en œuvre la responsabilité civile professionnelle du notaire, il faut réunir trois conditions : la preuve de la faute, la preuve du préjudice, et la preuve du lien de causalité.
  • La réparation du préjudice dépend des garanties offertes par l’assurance responsabilité civile professionnelle du notaire, des recours possibles contre le notaire ou son assureur, et des délais pour agir en responsabilité civile professionnelle contre le notaire.

Si vous avez subi un préjudice du fait de la faute d’un notaire, n’hésitez pas à me contacter pour de plus amples informations. Je suis avocat au Barreau de Paris et je tiens un site juridique contenant un blog. Mon but est de vous aider à faire valoir vos droits et à obtenir la meilleure indemnisation possible.

4 réflexions sur “Comment engager la responsabilité du notaire ?”

  1. Bonjour, je me retrouve actuellement dans une situation plus que  » complexe » suite aux fautes volontaire du notaire charger de la vente de la maison de mon défunt père j’ai tout tenté pour aller en justice mais c’était sans savoir que les dés été piper d’avance et qu’on m’empêche clairement de parler ! Aujourd’hui ils m’ont tout fait perdre j’ai été assigné en justice par une des parties opposé,mes deux demis frères mais là aussi malgré l’obligation d’avoir un avocat tous refusent sans exception ! La situation n’est plus possible pour mon fils également moi même je n’ai pas les armes nécessaires pour leurs faire face seule . En espérant une éventuelle réponse de votre part. Cordialement.

  2. Le notaire que j ai choisis à mon dossier de succession depuis plus de quatre ans .il m’a refuser un accompte sur ma part en prétextant qu il me fallait l accord des autre heritier à t il le droit puisque au téléphone il me l’a clairement refuser

    1. Bonjour.
      Cela fait maintenant 5ème année
      Pour régler une succession.
      Je vais résumer.
      Un notaire plusieurs mois
      Un autre notaire plusieurs mois qui se trompe dans les chiffres avec les assurances.
      Un autre mandat par le tribunal
      Qui m’a envoyé une liquidation dans la qelle il se trompe.
      Puis une liquidation qui se trompe encore.
      Je prends une notaire qu’il fait les comptes juste que ont transmet à ce notaire depuis plus de nouvelles
      Là confiance des notaire me laisse à penser que je ne sais pas à qui m’adresser. Merci beaucoup.

  3. Bonjour, Notre Mère était propriétaire de son appartement. Le fils d’une association d’aide à la personne lui a fait acheter un deux pièces, le même jour, le notaire lui a fait signé un commodat au profit de l’emprunteur. C’est a dire qu’il ne paie aucun loyer jusqu’à sa mort. Ce commodat a été annulé par la justice mais l’emprunteur doit payer un loyer pour une dette de € 93000,- mais celui ci est insolvable. De plus le notaire est mort. j’ai demandé à l’assurance les conditions responsabilités civiles du notaire. je n’ai rien reçu à ce jour. ma question : est ce que je peux me retourner auprès de l’assurance. les enfants sont âgés de plus de 70 ans alors que l’emprunteur a 45 ans. merci.

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